Yahya Jammey aura été jusqu’au bout de sa logique suicidaire, refusant de rendre le pouvoir à Adama Barrow qui a été élu chez lui mais contraint de prêter serment chez le voisin sénégalais. Et c’est cette prestation faite dans les locaux de l’ambassade gambienne à Dakar qui a donné le la aux différents contingents d’armées de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) pour enclencher la « chasse au marabout de Banjul ». Yahya Jammey ne peut pas se prévaloir de ses propres turpitudes. Les médiateurs se sont bousculés auprès de l’homme au sabre pour lui faire entendre raison. Mais en vain. Selon un proverbe africain, « quand l’âne veut te terrasser, tu ne vois plus ses oreilles ». Pourtant, c’est bien ce qui est visible sur un bourricot et que Yahya Jammey, dans sa chute qu’il a lui-même provoquée, ne verra point pour s’y accrocher.
Certes Yahya Jammey doit dégager ! 22 ans de pouvoir sans partage c’est trop ! Mais dommage qu’on en soit arrivé aux bruits de bottes en Gambie. Surtout quand ce sont des bottes étrangères qui interviennent, quel que soit l’objectif final. On aurait pu pousser un peu plus loin les négociations, surtout que Yahya Jammey n’a pas revendiqué la victoire à l’élection présidentielle, mais a juste demandé le recomptage des voix et l’examen par la cour suprême de tous ses recours. Il y a même des solutions militaro-juridiques dont le blocus qui ne seront pas à leur première expérimentation. De plus, Yahya Jammey est complètement isolé, lâché par son armée, son chef d’état-major s’étant dit opposé au combat contre d’autres soldats africains. C’est une décision de sagesse, à moins qu’il ait juste eu peur du rapport de forces qui n’est point en faveur de ses hommes. Sur qui donc pouvait encore compter Yahya Jammey qui ne jouit plus d’aucune légitimité ? Il allait finir par tomber tel un fruit mûr. Ainsi, Adama Barrow ne rentrera pas à Banjul, affublé du manteau de président venu d’ailleurs.
Il faut espérer que les dégâts soient limités dans l’intervention des armées ouest-africaines, pour ne pas dire sénégalaises. On ne peut que regretter cette incursion kaki en terre gambienne pour, à en croire le porte-parole de l’armée sénégalaise, « restaurer la démocratie ». C’est un autre théâtre de conflit qui pourrait s’ériger durablement, si on n’y prend garde, dans une Afrique de l’ouest où la stabilité et la paix semblent devenir des denrées de plus en plus rares. Le Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger et le Nigeria pour ne citer que ces pays sont confrontés à la guerre asymétrique que leur imposent les djihadistes de tout acabit. Sans oublier l’avalanche de manifestations de militaires, de fonctionnaires, de jeunes, etc., qui ne sont pas forcément des facteurs de déstabilisation d’un pays, mais n’en empêchent pas moins le fonctionnement normal et la sérénité. L’Afrique de l’ouest peut bien se passer d’une autre crise qui ne vient que renforcer la précarité de vie des populations.
Par Wakat Séra