A quelque quatre jours des législatives anticipées du 17 novembre, les Sénégalais continuent de jouer à se faire peur, à travers une campagne électorale émaillée de violences physiques et de propos d’une rare véhémence qui renvoient à ceux d’un Donald Trump, lancé dans son jeu favori d’insultes.
C’est vrai que, autant les Etats-Unis sont considérés comme la plus grande démocratie au monde, autant le Sénégal est vu comme le phare de la même démocratie en Afrique de l’Ouest. Et au Sénégal, Ousmane Sonko fait autant que le 45e, et maintenant 47e président des Etats-Unis, en rendant davantage explosive, une campagne électorale de tension palpable. Ousmane Sonko, visiblement, oublie qu’il n’est plus que le président du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), mais, aussi et surtout, le chef du gouvernement du Sénégal. Il ne gère plus uniquement les militants d’une formation politique, mais tout le Sénégal dont il aurait pu, d’ailleurs, devenir, le président, n’eurent été ses démêlés judiciaires qui l’ont privé, en son temps, de ses droits civiques. Désormais, Ousmane Sonko doit faire sien, le sens de la justice, de l’équité, et de la vérité, à l’endroit de tous les sénégalais à qui, il doit, sans distinction de bord politique, protection.
Quelle mouche a donc piqué Ousmane Sonko, qui a donné carte blanche à ses militants d’empêcher la coalition d’en face, Sàmm Sa Kàddu, qui soutient l’actuel maire de Dakar, Barthélémy Dias, de battre campagne? En tout cas, le vœu du Premier ministre a été exaucé hic et nunc. Le bourgmestre de la capitale, n’a pas pu se rendre à une activité politique ce lundi, et ses militants ont dénoncé avoir été agressés par ceux d’en face. Mais, le deuxième mot d’ordre d’Ousmane Sonko, le plus grave, son appel à venger «proportionnellement» tout militant de son parti qui serait victime d’agression de la part de militants d’autres partis, n’est, ni plus, ni moins, qu’une bombe dont les déflagrations pourraient laisser des impacts très profonds et indélébiles au pays de la Teranga.
Ousmane Sonko, que certains disent, plus à raison qu’à tort, que c’est lui qui dirige en réalité le Sénégal, va-t-il gouverner le pays, guidé par les esprits de la haine et de la vengeance personnelle? A quoi sert le ministère de la justice, dans le gouvernement dont il est le patron, si les uns et les autres doivent se rendre justice, selon la célèbre loi du Talion, «œil pour œil, dent pour dent»? En tant que politicien, il sait, mieux que quiconque, que l’étincelle provoque très vite l’incendie, dans une meute de militants chauffés à blanc, pour qui l’adversaire politique devient vite l’ennemi à anéantir. Certes, les opposants ne sont pas, eux non plus, des enfants de chœur et portent bien une part de responsabilité dans cette tension qui ne fait que prendre de l’ampleur, à la veille des législatives anticipées. Mais eux, ne sont pas aux affaires!
Difficile de ne pas affirmer que Ousmane Sonko fait pire que le pouvoir de Macky Sall qui était considéré comme son bourreau. Mais ce pouvoir, devenu aujourd’hui opposition, avait au moins eu le mérite de faire connaître les «affaires Sonko» par la justice. Même s’il se disait persécuté par un pouvoir pour qui penchait, logiquement, le rapport de force, Ousmane Sonko avait droit à des procès et des avocats. Qui plus est, aucun appel officiel n’a été lancé par l’ancien pouvoir, ni contre Ousmane Sonko, encore moins contre les militants du Pastef. Que fait Ousmane Sonko du chapelet de morts, faits par ses propres appels à des manifestations de rue, réprimées par les Forces de l’ordre? Le rôle d’un Premier ministre n’est pas de souffler sur les braises, mais de chercher à les éteindre, pour éviter d’alimenter le feu que couve, une situation politique sénégalaise très inflammable.
Comme il n’est jamais tard pour bien faire, et si Ousmane Sonko lançait un appel au calme? Et si l’opposition disciplinait davantage ses militants? Et si tous les hommes politiques et les populations sénégalais désarmaient, non seulement les mains, mais aussi, et surtout, les cœurs? Ainsi, les législatives anticipées, dont le Pastef a besoin pour chercher la majorité à l’Assemblée nationale, pourront se dérouler, le dimanche prochain, dans un climat pacifique.
Par Wakat Séra