Le 8-Mars, la Journée internationale de la Femme, est généralement célébrée avec faste au Burkina Faso. Mais contrairement aux autres années, cette année, la fête du 8-Mars est vécue différemment. Des femmes à qui nous avons tendu notre micro ont dit qu’elles célébrent de manière sobre cette journée que l’ONU leur a dédiée, vu que le pays fait face à beaucoup de difficultés sur les plans sécuritaire, sanitaire, politique et économique. Elles ont, par ailleurs, décliné leurs préoccupations et attentes aux nouvelles autorités burkinabè dans ce micro-trottoir réalisé par un journaliste de Wakat Séra le mardi 8 mars 2022.
Nul besoin d’être un devin pour savoir que la bourse des Burkinabè n’est pas garnie cette année à cause des difficultés que vit le pays sur plusieurs plans. Cette réalité a été confirmée lors de notre tournée dans des points de vente des articles entrant dans le cadre de la célébration du 8-Mars. La quasi-totalité des propriétaires et gérants de ces points de vente que nous avons interrogés ont confirmé notre inquiétude. Un vendeur qui n’a pas voulu se prêter à notre exercice nous a même soufflé que la préoccupation majeure des populations à l’heure actuelle, est la hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité. Mais, comment les femmes fêtent-elles le 8-Mars cette année ?
Antonio Zandé, restauratrice, spécialiste en plats africains et européens : « (…) En les formant dans leurs secteurs d’activités »
A cette question, Antonio Zandé, restauratrice, spécialiste de plats africains et européens, qui n’a pas souhaité qu’on affiche son image, a dit qu’elle célébre la fête dans la sobriété. « Le marché n’est pas comme ça. On se débrouille seulement. C’est la pauvreté qui fait son monde. Mais quand même on célèbre ça dans la joie et en famille vu qu’il y a la santé».
Mais que faut-il faire pour améliorer la condition de la femme au Burkina Faso ? Sans jambages, notre interlocutrice nous répond qu’il faut que les autorités « se penchent réellement » sur les problèmes des femmes. « On veut vraiment des soutiens, des fonds pour nos différents projets. Il faut surtout accompagner les femmes en les formant dans leurs secteurs d’activités».
Rasmata Dèm, serveuse : « Moi je ne fête pas le 8-Mars »
Assise dans une buvette avec ses co-serveuses, Rasmata Dèm, a une autre conception du 8-Mars. Selon son avis, cette Journée n’est pas l’affaire des femmes célibataires comme elle. «Moi je ne fête pas le 8-Mars parce que je ne suis pas mariée alors qu’il faut que l’homme mette la main dans la poche pour de telles dépenses. Ou bien, l’homme devra aujourd’hui aller au marché pour payer les condiments et préparer pour sa femme. C’est là qu’on dit fête de 8-Mars », a-t-elle expliqué, sourire aux lèvres.
Mais de son constat, la fête est terne à Ouagadougou par rapport à Ouahigouya d’où elle est venue. « La fête ici n’est pas trop ça. A Ouahigouya on sent la fête car ça bouge partout. Ici, la fête c’est l’argent alors que là-bas tout le monde se sent concerné par la fête », a-t-elle déclaré. A l’instar de mademoiselle Zandé la restauratrice, Rasmata Dèm veut que l’Etat « accompagne les femmes à entreprendre ». Elle souhaite que les autorités prennent des mesures pour « surtout former » les femmes dans les activités rémunératrices de revenus. « Moi je veux qu’on me forme dans la coiffure car c’est ce que je sais faire », a-t-elle soutenu, estimant que cela est «plus valorisant» que serveuse dans les bars ou buvettes.
Patricia Awa Yanogo, commerçante: «Les conditions de vie dans l’ensemble sont très dures»
La célébration de la Journée internationale du « 8-Mars vient rappeler le rôle important qu’occupent les femmes dans le monde». A planté ainsi le décor, Patricia Awa Yanogo, commerçante qui souhaite de ce fait une « joyeuse fête à toutes les femmes du monde » même si elle s’est empressée de dire qu’au Burkina Faso, à l’heure actuelle, c’est le dernier des soucis des femmes, « surtout celles qui dorment à la belle étoile ».
« Les conditions de vie dans l’ensemble sont très dures », a-t-elle poursuivi avant de dire que mais, « étant femme, on ne peut pas se mettre en marge sinon ce n’est vraiment pas facile ». « Je n’ai jamais connu une situation très difficile comme maintenant. J’ai l’impression souvent d’être confinée dans une bouteille », a-t-elle exagéré pour montrer les préoccupations auxquelles font face les Burkinabè. « Nous fêtions vraiment le 8-Mars dans la joie, dans une ambiance vraiment folle, de sorte à emballer même les plus sceptiques. On en parlait même quelques minutes seulement avant votre arrivée », a-t-elle raconté.
Revenant à la réalité actuelle, notre interlocutrice, le visage fermé, avait cette fois-ci un ton emprunt de pitié. « Mais, depuis ces 3 à 4 dernières années, le 8-Mars n’est plus le même qu’on a connu », a-t-elle indiqué.
Dame Yanogo ne croit plus à la volonté des dirigeants de ce pays à travailler à l’épanouissement la gente féminine. « On nous fait de grosses promesses et au finish, rien! A plusieurs reprises des structures étatiques que je ne saurai préciser sont passées même pour prendre des références des CNIB des femmes mais jusqu’à présent rien. En tout cas, moi, rien ne montre que je peux encore espérer quelque chose de nos dirigeants. Ils ne viennent que quand ils ont besoin de nous. Après, ils vous oublient complètement. Je me demande même pourquoi je vous parle de nos problèmes alors qu’il n’en sera rien », s’est-elle plainte.
«Moi je n’ai vraiment plus confiance en nos dirigeants pour trouver des solutions à nos problèmes. Je suis totalement découragée », a-t-elle assené, rappelant qu’on leur avait fait remplir « plusieurs fiches assorties de beaucoup de timbres qu’on devrait coller pour des soutiens mais rien ne pointe à l’horizon. Alors, si je vous dis que les 8-Mars sont intéressants maintenant, j’ai menti », a-t-elle conclu.
Mansanoura Koudougou, coiffeuse: «On ne peut pas dire qu’on célèbre le 8-Mars avec joie»
Contrairement à madame Yanogo, demoiselle Mansanoura Koudougou place beaucoup d’espoir aux nouvelles autorités dont le président est un officier supérieur de l’Armée. « On ne peut pas dire qu’on célèbre le 8-Mars avec joie mais on rend grâce à Dieu. Sinon, il faut admettre que le pays va mal. Je n’accuse personne mais c’est la situation difficile que tout le monde vit », a-t-elle affirmé, appuyant qu’« il n’y a plus d’argent dans ce pays-là. Le travail n’est plus comme cela. Tout est dur, rien ne bouge actuellement».
«Moi, personnellement j’ai foi au nouveau Gouvernement parce que je pense qu’il va travailler à changer la condition de la femme. Moi je crois qu’un jour, les choses vont véritablement changer », s’est-elle dite optimiste, souhaitant que les nouvelles autorités « soutiennent les femmes car ça ne va vraiment pas». «En plus de fonds qu’il faut allouer aux micros projets des femmes, il faut les accompagner dans la formation dans leurs secteurs d’activités », a-t-elle enchaîné, soulignant que « moi, si je gagne une aide de 300 000 FCFA, je pense que je m’en sortirai».
La coiffeuse a appelé les autorités actuelles « à mettre l’accent sur comment autonomiser les femmes car cela donnera un coup de fouet à l’économie nationale».
Par Bernard BOUGOUM