Le mouvement syndical burkinabè a animé ce vendredi, comme il est de coutume chaque 3 janvier depuis 1966, une conférence publique pour commémorer la date historique marquant le soulèvement populaire ayant balayé le régime du premier président du Faso, Maurice Yaméogo, accusé de «dérives, notamment, la gabegie, la corruption, la restriction des libertés politiques et syndicales, le mépris et l’arrogance vis-à-vis des organisations démocratiques».
Pour célébrer ce jour reconnu au sommet de l’Etat, en témoigne son caractère férié, les responsables syndicaux, assistés de leurs militants et sympathisants ont échangé autour du thème : «Contribution du mouvement syndical aux grands tournants historiques du Burkina Faso», dans la plus grande salle de conférence de la Bourse du Travail, QG des syndicats, situé au Centre-ville de Ouagadougou.
A la suite de nombreuses mesures impopulaires prises sous le régime de Maurice Yaméogo (décédé le 15 septembre 1993) dont «l’adoption de mesures de baisse des salaires et des allocations familiales, accompagnées d’arrestations de dirigeants politiques et syndicaux», ces décisions vont susciter une «forte réaction» des syndicats. «Malgré un déploiement policier impressionnant, malgré la proclamation de l’état d’urgence et la caractérisation de la grève d’illégale, l’action des syndicats aboutit, le 3 janvier 1966, à un véritable soulèvement populaire qui mettait fin à la première République», ont rappelé les communicateurs dans une salle qui a refusé du monde.
La commémoration du 3 janvier 1966 permet au mouvement syndical de réfléchir sur leur rôle et leur contribution à la résolution des problèmes des travailleurs et du peuple, a indiqué le nouveau président de l’Union d’action syndicale (UAS), Blaise Hien, qui a aussi rappelé les importantes luttes que leur mouvement a mené en 1966, 1975, 1983, 1987, dans les années 1990 et en 2015 tout récemment contre le putsch des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentiel (RSP), considéré comme la garde prétorienne de l’ex-président Blaise Compaoré, renversé le 31 octobre 2014, après 27 ans de règne.
Après avoir énuméré les pressions auxquelles ont fait face les syndicats depuis leur création sous les différents régimes qu’a connu le pays, les conférenciers ont conclu que dans le contexte particulier que connaît le Burkina aujourd’hui, marqué d’une part par «l’aggravation de l’insécurité» et d’autre part, par de «graves atteintes aux libertés», les travailleurs doivent «renforcer» leurs organisations, «développer la solidarité» entre eux et avec les autres couches populaires, «lutter» contre les restrictions aux libertés démocratiques et syndicales, contre la mauvaise gestion des ressources publiques, contre l’impunité des crimes économiques et de sang et pour de meilleures conditions de vie et de travail.
Pour eux, de 1966 à nos jours, ce sont les mêmes pratiques (gabegie, impunité, corruption, …) qui continuent de gangréner l’appareil d’Etat et paralyse l’administration publique, elle-même déjà prise en tenaille par des programmes politiques dictés par l’impérialisme et l’oligarchie française. Les syndicats ont, notamment, invité particulièrement les gouvernants à une lutte «sincère» contre l’impunité et la corruption qui constitue les grands maux de mal-gouvernance car étant la conséquence de toutes les dérives au sommet de l’Etat.
Ils ont également appelé les autorités à une diligence sur les grands dossiers judiciaires emblématiques (affaire Norbert Zongo, Dabo Boukary…) qui restent toujours en attente d’être jugés. Le mouvement syndical a par ailleurs dénoncé avec véhémence les restrictions «graves des libertés, les assassinats ciblés de militants syndicaux, notamment, de l’ODJ», entre autres.
Par Bernard BOUGOUM