61,03%. C’est le coup de massue asséné par Mahamat Idriss Deby à ses deux principaux challengers, selon les résultats provisoires rendus publics, ce jeudi, par l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE), à l’issue de la présidentielle du 6 mai qui a connu 75,89% de taux de participation.
Si ces chiffres sont confirmés par le Conseil constitutionnel, le président de la transition qui se sera fait une virginité par les urnes, rangera juste son treillis dans les placards de l’armée, contre le boubou blanc de président du Tchad, qu’il étrennait depuis un bout de temps, comme s’il connaissait l’avenir. Les deux Premiers ministres du fils Deby, l’actuel, Succès Masra, et l’ancien, Albert Pahimi Padacké, s’en tirent, avec, respectivement, 18,53% et 16,91%. Surprise, Masra auquel le succès a échappé, crie à la confiscation de sa victoire, alors que son prédécesseur à la tête du gouvernement, Pahimi Padacké, celui-là même qui avait prévu «un match amical» entre le président de la transition et son Premier ministre, n’a point attendu le verdict final du Conseil constitutionnel, pour féliciter le vainqueur, selon les résultats provisoires. Encore un scénario à la tchadienne!
Avant même que l’ANGE ne passe, Succès Masra avait déjà essayé de lui mettre du plomb dans les ailes, en se proclamant gagnant d’une élection qui s’annonçait, selon plusieurs observateurs, comme un arrangement entre lui et son président. Nul, ou peu de gens, en tout cas, n’imaginait l’ancien opposant qui a dû négocier son retour au Tchad, alors qu’il avait, à dos la justice de son pays, entrer en compétition avec son chef, pour le fauteuil présidentiel. Mal en a-t-il pris au vizir qui voulait devenir calife à la place du calife? Succès Masra a-t-il joué et perdu, ne sachant pas qu’un piège était, peut-être, savamment tendu autour de lui, pour le faire dégringoler de son piédestal d’opposant virulent, d’abord du père Deby et ensuite du fils? Ignorait-il qu’en Afrique, il ne faut jamais lorgner le trône en présence du roi, à moins que ce dernier meurt? Succès Masra ne s’est-il pas dit que Mahamat Idriss Deby, n’allait jamais accepter de se faire humilier par un opposant fusse-t-il devenu son Premier ministre?
A moins que le deal ne soit de contester l’élection du général, pour la crédibiliser, Succès Masra a bien du souci à se faire sur son sort, lui qui avait demandé à ce que soit tournée, définitivement, la page des Deby, à la mort du Maréchal Idriss Deby Itno. La vengeance étant un plat qui se mange froid selon l’adage, le dossier de l’«ancien Premier ministre» qu’il peut devenir, pourrait très vite se retrouver sur la table des juges et il est fort à parier qu’aucun cadeau ne lui sera fait. Surtout qu’en acceptant le poste de Premier ministre à l’époque, l’ancien économiste à la Banque africaine de développement (BAD), avait perdu beaucoup de son crédit auprès d’un peuple tchadien qui n’avait pas fini de pleurer les centaines de morts, autant de blessés et d’interpellés, qui avaient manifesté suivant le mot d’ordre du champion du parti Les Transformateurs.
La politique ayant ses raisons que la Raison ne connaît pas, le feuilleton, sait-on jamais, pourrait se jouer autrement, pour le bonheur de Succès Masra. Sauf que, paraît bien suspect, l’empressement dont a fait preuve l’ANGE, dans la publication des résultats provisoires, alors qu’elle disposait encore d’une dizaine de jours devant elle, pour le faire. Du reste, en Afrique, c’est la longue attente des chiffres sortis des urnes qui constitue la tradition! Pourquoi donc le Tchad, a-t-il fait aussi vite, exception à la règle? Mahamat Idriss Deby et son pouvoir sont-ils si fatigués par les trois ans de transition pour accélérer autant la diffusion des résultats? Si aucune intention, autre que celle d’aller vite à la démocratie en rendant publics les résultats des élections, n’est de mise, il faut, alors, féliciter l’ANGE qui a volé si vite! Surtout que cette présidentielle est censée mettre fin à la transition politique militaire, pour le retour du Tchad à un pouvoir civil.
Tous les Tchadiens attendent maintenant la suite des événements, dans un Tchad coutumier des violences électorales et des rebellions.
Par Wakat Séra