Des Burkinabè dont des responsables de partis et formations politiques et des Organisations de la société civile (OSC), se sont réunis, ce jeudi 23 mai 2024, à Ouagadougou, sous l’invitation du Centre de Gouvernance Démocratique (CDG), à deux jours de la tenue des assises nationales. Ceux-ci ont mené des réflexions sur le thème: « Assises Nationales: quel nouveau pacte républicain pour la sauvegarde du Faso ?». Les communicateurs ont unanimement reconnu que la situation socio-politique du Burkina Faso est « critique » et nécessite la conjugaison des forces de toutes les couches sociales pour sauver le pays. « Il faut se dessaisir de la conflictualité autour des assises pour sa réussite », a soutenu le Pr Abdoulaye Soma.
Le Centre de Gouvernance Démocratique (CGD) a réuni plusieurs dizaines de Burkinabè, notamment des dirigeants de partis et formations politiques et des Organisations de la société civile, dans la capitale, pour examiner la situation du pays à l’approche des assises nationales qui marquent la fin de la transition actuelle dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré. Le thème de cette conférence publique est : « Assises Nationales : quel nouveau pacte républicain pour la sauvegarde du Faso ?».
Le Pr Abdoulaye Soma, premier à prendre la parole, a, dans sa leçon inaugurale, signifié que la tenue des assises nationales signifie que le pays vit une crise qui commande que tous les Burkinabè soient impliqués en vue de trouver des solutions. « Les assises ont besoin de liberté, de sincérité, de tranquillité au sens burkinabè du terme », a-t-il soutenu. « Le pays peut se stabiliser, se tranquilliser, se sécuriser en fonction de ce qu’on dira à ses assises. Cela peut avoir l’effet contraire également en fonction de ce qui s’y passera », a-t-il poursuivi.
« Tout le monde fonde l’espoir que les assises nous fassent progresser. Les assises doivent produire une nouvelle charte de transition, car celle en vigueur actuellement sera caduque en juillet. Quand on convoque des assises nationales, on convoque la nation et quand la nation est convoquée, c’est pour qu’elle soutienne ce qui sera arrêté », a dit le membre de l’Assemblée Législative de la Transition (ALT), dans sa leçon inaugurale.
Pour lui, ce sont « les forces vives de la nation qui doivent être au cœur des assises pour que la décision finale soit acceptée de tous », soulignant que « les forces vives sont les Forces de défenses et de sécurité (FDS), les autorités coutumières et religieuses, les partis et formations politiques et les organisations de la société civile ».
Selon le constitutionnaliste, pour une réussite totale des assises, les autorités et les populations, notamment les forces vives, doivent trouver les voies et moyens pour régler les tensions conflictuelles qui « déchirent » l’opinion ces derniers jours. « Il faut se dessaisir de la conflictualité autour des assises pour sa réussite », a-t-il martelé. « Pourquoi ajouter de la violence à la violence pour détruire notre Nation? », s’est-il interrogé.
« Il ne sert à rien de vouloir le bien d’un peuple et entretenir des conflictuelles dans cette nation. Aujourd’hui, la transition se définit avec des partisans et des non-partisans, ce qui n’est pas normal, car la transition n’est pas une élection ».
Le deuxième communicateur est l’ex-secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale sous la révolution burkinabè, Kalifara Séré. Ce chroniqueur habitué des plateaux télé a exposé sur la « conduite du processus de transition au Burkina Faso: Acquis, insuffisances et perspectives ». Il s’est attelé à montrer, par des exemples clairs, les acquis de la transition avant de chuter par les points qui sont les insuffisances qu’il a remarquées dans la conduite de cette transition qui est en cours depuis le 2 octobre 2022. Il a enfin terminé par des points de perspective pour une issue heureuse des assises qui se tiendront le samedi et le dimanche prochain à Ouagadougou.
Le troisième sous thème a été animé par l’enseignant en droit, le Dr Aboubacar Sango. Il s’est penché sur le sous thème: « Assises nationales dans un contexte de crispation socio-politique : quel schéma opérationnel pour sortir le Faso de l’impasse ». Pour lui, d’emblée, il est nécessaire d’évaluer les réformes constitutionnelles instituées. « Une méfiance doit nous animer quant aux réformes prisent lors des transitions. L’exemple de 2014 doit nous servir. Sauf si ces réformes sont rendues intangibles », a-t-il laissé entendre.
Les assises nationales sont un canal qui doit permettre de délibérer de façon souveraine sur les formes de gouvernance souhaitées au Burkina Faso. Pour lui, « une transition ne peut se faire sur 10 ans ou 20 ans. Les assises doivent discuter et arrêter les objectifs d’un agenda d’une nouvelle transition et le retour à l’ordre constitutionnel doit être une priorité ».
Selon ses propos, les assises nationales doivent « rester dans la logique de ce pour quoi le régime actuel a fait le coup d’Etat et non se détourner des objectifs de départ ». Il a aussi demandé à ce que les autorités actuelles travaillent à renforcer les relations du Burkina avec ses pays voisins, notamment « notre voisin le plus stratégique qui est la Côte d’Ivoire, car plus de six millions de Burkinabè y résident ». « Il faut que Thomas Sankara de là où il est, touche le cœur de ceux qui parlent de lui actuellement et qu’il les oriente », a-t-il soutenu.
Le quatrième communicateur est le Dr Aristide Béré. Il s’est intéressé sur le sous thème intitulé: « Assises nationales: comment recentrer les priorités et mobiliser les énergies pour les adresser ». Et de ses dires, la « transition semble s’être éloignée de ses priorités de départ ».
« Sur la réconciliation nationale, le positionnement institutionnel de la question nous montre qu’elle ne constitue pas une urgence nationale. Elle est carrément absente dans les échanges », a estimé l’ancien directeur général de la Régulation des libertés publiques au ministère de l’Administration territoriale.
M. Béré a dénoncé le silence « des autorités coutumières et religieuses, des anciens chefs d’Etat, des sages » qui « continuent de se taire sur la situation nationale » alors que la situation est « grave ». « Ceux qui ont été déchus hier souhaitent à ceux qui sont là d’échouer. Dans cette situation, si un collège des sages n’est pas vite remis en place, il sera très difficile pour la nation. Il faut un collège de sages rénové », a-t-il lancé, souhaitant la mobilisation de toutes les énergies pour la résolution des problèmes du pays.
Selon lui, « réclamer des élections pacifiques pour la fin des transitions est même fait pour aider les transitions ». « L’énergie mécanique des forces vives, est-ce de l’adhésion, est-ce du suivisme ou est-ce de la peur ?», s’est-il interrogé, pensant qu’« il faut une approche empreinte de modestie de part et d’autres pour des assises réussies ».
Le sous thème 4 est formulé ainsi qu’il suit: « Les implications juridiques et politiques du retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le processus de transition: Défis et perspectives », et a été présenté par le Pr Martial Zongo. Selon ses propos, « la rationalité du retrait avec effet immédiat suppose une urgence qui dans ce cas est introuvable. Le retrait de la CEDEAO ne rend pas caduque le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, le Burkina Faso reste lié à ce protocole ».
A suivre le Pr Martial Zongo, la démocratie n’est pas qu’électorale. Elle renvoie également « aux questions de la contradiction, à l’indépendance des pouvoirs, à la diversité d’opinions » et les « les premiers bénéficiaires de l’Etat de droit et de l’ordre constitutionnel sont les Burkinabè. Ce n’est ni la CEDEAO ni l’Union africaine ».
Par Bernard BOUGOUM