Ceci est le message à la Nation du président Mahamadou Issoufou à l’occasion du 62e anniversaire de la proclamation de la République du Niger.
NIGERIENS,
NIGERIENNES,
MES CHERS CONCITOYENS,
Le 2 Août dernier, je vous adressais mon dernier message d’anniversaire de l’indépendance. Aujourd’hui, je vous adresse mon dernier message d’anniversaire de la République.
Demain 18 Décembre 2020, notre République a 62 ans. Vous m’avez fait l’honneur de m’en confier la présidence pendant bientôt dix ans. Pendant ces dix ans, nous nous sommes efforcés d’honorer les promesses que nous vous avons faites dans le cadre du programme de renaissance actes I et II. Le Gouvernement en fera le bilan définitif dans trois mois, mais d’ores et déjà il en a dressé le bilan provisoire. De ce bilan, il ressort, qu’en dépit du choc lié à la baisse des prix des matières premières, des chocs sécuritaire, climatique et récemment sanitaire provoqué par la covid19, notre économie a connu un taux de croissance moyen annuel de 5,8% sur la période 2011-2020. Il est bon de rappeler que ce taux était de 1,88% et 4,87% respectivement pendant la décennie perdue 1990-2000 et pendant la décennie 2000-2010. Sans la covid, le taux de croissance aurait été de 6,3% pendant la décennie 2011-2020. Cette croissance met notre pays dans la catégorie des pays potentiellement émergents. Elle est portée par les investissements dont le taux est environ de 30% du PIB, par la consommation finale en liaison avec l’amélioration des revenus des consommateurs. En particulier, le Gouvernement a distribué sur la période, trois mille milliards de salaires. Par ailleurs, la croissance a été inclusive car l’incidence de la pauvreté a baissé, surtout en milieu rural qui a bénéficié notamment de plans de soutien annuel d’un montant cumulé d’environ deux mille milliards. La classe moyenne, quant à elle, s’est renforcée. Néanmoins, avec un tel taux de croissance et dans les conditions démographiques actuelles, pour réaliser l’émergence, c’est-à-dire, entre autres, atteindre un revenu moyen par habitant équivalent au moins à 10% de celui de l’Union Européenne, il faut plusieurs décennies d’efforts continus. Cela exige de nous la poursuite des efforts de reformes économiques et financières, l’effort de consolidation des institutions démocratiques, le renforcement de la sécurité du pays, la poursuite de l’équipement du pays en infrastructures de toute sorte, la transformation du monde rural, l’amplification du développement du capital humain et la transformation de notre actif démographique en dividende économique. Dans tous ces domaines, des résultats appréciables ont été obtenus, ces dix dernières années.
Mes chers Concitoyens,
L’émergence du Niger suppose non seulement, une croissance économique élevée et continue sur plusieurs décennies, mais aussi une restructuration de notre économie à travers des réformes économiques hardies. Le Gouvernement s’y est attelé résolument ces dix dernières années. Ces réformes concernent les finances publiques comme le secteur privé.
S’agissant des finances publiques, elles ont permis de doubler le niveau des recettes internes et de multiplier par quatre celui des ressources externes. Au total, les ressources intérieures et extérieures mobilisées sur la période 2011-2020 sont évaluées à 12,6 mille milliards de FCFA, pour une prévision de 13,6 mille milliards, soit un taux de réalisation de plus de 93%. Le faible écart entre prévision et réalisation montre le réalisme du programme de renaissance et donc la rigueur et le sérieux qui ont présidé à sa conception.
Les réformes des finances publiques ont porté aussi sur l’amélioration de l’efficacité de la dépense même si les efforts de lutte contre la corruption n’ont pas été à la hauteur des ambitions du programme de renaissance.
S’agissant du secteur privé, les réformes ont permis d’améliorer le climat des affaires avec une forte progression du rang du Niger dans le classement Doing Business. La création des autorités de régulation sectorielle, la révision du code des investissements, la mise en place d’un cadre de partenariat public privé, la promotion de l’entreprenariat des jeunes, la facilité d’accès au financement etc…. sont autant d’actions qui ont permis le développement du secteur privé et contribué à attirer les investissements directs étrangers. Ces derniers ont été importants dans le secteur minier et surtout pétrolier, ce qui permettra une modernisation plus forte de la structure de notre économie à travers une plus grande contribution du secteur secondaire et du secteur tertiaire moderne.
