Accueil A la une 66e anniversaire d’indépendance: Mamadi Doumbouya ne se trompe-t-il pas de Guinée!

66e anniversaire d’indépendance: Mamadi Doumbouya ne se trompe-t-il pas de Guinée!

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La Guinée et le pouvoir de transition du général Mamadi Doumbouya

Le 28 septembre 1958 les Guinéens, par référendum, ont été le seul pays sous colonisation française à dire un «NON» retentissant et courageux à la domination, pour crier un «OUI» non moins tonitruant, à son accession à la souveraineté internationale. Ce 2 octobre, date de la commémoration du 66e anniversaire de l’indépendance du pays a été, pour le pouvoir intérimaire en place, l’occasion de faire un état des lieux et surtout faire une halte sur le quotidien tel que vécu par les populations.

Sauf que la Guinée, depuis son émancipation du colon, marche sur une route jalonnée de coups d’Etat, dont le dernier en date, n’est autre que celui perpétré par le général Mamadi Doumbouya, colonel au moment des faits. Cette date anniversaire a été, pour le président de la transition, l’opportunité de mesurer le chemin parcouru et d’exhorter les siens à prendre à bras le corps, les défis à relever pour garantir un avenir radieux à tous les Guinéens, sur le socle de valeurs de paix, d’unité et de cohésion sociale.

Ce fut aussi, le moment idéal choisi par le général Mamadi Doumbouya, pour élever la femme guinéenne au pinacle des actions du développement du pays. Un discours séduisant qui aurait pu même être fondateur, s’il n’était aux antipodes de la réalité de précarité, de musellement, de répression sanglante, d’entrave aux libertés, de non respect des droits de l’homme, des affres de la de vie chère, de chômage et de non emploi des jeunes, de l’oppression des opposants et de toute voix dissonante de celle de la junte militaire, et surtout de confiscation du pouvoir après le putsch militaire du 5 septembre 2021.

Selon nos confrères du journal Le Monde citant l’association Amnesty International, «la répression des manifestations, systématiquement interdites, a fait quarante-sept morts entre septembre 2021 et avril 2024, -alors que- le 4 septembre, une femme a été tuée par balle, pendant des affrontements entre la police et des manifestants, touchée mortellement alors qu’elle était dans un taxi et que des échauffourées ont éclaté dans le quartier de Sonfonia, dans le nord de Conakry.» Juste un petit aperçu de la vie en Guinée, qui, mise en comparaison avec la déclaration solennelle et officielle du président de la transition, fait penser à une Guinée vue à travers les lunettes noires du général Mamadi Doumbouya, totalement en déphasage avec la Guinée où le peuple trime et se fait abattre comme un animal de brousse, lorsqu’il ose crier sa misère.

Que dire donc de l’honneur qui est fait aux femmes, alors qu’en réalité, le panier de la ménagère se vide plus que jamais et que ce sont les époux et les enfants des mêmes héroïnes de Mamadi Doumbouya qui sont tués lors des manifestations pour dire non à l’arbitraire? Du reste, il serait très difficile, voire impossible de contredire cette analyse d’un Guinéen, pour qui, à cause de l’incurie des dirigeants qui se sont succédé, l’indépendance en Guinée, aujourd’hui, se résume à «66 ans de souffrance, 66 ans d’injustice, 66 ans de tueries, 66 ans dans l’obscurité, 14 ans d’ethnocentrisme». Conclusion sans appel de ce Guinéen amèrement déçu et révolté, «ce n’est pas encore le moment de célébrer notre indépendance (…)».

Oui, faut-il célébrer, une indépendance alors que le coup d’Etat militaire applaudi de Mamadi Doumbouya, parce qu’ayant chassé le président du «3e mandat», le Professeur Alpha Condé, est devenu un cauchemar pour des Guinéens qui ne savent plus s’il faut se vouer à un président militaire ou civil, opposant historique? Faut-il commémorer une accession à l’indépendance, pendant que, à l’instar d’autres citoyens, le général Sadiba Coulibaly et le colonel Pepe Célestin Bilivogui, sont morts dans des circonstances troubles et non encore élucidées? Faut-il commémorer une indépendance alors que les Guinéens s’inquiètent des leurs, disparus dans des conditions mystérieuses, comme c’est le cas pour les familles et proches d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè et Mamadou Billoh Bah, deux militants du Front national pour la défense de la constitution (FNDC)?

Faut-il célébrer une indépendance alors que le peuple guinéen manque de tout dans les structures sanitaires, de carburant, d’électricité, en somme de quoi survivre? Enfin, faut-il célébrer une indépendance alors que les Guinéens sont dépendants d’un pouvoir de la transition, dont les responsables, après avoir juré qu’ils ne seront candidats à aucune élection, comme, du reste, le leur interdit, à eux et Mamadi Doumbouya, la charte de la transition, sont en train de faire volte-face contre la volonté du même peuple qui a été massacré et ses femmes violées, lorsqu’un autre chef de junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, pour ne pas le citer, après avoir usurpé le pouvoir, a menacé de présenter sa candidature à la présidentielle en 2009?

Non, la Guinée du général Mamadi Doumbouya est loin d’être indépendante!

Par Wakat Séra