39 mois! C’est ce que demande, comme temps de transition politique, le Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD) du colonel putschiste, Mamadi Doumbouya. Ceci après ses neuf mois passés au gouvernail de la Guinée, suite à sa prise de pouvoir par la force, le 5 septembre 2021. Dans un calcul mental et rapide, on obtient, en ajoutant ces neuf mois aux 39 proposés par les nouveaux maîtres de Conakry, 48 mois, c’est-à-dire, quatre bonnes années, soit juste une année de moins qu’un quinquennat, le mandat dévolu par la constitution à un président sorti des urnes. A moins que les militaires au pouvoir en Guinée soient dans la surenchère pour obtenir une durée relativement longue de la part de la CEDEAO, après négociation!
Faut-il en rire ou en pleurer? En tout cas, on doit, logiquement, s’en inquiéter! Ce printemps de coups d’Etat, qu’ils soient militaires ou constitutionnels, qui s’impose à une Afrique de l’ouest où la démocratie prend du plomb dans l’aile est loin d’arranger des populations qui en sont encore à la recherche de solutions à la faim et les maladies, alors qu’elles vivent sur des terres dont la richesse des sous-sols ne profite qu’à d’autres.
La réaction de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) est très scrutée, l’organisation sous-régionale, bien qu’ayant les coups d’Etat en horreur, a fait preuve de grande indulgence à l’endroit des militaires guinéens, entrés par effraction sur la scène politique, en déposant un autre auteur de coup d’Etat, Alpha Condé qui, lui, a charcuté la constitution de son pays, et s’était offert, envers et contre tous, le troisième mandat de tous les malheurs. Mais, en attendant, à l’instar de certains partis de l’opposition et de l’ancien parti au pouvoir, le RPC Arc-En-Ciel et partis alliés, dans une déclaration commune et sans équivoque, tout en s’inquiétant de cette démarche unilatérale de la junte au pouvoir contraire, réitèrent-ils à la charte de la transition, «rejettent ledit chronogramme» et exigent «la mise en place d’un Cadre de Dialogue Inclusif avec la participation d’un médiateur désigné par la communauté internationale pour définir un chronogramme consensuel conformément à l’article 77 de la charte de la transition».
Visiblement, l’irruption au palais Sékhoutouréya, de la bande au colonel Doumbouya, applaudie en son temps par les opposants et une bonne partie du peuple guinéen qui n’avaient plus aucune alternative pour dénoncer le pouvoir sans partage de Alpha Condé, ne fait plus recette auprès des Guinéens. La lune de miel entre putschistes et populations assoiffées de justice pourrait bien muer en lune de fiel, et redonner tout le pouvoir à la rue, dans une Guinée qui croyait l’heure de sa libération sonnée. Certes, s’accrocher à un fétichisme des dates, sans tenir compte des réalités du terrain ne saurait ramener sur les rails, une démocratie violée pour un oui ou pour un non.
Faut-il pour autant laisser le champ libre aux putschistes, au risque de légaliser, la prise du pouvoir par les armes au détriment des urnes, instaurant ainsi l’incertitude politique dans une Afrique, qui a besoin de toutes ses énergies pour lutter contre le terrorisme, la pauvreté endémique, les crises alimentaires et humanitaires, les conflits communautaires, les guerre civiles, etc.?
En tout cas, l’inquiétude s’installe de plus en plus au sein de la grande famille CEDEAO qui ne sait plus où donner de la tête avec ses polissons putschistes.
Par Wakat Séra