Mes chers Concitoyens,
L’émergence du Niger suppose la stabilité des institutions démocratiques et républicaines. L’exemple de la décennie perdue 1990-2000, durant laquelle le revenu par habitant a baissé avec un taux de croissance économique inférieur à 2%, le prouve. L’amélioration de l’accès à la justice et de la qualité des services judiciaires, la promotion des droits humains qui a valu à notre pays le prix de la lutte contre la traite des personnes en 2019 et d’être cité comme « un modèle de bonnes pratiques » en matière de respect de droits humains, la promotion de la liberté de la presse, la promotion de la liberté d’association, les efforts de lutte contre la corruption, le renforcement du cadre juridique et des outils de la gouvernance administrative, le renforcement des ressources humaines de l’Etat en vue d’améliorer les capacités d’offre des services publics, le renforcement des capacités des collectivités territoriales, la création de nouveaux départements, l’amélioration du cadre juridique et institutionnel du processus de décentralisation, le développement des outils de planification en matière de développement local et le transfert des compétences et des ressources de l’Etat central vers le niveau local, sont autant d’actions qui ont permis le renforcement des institutions et leur bon fonctionnement. A toutes ces actions, il faut ajouter l’organisation d’élections transparentes, libres et honnêtes qui fondent la légitimité et donc la force des institutions. Les élections locales organisées le 13 Décembre 2020 sont de celles-là. Les scrutins législatif et présidentiel du 27 Décembre prochain répondront, j’en suis sûr, aux mêmes exigences. Je fonde l’espoir que toutes les institutions chargées des élections seront à la hauteur de leur mission.
Mes chers Concitoyens,
Il n’y a pas d’émergence sans sécurité des personnes et des biens. Cette priorité du programme de renaissance a été prise en charge par le Gouvernement tout au long de la décennie écoulée. Les menaces sont bien identifiées, les objectifs politiques et stratégiques de lutte contre ces menaces sont bien définis. D’importantes ressources financières y sont investies. Les effectifs des forces de défense et de sécurité ont été doublés entre 2010 et 2020 ; il est prévu un nouveau doublement sur les cinq prochaines années. Un programme ambitieux de formation de forces spéciales est en place ainsi que des centres de formation appropriés. Les forces sont équipées y compris en vecteurs aériens. Les forces conjointes mutualisant les capacités des Etats du Sahel et du bassin du lac Tchad sont opérationnelles. Les alliances militaires qu’il faut sont conclues. Une large coalition internationale de lutte contre le terrorisme au Sahel se forme progressivement. Les opérations menées par toutes ces forces combinées ont permis d’enregistrer d’importants succès contre l’ennemi. C’est dire que toutes les conditions militaires sont remplies pour une victoire définitive contre le terrorisme et le crime organisé. Cette victoire sera l’œuvre de nos vaillants soldats dont je salue le courage. Cette victoire nous la partagerons avec les soldats des autres pays du G5 Sahel et du bassin du Lac Tchad. Cette victoire nous la partagerons avec nos alliés Français et Américains dont les soldats meurent aux côtés des nôtres sur le champ d’honneur. Cette victoire nous la partagerons avec les Nations Unies dont le Secrétaire Général est très soucieux de la situation des peuples du Sahel. Nous la partagerons avec l’Union Européenne qui nous apporte des appuis multiformes et dont certains pays membres sont engagés dans l’opération Takuba. Cette victoire nous la partagerons avec l’Union africaine dont le contingent sera bientôt sur le théâtre des opérations. Nous la partagerons avec la CEDEAO dont le plan de lutte contre le terrorisme est en cours d’exécution. Que tous, trouvent ici, l’expression de notre immense gratitude.
C’est le lieu de dire combien notre diplomatie a été mise au service, non seulement de notre développement, mais aussi et surtout, de notre sécurité. L’élargissement de la carte diplomatique du Niger, notre présence au conseil de sécurité des Nations Unies en qualité de membre non permanent, la présidence de la CEDEAO et le rôle joué dans le processus de la monnaie unique, les contributions du Niger à l’Union Africaine dont notre pays a accueilli le Sommet extraordinaire relatif au lancement de la zone de libre échange continentale Africaine (ZLECAf), projet conduit sous le leadership du Niger etc….sont autant d’arguments qui ont rendu la voix du Niger audible, renforcé la confiance des partenaires et mobilisé leur soutien en faveur de notre lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Mes Chers Concitoyens,
Il est généralement conseillé aux pays en voie de développement d’avoir un taux d’investissement annuel supérieur à 24% du PIB. Sur la période 2011-2020, notre pays a connu un taux d’investissement annuel moyen de 30% du PIB contre environ 19% pour la décennie précédente. Ces investissements ont permis, entre autres, d’équiper notre pays en infrastructures routière, ferroviaire, aéroportuaire, énergétique, urbaine et de télécommunication.
