La chambre de jugement du Tribunal de Grande Instance (TGI) Ouaga I, a « ordonné » une expertise médicale sur la santé de Amidou Tiégnan, principal accusé dans cette affaire de détournement de fonds publics au ministère de l’Action humanitaire, impliquant trois autres agents de l’Etat burkinabè. Le tribunal a renvoyé, ce vendredi 29 novembre 2024, à l’issue des observations des différentes parties, au mardi 3 décembre, l’audience pour « une bonne administration de la justice ».
A la reprise du procès du détournement de fonds publics au ministère de l’Action humanitaire, ce vendredi 29 novembre 2024, le président du tribunal qui avait prononcé un premier renvoi pour « un repos médical de 48 heures » a été buté au même problème, M. Tiégnan, appuyé par ses avocats ayant déclaré que le principal prévenu n’allait toujours pas bien. Même le recours fait à l’infirmier Abraham Elvis Bicaba, responsable de l’infirmerie de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) n’a pas aidé le tribunal à prendre une position sur la base de ses éclairages.
En effet, M. Bicaba a confirmé les dires du prévenu et de ses avocats qui ont laissé entendre que depuis la dernière audience, M. Tiégnan était hospitalisé dans les urgences à Yalgado et ce n’est que hier soir, vers les 18 heures, qu’il a regagné la Maco. Sur une question précise du tribunal, M. Bicaba a dit ne pas pouvoir dire au tribunal si le prévenu est apte à être jugé ce jour ou pas.
Les conseils de M. Tiégnan ont sollicité deux semaines pour permettre à leur client de mieux se porter et se prêter aux questions des différentes parties au procès retransmis en direct par sur la télévision nationale. Elle a signifié qu’il y a des produits qu’on a prescrits à son client qui doit poursuivre son traitement. De ce fait, a-t-elle estimé, il est logique de comprendre que son client ne se porte toujours pas bien.
Sur cette position de la partie défenderesse qui a amené les autres parties à faire des observations, le tribunal a jugé bon d’ordonner une expertise médicale pour situer toutes les parties à la prochaine audience sur l’état sanitaire de Amidou Tiégnan, accusé avec trois autres salariés de l’Administration publique d’avoir détourné plus de trois milliards FCFA, destinés à la prise en charge des Personnes déplacées internes (PDI).
En vue de progresser dans ce dossier, le tribunal a demandé un rapport sanitaire sur l’état de santé de Amidou Tiégnan par un expert afin de dire aux parties prenantes à ce procès « la réalité » de l’état de santé du présumé cerveau de l’affaire. « Au regard des différentes observations, vous comprendrez que le tribunal se trouve ici embêter. Il y a le souci de la célérité et il y a le souci également du respect de droit de la défense qu’il faut concilier. Le tribunal ordonne une expertise médicale sur l’état de santé de Tiégnan Amidou et de lui dire s’il est apte à être jugé. Le tribunal nomme pour y procéder, le directeur général du centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU YO) avec faculté de délégation. Le tribunal dit que l’expert a un délai de 48 heures pour déposer son rapport », a tranché son président Abasse Nombré.
A suivre l’Agent judiciaire du trésor (AJT), M. Tiégnan depuis le début de ce dossier, que ce soit en enquête préliminaire ou à la barre, évoque chaque fois la question de santé pour se dérober de la justice. Il a été appuyé dans ce sens par le procureur. « Si on avait tourné un film avec M. Tiégnan et qu’on le présentait au festival de Cannes, il allait ressortir avec un trophée de meilleur acteur. Comme l’a dit l’AJE, quand on rentre dans le fonds du dossier, M. Tiégnan a driblé tout le monde, excusant des cas de maladies pour ne pas se faire auditer. N’eût été l’accident qu’il a eu, peut-être qu’on n’aurait pas mis la main sur M. Tiégnan qui est devant vous ce matin », a déclaré le procureur Blaise Bazié.
« Monsieur le président, honorables membres de la composition, M. Tiégnan manifestement est en état et simule donc une maladie manifeste pour se soustraire à ses responsabilités. Et je pense que dès lors que M. Tiégnan a pris la parole pour accuser les autres de l’avoir dopé ou boosté, il était audible, on pouvait bien l’entendre dire ce qu’on lui a administré et comment on l’a extirpé de l’hôpital, manifestement c’est un très bon acteur et je pense que vous ne devez pas tomber dans son panneau », a martelé le procureur Bazié.
L’avocat du Réseau national de Lutte anti-corruption (Ren-Lac), Me Prosper Farama dit ne pas avoir d’inconvénient pour que tous les droits du prévenu soient garantis dans ce dossier en vue de mettre toutes les parties à l’aise. Il a déploré le fait que le problème de santé du prévenu ayant été posé, il y a trois jours, n’ait pas été résolu de sorte pour permettre au tribunal de trancher sur la demande de la partie défenderesse.
« Moi je vais vous dire comme je ressens les choses en toute sincérité sans vouloir vexer qui que ce soit. Je pense que si nous en sommes à tous ces débats, c’est parce qu’en réalité, ce procès est filmé (retransmis en direct à la RTB, NDLR) parce que des cas pareils, nous en rencontrons quelques fois devant les juridictions. Je pense qu’on pourrait faire l’effort de nous entendre entre nous, trouver une solution et juger cette affaire de façon tranquille afin que tout le monde soit dans de bonnes dispositions comme il a été dit au début de ce procès », a soutenu Me Prosper Farama.
Par Bernard BOUGOUM