Le phénomène de la mendicité existe depuis des lustres au Burkina Faso. Mais il y a quelques années de cela, ce phénomène a pris des proportions inquiétantes avec l’entrée en lice d’autres catégories de personnes: des jeunes dames en masse avec leurs enfants. Derrière cette pratique se cache une réalité bien triste. Focus sur ce fléau social qui dénote d’une fracture sociale dans toutes ses largeurs au Burkina Faso.
Devant les mosquées, sur les axes bitumés, les carrefours très fréquentés, dans les marchés etc., elles sont un peu partout dans la capitale burkinabè à mendier. Elles, ce sont des femmes, des jeunes dames avec, dans les mains ou sur le dos, des bébés. Elles sont la plupart du temps constituées en de petits groupes, accompagnées par des enfants plus jeunes avec d’autres femmes dont l’âge est plus avancé.
Nous sommes sur le boulevard Charles De Gaulle, dans le quartier Wemtenga, arrondissement 5 de Ouagadougou, à quelques mètres de l’alimentation ‘’La Surface’’. Il est 11h et demi et le soleil est déjà impitoyable. Une jeune dame, qui ne semble pas craindre les rayons de soleil, est arrêtée au feu tricolore. Le bébé au dos qui gémit, la jeune dame demande aux passants de faire parler leur cœur.
Mendier pour survivre
Mendier, cette jeune mère nous confie qu’elle le fait à son corps défendant. «C’est une question de survie. Mon mari est allé chercher du travail. En plus de cet enfant avec moi ici, j’ai deux autres à la maison, qu’il faut nourrir et soigner. La charge des enfants pèse sur mes épaules, ce qui m’a conduit dans la rue», nous signifie-t-elle. Ainsi est fait le quotidien de cette mère de trois enfants; parcourir les rues dans l’espoir d’avoir de quoi subvenir aux besoins de sa famille.
Un peu plus loin, à quelques pas de la gare de la compagnie de transport TSR de Wemtenga, nous avons trouvé un groupe de femmes et d’ enfants. Quelques-uns des enfants sont sous le soleil en train de quémander. Les autres sont avec les femmes sous l’ombre d’un panneau publicitaire. Les enfants, des petites filles, et les femmes âgées n’ont pas bonne mine. Elles nous regardent d’un air qui frise le désespoir. Nous avons tendu notre micro à la seule femme qui savait s’exprimer en langue locale mooré, car, faut-il noter, la majorité ne savait pas s’exprimer qu’en fulfuldé.
Dans un mooré approximatif, elle nous explique pourquoi elles se sont retrouvées dans la rue à mendier. «Nous venons de Dori. Nous avons quitté cette localité, pas à cause du terrorisme, mais parce qu’on avait plus rien à manger. Nous sommes venus à Ouagadougou bien avant que la situation sécuritaire ne se dégrade», nous fait-elle savoir.
Ces femmes ne sont pas des «déplacées internes»
Ce ne sont donc pas des déplacées internes comme le pensent bon nombre de personnes. Ce sont des gens qui ont manqué du minimum vital et qui sont donc à la recherche de leur pain quotidien. «Dans la famille, nous sommes vingt, c’est la croix et la bannière pour joindre les deux bouts», soupire-t-elle.
Sur le boulevard des Tansoba, à une vingtaine de mètres du site abritant le Salon international de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), une femme assise avec deux enfants, un au dos et l’autre sur les épaules. Ce sont visiblement des jumeaux, deux jolis garçons qui ont à peine trois ans. L’air fatiguée, la femme s’est placée au carrefour, comptant sur la générosité des usagers de la voie. «En plus des jumeaux, j’ai cinq enfants. J’ai commencé à mendier car les enfants pleurent sans cesse et je ne peux rien faire comme travail», se désole-t-elle. Selon ses dires, son mari qui est mécanicien, n’a pas assez de moyens pour assurer seul les charges de la famille. Elle nous confie également qu’elle habite dans le quartier Kalgondé.
Une autre femme rencontrée juste à la sortie Est de l’Université Joseph Ki Zerbo, a une toute petite fille dans ses bras. L’enfant, malgré le soleil, ne lâche en aucun moment le sein de sa maman. Elle nous apprend qu’elle vient en ce lieu tous les jours et ce, dès le matin.
«Je mendie au niveau de ce carrefour, car il y a les feux tricolores qui obligent les usagers de la route à s’arrêter. Mais surtout les matins, il y a toujours un embouteillage qui nous permet de demander de l’aumône à plusieurs personnes. Surtout que c’est le matin, les gens cherchent des bénédictions pour toute la journée. Il y a donc plus de gens qui donnent le matin que le soir», nous raconte-t-elle.
Cette mère a perdu son mari dans des circonstances dont elle n’a pas voulu nous parler. Son veuvage l’a contrainte à se retrouver dans la rue à mendier pour survivre. «Ce n’est pas toujours facile, il y a des jours où on ne gagne pas grand-chose. En ce moment, on se contente du peu qu’on a et on espère que demain sera meilleur», dit-elle.
«Ces femmes sont considérées comme des personnes en situation de rue»
Nous avons approché le ministère en charge l’Action humanitaire pour savoir ce qui est fait à son niveau pour ces femmes. La ministre Laurence Marchal/Ilboudo nous a signifié que ces femmes ne sont pas considérées comme des déplacées internes. Pour ce faire, elles ne sont pas concernées par les politiques mises en place pour s’occuper des personnes déplacées internes.
Néanmoins, elle s’est voulue rassurante en nous faisant comprendre que ces femmes sont considérées comme des personnes en situation de rue et qu’il y a en la matière une politique. Elle nous a expliqué comment le processus marche: «Le ministère, en rencontrant des femmes en situation de rue, négocie avec elles pour leur apporter son aide. Celles qui acceptent cette aide, le ministère les emmène sur leur site qui est basé à Somgandé», nous a expliqué mme Marchal/Ilboudo.
Siaka CISSE (Stagiaire)