Des milliers de km de routes nouvelles ou réhabilitées sont bitumées pendant que d’autres sont en cours, lancées ou sur le point de l’être. Il en est de même pour les routes rurales. C’est le lieu de mentionner la réalisation d’une infrastructure importante de franchissement du fleuve Niger : le pont Djibo Bakary à Farié.
L’histoire retiendra notre forte volonté de doter notre pays d’infrastructures ferroviaires. Cette volonté s’est malheureusement heurtée aux obstacles que l’on sait. Néanmoins, le tronçon Niamey-Dosso, long de 140km a été réalisé. Le projet de la boucle ferroviaire Cotonou-Niamey-Ouagadougou-Abidjan doit être coûte que coûte réalisé car un pays continental comme le notre doit, pour les conditions de sa compétitivité, réduire les coûts de transport qui représentent environ 40% de la valeur des produits.
L’histoire retiendra aussi, la création de l’aéroport de Tillabéry et la modernisation des aéroports de Niamey, d’Agadez, de Dirkou, de Maradi, de Zinder, de Tahoua ainsi que celle, en cours de l’aéroport de Diffa. Un pays aussi vaste que le nôtre mérite de telles infrastructures.
L’histoire retiendra enfin la modernisation des marchés de Zinder, de Maradi et de Tahoua.
Sur le plan énergétique, la puissance électrique installée a été multipliée par trois, au cours des deux mandats. En effet, la capacité de production nationale est passée de 68 MW en 2010 à 223 MW en 2020 ; le réseau électrique a été renforcé grâce à la réalisation d’infrastructures de transport ; le taux d’accès à l’électricité a été amélioré notamment grâce à l’électrification rurale. Ce taux va davantage progresser avec le projet Kandaji dont les travaux du barrage, un moment perturbés par les questions de sécurité, vont s’accélérer. Ce barrage, une fois terminé, sera la source d’énergie la plus compétitive de toutes nos infrastructures énergétiques.
S’agissant des infrastructures urbaines, 7 chefs-lieux de région ont été modernisés. Le 8ème, Diffa, est en cours. Même certains chefs-lieux de département ont bénéficié ou vont bénéficier de cette modernisation.
Permettez-moi d’insister sur le cas de Niamey et de Diffa.
Niamey est désormais, avec ses centrales électriques, ses lumières, ses échangeurs, ses places publiques aménagées, son troisième pont qui sera bientôt inauguré, ses hôtels, ses infrastructures administratives, ses centres de conférences, ses rues et boulevards bitumés, son hôpital de référence, une capitale digne de ce nom. Toutes ces infrastructures en font une ville compétitive en matière d’économie des conférences dont la promotion sera faite par une agence que le Gouvernement vient de mettre en place.
S’agissant de Diffa, je regrette profondément que les conditions n’aient pas pu être remplies pour que la fête tournante du 18 décembre puisse s’y dérouler comme prévu. Je regrette d’autant plus que cette fête devrait être l’occasion d’apporter le réconfort et la joie que méritent nos concitoyens de Diffa si éprouvés par le terrorisme ces dernières années. C’était l’occasion pour toute la nation de manifester sa solidarité avec Diffa. Je m’engage, ici, à ce que tous les chantiers prévus dans le cadre de Diffa N’Gla soient menés à leur terme afin de moderniser Diffa et que soit belle la fête le moment venu.
S’agissant des infrastructures de télécommunications, des milliers de km de fibre optique ont été réalisés, les taux de couverture nationale, de pénétration du fixe et du mobile se sont fortement accrus.
Mes chers Concitoyens,
Pour atteindre à terme le revenu par habitant des pays émergents, il fallait s’attaquer à la pauvreté. Celle-ci étant principalement rurale dans notre pays, nous avions décidé la transformation du monde rural en le dotant non seulement d’infrastructures de toutes sortes mais surtout en mettant en œuvre l’initiative 3N, « les Nigériens Nourrissent les Nigériens », l’objectif étant la « Faim zéro » dans notre pays. Or les cycles de famine correspondaient aux cycles de sécheresse. Il fallait rompre cette liaison. Nous y sommes parvenus à travers des investissements pour restaurer et protéger les bases, développer les ouvrages de mobilisation de l’eau, apporter aux producteurs des appuis en intrants notamment. C’est au total environ trois mille milliards qui ont été consacrés aux actions d’opérationnalisation de l’initiative 3N. En termes d’effets, les productions de viande et de lait se accrues en moyenne annuelle respectivement d’environ 6% et 5%, les productions pluviales et irriguées, quant à elles, se sont accrues en moyenne annuelle respectivement de 6% et 22% depuis 2011. Ces chiffres montrent l’accent mis sur l’irrigation : si sécheresse ne doit plus être synonyme de famine ça sera grâce à elle, l’irrigation. Grâce à l’initiative 3N, nous avons pu atteindre, dès 2015, deux des cibles des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) relatives respectivement à la réduction de moitié du nombre de personnes qui souffrent de la faim et à la réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Par ailleurs, Les performances du secteur agro-pastoral se sont traduites par une augmentation des revenus des producteurs, ce qui a permis de réduire l’incidence de la pauvreté, en milieu rural, de 9 points de pourcentage par rapport à 2011. Du reste les succès de l’initiative 3N lui ont valu d’être reconnue comme modèle par la FAO.
