La Côte d’Ivoire vient de manifester son souhait de marcher dans les pas de la France, de la Suède, du Royaume-Uni, en rappelant à la maison, ses militaires et policiers qui servant au Mali. Ainsi, 900 casques bleus ivoiriens devraient quitter, d’ici à août 2023, les rangs de la Minusma, accélérant ainsi la cure d’amaigrissement forcée de la structure. Même «la relève de la compagnie de protection basée à Mopti ainsi que le déploiement des officiers d’état-major et des officiers de police prévus respectivement en octobre et novembre 2022 ne pourront plus être effectués», a précisé le communiqué produit par la Mission permanente de la République de Côte d’Ivoire auprès des Nations Unies.
Certes, les causes de retrait des contingents ne sont pas les mêmes pour tous, car chacun de ces pays à ses griefs, non contre le Mali, il faut le reconnaître, mais contre la junte militaire qui le dirige suite à deux coups d’Etat militaires, l’un perpétré en août 2020 et l’autre en mai 2021. Les putschistes qui se sont amourachés de la société de sécurité privée russe Wagner, dont les éléments sont accusés d’exactions contre les populations civiles dans les pays où elle est implantée, ont, du coup, contraint les Occidentaux à prendre leurs distances avec le Mali. Car ces pays, reconnus comme étant très à cheval sur le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance, se trouvent dans l’incapacité de cohabiter avec les hommes de Wagner dont les méthodes de fonctionnement sont décriées et condamnées, par des rapports réguliers de nombre d’organisations nationales et internationales dont l’ONU et Human Rights Watch, pour ne citer qu’elles.
Même avec les pays faisant frontière avec le Mali, la junte militaire a créé toutes sortes de bisbilles, elle dont le dessein à peine caché n’est autre que de s’éterniser au pouvoir, en surfant sur le sentiment anti-occident et ses accusations sans preuve tangible de déstabilisation. C’est ainsi que malgré les liens séculaires de «fraternité et d’amitié» que le pays entretient avec ses voisins, les militaires qui dirigent le Mali sont entrés en conflit ouvert fait de déclarations incendiaires contre les autorités nigériennes et ivoiriennes.
Contre toute attente, le colonel Assimi Goïta et ses hommes ont même interpellé, le 10 juillet, jugé et mis en prison, 49 militaires ivoiriens en mission de soutien logistique au Minusma, selon les autorités de la Côte d’Ivoire. La médiation togolaise, malgré les efforts de Faure Gnassingbé, n’a jusqu’à présent, réussi à faire libérer que trois femmes, du lot des 49 militaires. Les 46 autres, qu’Abidjan considère désormais comme des «otages», les putschistes maliens entendaient monnayer leur renvoi au bercail, notamment par la remise à eux, des cadres de l’ancien régime qu’ils ont chassé par les armes, et qui auraient trouvé refuge sur les bords de la lagune Ebrié. Face au refus du gouvernement ivoirien de céder à ces marchandages sordides et vils, la junte au pouvoir à Bamako a donc décidé de garder dans ses geôles les 46 militaires ivoiriens qu’elle qualifie de «mercenaires».
Ainsi donc, et sauf réconciliation ou autre retournement de situation, les autorités ivoiriennes et celles intérimaires du Mali on «coupé igname» comme on le dit dans les rues d’Abidjan pour dire que la rupture est consommée. Et ce processus de retrait de troupes annoncé par la Côte d’Ivoire pourrait bien être suivi d’autres, nombre de pays qui fournissent la Minusma en hommes, n’étant plus sur la même longueur d’onde que Bamako.
En tout cas, même si les militaires au pouvoir au Mali ont retiré ce pays de la force conjointe du G5 Sahel, lancé une fatwa contre les forces française Barkhane et européenne Takuba, ces retraits de contingents de la Minusma, s’ils se poursuivent, n’augurent rien de bon pour un Mali sous les feux nourris des terroristes de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. A contrario, cela pourrait constituer une opportunité pour les putschistes maliens au pouvoir, de prouver à la face du monde qu’ils sont en mesure d’assurer la sécurité de leurs populations.
Alors, ils auront assumé, cette souveraineté qu’ils réclament et exigent de leurs «partenaires». Et ce serait déjà ça de gagné pour un Mali de plus en plus isolé du reste de la communauté internationale par la junte militaire au pouvoir.
Par Wakat Séra
*couper igname: mettre fin à des relations