«Le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako informe l’opinion nationale et internationale que suite à l’interpellation de quarante-neuf (49) militaires de nationalité ivoirienne le dimanche 10 juillet 2022 à l’aéroport international Président Modibo Keïta Senou, il a instruit l’ouverture d’une enquête judiciaire pour faire toute la lumière sur cette affaire.»
Comme promis dès l’arrestation, certains parlent de «prise d’otages», de ces éléments qu’elles ont qualifiés de «mercenaires», les autorités maliennes ont confié le dossier à la justice. Une affaire qui a fait monter de plusieurs crans supplémentaires, la tension entre Bamako et Abidjan. Les putschistes maliens au pouvoir, c’est un secret de polichinelle, gardent une dent visiblement bien longue contre la Côte d’Ivoire à qui ils reprochent d’avoir mené la ligne dure dans la décision de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) de sanctionner aussi durement leur pays.
Le colonel Assimi Goïta et les siens ne voient pas non plus, d’un bon œil, les bras ouverts de Alassane Ouattara dans lesquels s’est blotti Karim, le fils de l’ancien président malien, Feu Ibrahim Boubacar Keïta, qu’ils ont tombé un certain 18 août 2020. En face, la Côte d’Ivoire qui n’a jamais accepté cette irruption des militaires sur la scène politique, ne supportait pas davantage l’arrogance des «jeunes gens» qui, en plus de leur coup de poignard dans le dos de la démocratie avaient opté, envers et contre tous, pour une si longue transition de 5 ans, ramenée désormais à 2 ans.
C’est à ce jeu de «je t’aime moi non plus» entre voisins pourtants liés par la géographie et l’histoire, mais surtout par un présent fait de commerce intense entre les deux peuples, que Faure Gnassingbé tentera de mettre fin. Le chef de l’Etat du Togo doit, pour cela, commencer par faire tomber la fièvre provoquée par cette affaire des 49 militaires ivoiriens que Bamako présente comme des mercenaires alors qu’Abidjan affirme qu’ils sont bien des éléments de l’armée ivoirienne et se sont retrouvés en terre malienne dans le cadre d’une mission de soutien au Minusma. La tâche ne sera sans doute pas une sinécure pour le président togolais.
Mais en quête d’une stature de facilitateur, poste laissé vacant par le Burkinabè Blaise Compaoré chassé du pouvoir en 2014, Faure Gnassingbé qui a bonne écoute auprès de la junte et qui a joué un rôle important dans les négociations qui ont conduit à la levée des sanctions contre le Mali, sait qu’il joue gros. Certes, il pourra toujours s’appuyer sur l’entregent de son chef de la diplomatie, mais lui-même entretient des relations excellentes avec nombre de ses pairs, que ce soit dans la sous-région, en Afrique centrale ou ailleurs dans le monde.
En tout cas, les 12 travaux de Faure semblent démarrer sous d’heureux auspices, les deux protagonistes, maliens et ivoiriens, ayant déjà montré de bonnes prédispositions pour renouer les fils du dialogue. Des sources évoquent même des contacts téléphoniques qui ont eu lieu au sommet entre les deux pays. Si la préservation de l’entente peut peser de tout son poids dans la balance, il n’y a pas de doute que le Togolais, fasse fumer, sous peu, le calumet de la paix à l’Ivoirien et au Malien. Toute chose qui pourrait servir de déclic pour la décrispation dans la sous-région, surtout entre le Mali et ses voisins qui savent pertinemment que le colonel Assimi Goïta ne laissera passer aucune occasion pour les contraindre à compter avec lui. C’est d’ailleurs dans cette logique que le maître de Bamako ne s’est pas fait prier pour s’engouffrer dans cette faille grossière ouverte par la Côte d’Ivoire qui a manqué de rigueur administrative dans l’envoi de ses soldats dans une mission pourtant menée depuis 2019 et qui en est à sa 8e rotation.
Faure sera-t-il assez fort pour ramener les deux parties à de meilleurs sentiments? L’espoir est de mise, Ivoiriens et Maliens cherchant à s’éviter une sortie par la petite porte dans cette affaire qui fait…l’affaire du colonel Assimi Goïta qui se servira, sans doute, des dividendes inespérés pour obtenir des concessions de ses voisins au sein desquels il est loin de ne compter que des amis.
Par Wakat Séra