Mes chers concitoyens,
Le développement du capital humain est une condition essentielle de l’émergence. En effet l’éducation et la santé permettent d’avoir des citoyens productifs et compétitifs. Elles permettent aussi de rendre possible la transition démographique.
Le gouvernement a alloué, au secteur de l’éducation, 20% du budget en moyenne annuelle. Ces ressources ont permis de renforcer l’offre à travers l’accroissement des capacités d’accueil et le recrutement des enseignants à tous les niveaux d’enseignement ainsi que l’acquisition des fournitures. Ainsi plus de dix-huit mille classes ont été construites, soit presque autant que toutes les décennies précédentes cumulées. De même 63% des agents recrutés à la fonction publique relèvent du secteur de l’éducation. Au niveau de l’enseignement primaire, la mise en œuvre du programme de renaissance a été menée de manière progressive suivant les trois dimensions : l’accès, la qualité et le pilotage. Tous les indicateurs des différents niveaux d’enseignement ont été améliorés. Au niveau professionnel et technique la proportion des apprenants a été portée de 8% en 2010 à environ 38% en 2020 pour une cible de 20%. S’agissant de l’enseignement supérieur, quatre nouvelles universités ont été créées permettant de multiplier l’effectif des étudiants presque par cinq. Le volume des bourses et de l’aide sociale s’est aussi fortement accru.
S’agissant de la santé, il lui a été alloué, en moyenne annuelle, environ 8% des ressources budgétaires. Cela a permis de construire des infrastructures, dont deux hôpitaux de référence et un centre de lutte contre le cancer, d’améliorer les plateaux techniques, de recruter plusieurs milliers d’agents de santé dont plus d’un millier de médecins contre à peine 300 en 2010 et de garantir l’approvisionnement en médicaments. Cela a permis de renforcer les indicateurs d’accès au soin, d’enregistrer des avancées en matière de santé de la reproduction, d’améliorer l’état nutritionnel des enfants, de renforcer le suivi des maladies transmissibles, d’organiser des séances de vaccination, de réduire la mortalité maternelle et infantile et d’améliorer la résilience de notre système de santé, ce qui nous a beaucoup servi dans notre combat contre la covid19 qui vient, par ailleurs, nous rappeler l’importance de l’eau, secteur dans lequel le Gouvernement a également beaucoup investi. Les investissements réalisés dans ce secteur ont permis de construire et de réhabiliter d’importants ouvrages en milieu rural comme en milieu urbain. En milieu rural le nombre d’équivalents points d’eau, réalisés sur la période du programme de renaissance, représente 69% du stock de toutes les décennies précédentes. En milieu urbain, le taux de desserte de 95% prévu par le programme a été atteint dès 2018. Il est d’environ 97% en aujourd’hui.
Mes chers Concitoyens,
Je suis heureux de constater que j’ai tenu mes promesses mais j’aurais voulu faire davantage pour mon pays. Il y a encore beaucoup de défis à relever et dans la perspective de les relever dans le temps permettez-moi de tirer deux conclusions majeures de l’expérience de dix ans de mise en œuvre du programme de renaissance. La première conclusion est la suivante : l’émergence du Niger est possible. Notre pays en a, en effet, le potentiel qui permet d’atteindre et de conserver un taux de croissance élevée sur une longue période. Bien sûr pour un taux de croissance économique donné on atteindra plus ou moins rapidement l’émergence selon le taux de croissance démographique. La deuxième conclusion, c’est l’importance de la stabilité pour un pays : cela ressort clairement de la comparaison entre la décennie perdue 1990-2000 et les décennies 2000-2010 et 2011-2020. La stabilité est la pierre d’angle de l’émergence. Il faut des décennies d’efforts dans la paix, la stabilité, l’unité et la concorde nationales pour construire notre pays. Il faut que vous vous mobilisiez, que vous vous rassembliez tous, main dans la main, sur le chantier de la construction nationale. Cela ne dépend que de nous. Joyeux anniversaire de la République à toutes et à tous !
Je vous remercie !