Ce qui est dit est dit. Le pouvoir de Uhuru Kenyatta aura ses élections dont les résultats lui donneront sans surprise la victoire, en l’absence de son irréductible challenger, Raïla Odinga qui a jeté l’éponge, appelant du coup ses militants à boycotter les urnes. L’opposant historique et les siens ont déjà affirmé qu’ils n’accepteront pas le verdict de ce scrutin dont ils se sont exclus. Pire, ils annoncent des intentions d’exiger une sécession de leur région. Avec la Commission électorale et la Cour constitutionnelle qui reconnaissent que le challenge d’organiser un scrutin crédible est pratiquement impossible à relever, compte tenu de la pression et des tensions venant de toutes parts, Raïla Odinga dénonce des élections anti-démocratiques et en réclament d’autres dans les 90 jours.
Attention danger! Plus qu’un avertissement, c’est une interpellation à l’endroit de la classe politique kényane qui, si elle n’y prend garde embrasera le pays de nouveau. Le rituel des violences électorales est en plein téléchargement dans un Kenya coutumier du fait. Comme une malédiction qu’il traîne depuis que les familles Kenyatta et Odinga ont pris le pays en otage, dominant une vie politique rythmée par des élections toujours rouges du sang de pauvres innocents jetés dans la rue pour contester ou soutenir une victoire. Ce cycle ininterrompu de crises anté ou post électorales n’a du reste pu être exorcisé avec les scrutins généraux du 8 août dernier. Fort heureusement, la danse des morts a été écourtée par la cour suprême qui a courageusement tapé du poing sur la table en invalidant la présidentielle à l’issue de laquelle la commission électorale kényane (IEBC), aux ordres selon l’opposition, avait donné le président sortant, Uhuru Kenyatta, vainqueur avec 54,27% des voix contre 44,74% pour son adversaire direct. Mais les vieux démons n’ont visiblement pas abdiqué, car cette élection qui devait être organisée dans les 60 jours après le couperet de David Maraga, juge en chef de la cour suprême, et qui se tient aujourd’hui est présentée comme celle de tous les dangers.
En effet, la parodie électorale de ce jeudi 26 octobre présente tous les symptômes d’une guerre civile, dont les ingrédients se mettaient progressivement en place depuis la défection de l’icône de l’opposition kenyane, Raïla Odinga qui n’accorde aucune crédibilité à l’IEBC dont il avait demandé la démission. En se retirant de la course à la présidentielle, sa quatrième et sans doute dernière chance d’accéder au fauteuil suprême, Raïla Odinga ne s’est pas moins tiré une balle dans le pied, car c’est difficile de contester des résultats d’un match qu’on a refusé de jouer. Mais visiblement, le septuagénaire et éternel candidat n’est pas prêt à lâcher le morceau. La Super alliance nationale (Nasa), s’est d’ailleurs muée en mouvement de résistance pour poursuivre sa lutte. Malgré les cultes qui ont, récemment fait monter les supplications des Kenyans vers les cieux pour implorer la paix, nonobstant les interventions des chancelleries occidentales et les initiatives de la société civile à calmer les esprits surchauffés, les inquiétudes sont vives et persistantes. Dans un Kenya où les nerfs sont à fleur de peau à la veille de cette élection, les souvenirs des 1 200 morts et des plus de 600 000 déplacés dus aux violences interethniques provoquées par l’élection de 2007, ont très vite refait surface.
Ne fallait-il pas reporter cette élection dont le déroulement et l’après ne présagent rien de bon? Face à la hargne et la détermination des opposants à ne plus laisser passer l’imposture, comment réagiront les forces de sécurité fidèles au pouvoir et reconnues pour avoir la gâchette facile dans la répression brutale des manifestations? C’est le souffle presque coupé que les populations, celles qui n’ont pas fui la capitale qui présente tous les aspects d’un véritable volcan en sommeil, iront ou n’iront pas au vote de tous les dangers. A moins que les Kényans ne jouent à se faire peur, la marmite est au bord de l’explosion.
Par Wakat Séra