A la tribune de la 77e Assemblée générale de l’ONU qui s’est ouverte ce mardi, les millions de Personnes déplacées internes (PDI) qui ont abandonné leurs biens et leurs terres dans une fuite sans fin, auraient eu la parole que cette grande rencontre qui rassemble les têtes couronnées du monde entier aurait servi pour une fois, au moins, à faire parler le continent noir, l’Afrique réelle. Les PDI auraient raconté les horreurs qu’elles ont fuies, les pieds visqueux et rouges du sang de leurs pères, fils et mères tués par des terroristes de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) ou du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) qui écument le Sahel africain, opérant, de plus en plus, des incursions meurtrières dans les Etats du Golfe de Guinée, notamment le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Les victimes des inondations sans précédent au Niger, au Tchad, et dans une moindre mesure au Burkina Faso, elles, diront, qu’elles ne savent ni où dormir ni quoi se mettre sous la dent, dans l’attitude pudique qui caractérise l’Africain, capable d’affirmer qu’il se porte bien alors qu’il est à un pouce de la tombe.
Les enfants qui ont pris la poudre d’escampette avec leurs parents déboussolés, diront, eux, qu’ils ne peuvent même plus mettre les pieds dans leurs écoles sous paillote d’où les ont chassés des Hommes armés non identifiés (HANI) experts en pose d’engins explosifs improvisés qui tuent en masse. Les agents de santé exerçant dans des centres de santé qui ne sont en réalité que des hangars au mur de banco lézardés de partout, et qui manquent du tout au tout, dévoileront comment ils accomplissent des miracles au quotidien pour sauver la vie de femmes transportées à dos d’âne et sur le point d’accoucher.
Enfin, pour suspendre l’égrenage du chapelet sans fin des maux qui frappent les populations africaines, les familles entières qui ne font bouillir la marmite que lorsqu’elles peuvent et non plus quand elles le veulent, à cause de la cherté de la vie, auront l’opportunité de crier famine avec le peu de force, dont elles disposent encore. Mais ce serait sans doute un crime impardonnable que d’oublier, dans ce tableau qui ne prête guère à l’optimisme, ces milliers de jeunes africains qui, en désespoir de cause, préfèrent la mort cruelle en mer aux larmes de la mère, en allant à l’assaut de l’Europe, l’imprenable citadelle!
L’Afrique et ses fléaux! Des maux que tous les mots débités dans ces discours fleuves ne peuvent exprimer, encore moins guérir! Du reste, ces grands rassemblements de ceux qui nous gouvernent sont davantage des arènes où s’affrontent les nations dites grandes, dans une quête de suprématie politico-militaire. Du Chinois Xi Jinping, au Turc Recep Tayyip Erdogan, en passant par l’Américain Joe Biden, le Français Emmanuel Macron ou le grand absent de New York, le Russe Vladimir Poutine, qui a d’autres chats à fouetter en Ukraine, pour ne citer que ces «chefs de guerre» en costume, n’ont d’autre ambition que de bander les muscles pour leurs propres intérêts, faisant fi du sort de la planète. Le changement climatique, le terrorisme, les crises sanitaires et humanitaires, les guerres civiles, etc., dont souffre l’Afrique sont bien les derniers des soucis de tous ces «hommes forts» qui ont pris comme champ de prédilection de combat, une Afrique qui pourtant, est portée aux nues, qualifiée de continent de l’avenir alors que seul son sous-sol et les voix de ses pays à l’ONU constituent les véritables enjeux de puissances rapaces.
L’Afrique, elle, s’enlisant dans des combats d’arrière-garde et continue à tendre la sébile, se contentant juste parfois de changer de «maître», oublie malheureusement cette sagesse de l’historien et politicien burkinabè, Feu le Professeur Joseph Ki-Zerbo, pour qui, «on ne développe pas, on se développe». Sans vouloir offenser tout ce beau monde parti de l’Afrique pour se contenter de participer aux joutes oratoires entre ces «grands» du monde, n’est-il pas grand temps pour les Africains de se concentrer davantage sur leur développement, ce développement que mille et une assemblées générales de l’ONU, ne peuvent leur offrir?
Par Wakat Séra