Ce lundi 1er mai, les travailleurs du monde entier ont respecté une fois de plus, le rituel de la fête du travail. L’opportunité a été saisie par les syndicats et autres mouvements de lutte pour l’amélioration des conditions de vie et de travail de battre le pavé, en rangs serrés ou dispersés. Au Burkina, tout en demandant la réintroduction du projet de loi portant code du travail à l’Assemblée législative, l’Union d’action syndicale qui s’est abstenue, ces deux dernières années de mener des activités syndicales de revendications, pour a-t-elle reconnu, ne pas entraver la lutte contre le terrorisme, n’a pas manqué, entre autres, d’attirer l’attention des autorités sur le respect des libertés. En Côte d’Ivoire, le relèvement des salaires a constituer la préoccupation majeure des travailleurs. Bien qu’ayant agi en rangs dispersés les délégués des travailleurs du Maroc ont crié leur ras-le-bol des prix trop élevés des denrées.
Mais, pour la plupart, ce sont des cahiers de doléances dépoussiérés qui ont été transmis aux autorités de l’exécutif, face aux caméras presque indifférentes des hommes et femmes de média pour qui ce marronnier annuel de la presse passe parfois sans rien de nouveau à se mettre sous la plume. A la limite, l’épais document des souhaits, pour ne pas dire de vœux pieux des travailleurs, a connu une mise à jour, en s’enrichissant de nouveaux points, vu que les conditions de travail se dégradent plutôt davantage.
Si en France, le muguet était à l’honneur, avec une très forte odeur de retraite à 64 ans, la réforme toujours très contestée d’Emmanuel Macron, en Afrique où les travailleurs auraient bien aimé être actifs jusqu’à la tombe, le quotidien, pour le moment, est fait de manque de travail et de précarité de l’emploi. L’éducation scolaire, ou plutôt l’alphabétisation de masse qui sert d’enseignement, qui n’arrive toujours pas à faire sa mue pour se conformer aux réalités du continent, ne fait que fabriquer des chômeurs et des sans-emploi. Au lieu de favoriser la formation technique et professionnelle et encourager l’auto-emploi, la majorité des Etats africainst continuent de faire croire aux jeunes qu’ils peuvent les intégrer tous comme fonctionnaires. Faisant donc, du coup, des écoles et universités, des usines permanentes de fabrication de chômeurs, ceux qui nous dirigent encouragent, peu ou prou, l’entrepreneuriat privé offrant du ferment à une pauvreté endémique qui éloigne davantage l’Afrique du train du développement.
Pire la carte africaine du travail présente bien des différences profondes en ce qui concerne des régions comme le Sahel frappé de plein fouet par l’insécurité et d’autres par l’instabilité politique et les guerres. Les attaques régulières des terroristes et autres bandits de grand chemin, ont provoqué la fermeture de bien des services administratifs, mais aussi jeté sur la route de l’exil dans leurs propres pays, fonctionnaires, élèves, étudiants, agriculteurs, éleveurs, etc., appelés désormais, «Personnes déplacées internes». Au Soudan, où militaires de l’armée régulière du général Abdoul Fatah al-Burhan et paramilitaires du général Mohammed Hamdan Daglo dit Hemedti, patron des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), s’affrontent dans une guerre du pouvoir sans merci, la situation n’est guère reluisante. Les populations, sous les sifflements des balles et dans le chaos des bombardements, ne peuvent se permettre le moindre risque de mettre le nez dehors. Sauf lors de ces derniers jours de cessez-le-feu, trêve du reste très peu respectée, mais tout de même arrachée auprès des deux camps en conflit par l’ONU, afin de permettre aux populations prises entre les feux nourris de militaires et paramilitaires de s’approvisionner en vivres et médicaments.
Sous les tropiques, le cocktail détonnant du manque d’emploi et du règne du chômage est plus que jamais au bord de l’explosion. Une déflagration juste retardée par la grande solidarité agissante séculaire entre familles qui partagent tout, du sel de cuisine aux vêtements, des joies de la naissance aux douleurs de la mort. Ce 1er mai n’a donc pas dérogé à la règle. La journée, pour le plaisir des fonctionnaires a, surtout, été chômée et payée et les travailleurs se sont reposés aux frais du prince, même si le panier de la ménagère est resté désespérément vide tout comme l’avenir demeurera hypothétique pour une jeunesse qui ne sait plus si elle peut continuer à se vouer à Saint Joseph, le patron des travailleurs chez les chrétiens ou au génie créateur d’emploi peu…ingénieux de ses dirigeants. L’une ou l’autre, les deux options ont toutes montré leurs limites.
Et les cahiers de doléances ont été reçus, remis «à qui de droit» et rangés dans les placards pour n’en sortir, que le 1er Mai prochain!
Par Wakat Séra