Alors qu’aux Etats-Unis, le président sortant, Joe Biden, promet une passation de pouvoir pacifique à son successeur, Donald Trump, qui est sorti vainqueur des votes de ce mardi 5 novembre, en Mozambique, c’est une guerre post-électorale qui s’est installée à la suite, de la proclamation, le 24 octobre, des résultats de la présidentielle du 9 octobre.
Au moins 20 personnes ont déjà trouvé la mort, suite à des semaines de contestation d’après élection, dont le point culminant, pour les manifestants, était prévu pour ce jeudi, annoncé par le principal opposant, comme la «journée de libération du Mozambique». Une «libération» qui devra se faire attendre encore, la police, soutenue par des véhicules blindés, ayant, une fois de plus, arrosé généreusement, les milliers de manifestants contre «les fraudes électorales massives», de gaz lacrymogène. Tout porte à croire que face à la riposte musclée et disproportionnée qui lui est appliquée par les forces de l’ordre, le mouvement de protestation, s’il ne s’essouffle pas au fil du temps, et surtout des morts, n’est pas au bout de sa lutte.
Principal leader de l’opposition, le champion du Podemos, parti auquel il s’est rallié, suite à son essai vain de prendre les rênes de l’Union mozambicaine d’opposition (Renamo), Venancio Mondlane crie au vol de sa victoire et rejette, bruyamment, les 20% de voix qui lui sont attribués, alors que son challenger, Daniel Chapo, le cheval du Front de libération du Mozambique (Frelimo), lui se voyait crédité de 71% des suffrages. Lassés, comme le reste de l’opposition et le peuple, des 50 années de règne sans partage du Frelimo, parti au pouvoir qui domine la vie politique du pays depuis 1975, année de l’indépendance du Mozambique, et se maintient au pouvoir «par la force» et le «terrorisme d’Etat», selon Venancio Mondlane, les manifestants semblent avoir résolument opté pour le changement.
Certes, les observateurs internationaux ont apporté de l’eau au moulin des contestataires, en révélant un scrutin entaché de beaucoup d’irrégularités. Mais ce simple constat, suffira-t-il comme détonateur pour pousser hors du palais présidentiel, un Daniel Chapo et le Frelimo qui, eux, vont brandir la caution de la «vox populi», c’est-à-dire, des 17 millions d’électeurs appelés aux urnes? Rien n’est moins sûr, car les élections en Afrique ont, presque toujours, exception faite de pays qui se comptent sur les doigts d’une main, porté le sceau de la mauvaise organisation, de la corruption et des fraudes, en amont comme en aval de leur tenue. Mais elles permettent aux dirigeants de justifier leurs pouvoirs qui sont en réalité, de véritables coups de force, opérés sur le dos du peuple dont les voix ont été détournées, le mensonge des urnes se substituant à la vérité des urnes. S’en suivent alors des contestations sans fin, violemment réprimées, avec des bilans macabres, qui n’émeuvent que les familles endeuillées, la fameuse communauté internationale, au gré des intérêts des «puissants de ce monde», trouvant rarement le moyen de se mettre aux côtés du peuple massacré, pour rétablir celui-ci dans ses droits.
«Podo no poder» ou «le pouvoir au peuple» sera-t-il réalité au Mozambique ou demeurera-t-il vœu pieux, comme dans tous ces pays où, des présidents «démocratiquement» élus, finissent par se faire chasser par des insurrections populaires ou, par des putschs militaires, aussitôt condamnés à cor et à cris? Curieusement, cette même communauté internationale, championne de la politique de l’autruche, sait s’installer dans un mutisme profond, quant les peuples crient leur détresse, face aux pouvoirs de fer.
A quand des règnes justes et des élections de paix en Afrique? La question reste posée, surtout pour un Mozambique dont l’économie exsangue et des conditions de vie difficiles, ont poussé nombre de ses citoyens à migrer vers des cieux plus cléments, d’où ils essaient de subvenir aux besoins existentiels de leurs familles restées au pays. En attendant, la prestation de serment de Daniel Chapo, prévue pour janvier 2025, le quotidien au Mozambique est rythmé par des manifestations réprimées dans le sang.
Par Wakat Séra