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Burkina Faso : les visages des victorieuses du cancer du sein

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Sandrine Balima et Prisca Kafando partagent presque la même histoire. Elles combattent contre le cancer. Ce sont des victorieuses du cancer du sein

11 décembre 2019. Pendant que les Burkinabè célèbrent l’indépendance du pays, à Tenkodogo (Centre-Est du Burkina Faso) « le ciel est tombé sur la tête » de Sandrine Balima/Naré, à Ouagadougou. La « mauvaise nouvelle » vient de lui être communiquée. Elle souffre d’un cancer du sein. Une annonce qui fait défiler le film de ses 34 années de vie en quelques secondes. « Je vais mourir », murmure-t-elle cloitrée entre les bras de son « attentionné » mari. Comme Mme Naré, 23,6 millions de personnes dans le monde apprennent à la même année, l’existence de cellules cancéreuses dans leur organisme, selon l‘étude 2019 sur la charge mondiale des maladies, des dommages et risques (MDGB 2019).

En 2008, Sandrine Balima découvre une boule dans son sein gauche après une auto-palpation. Elle était jeune étudiante à l’université de Ouagadougou, célibataire sans enfant. Inquiète, elle se rend dans des centres de santé pour consultation. Reçue dans les locaux de Wakat Séra, le mercredi 13 novembre 2024, ce, après l’avoir mis en confiance, elle accepte témoigner à visage découvert. Le regard éloigné et les yeux embués, elle se remémore de ce qu’elle a traversé. Vidéo !

 

Devenue madame Naré en 2013 et mère de deux enfants, un garçon de cinq ans et une fille d’à peine deux ans, elle apprend qu’elle est atteinte du cancer du sein. Un nom dont la seule prononciation rime avec la mort dans la pensée de nombreuses personnes. « L’annonce n’était pas facile. Quand il a dit que c’était un cancer du sein, c’est vrai que j’étais accompagnée, monsieur était à côté, je n’étais plus sur terre », dit-elle, toute pâle. « Le ciel m’est tombé sur la tête », confie-t-elle de façon imagée. La présence de son époux fut un grand soutien pour amortir le choc de l’annonce, venue comme une charge lourde à porter. Ne sentant plus ses jambes bien qu’assise sur une chaise, elle s’affaisse entre les bras de M. Naré, partageant la peine de sa femme. « J’avoue… c’était la mort. C’était ma première réaction. Je vais mourir », se rappelle Sandrine Naré/Balima. Sur le champ, beaucoup de choses défilent dans sa tête. Ses enfants, sa famille, les amis, les parents, occupent ses pensées. « J’ai beaucoup pleuré. Je crois que j’ai fait trois jours à une semaine », témoigne Mme Naré, les mains moites, les yeux baissés, luttant pour ne pas verser des larmes.

Sa petite sœur qu’elle trouve plus forte qu’elle, est la première dans la famille à être informée de son mal. « Elle, aussi, n’a pas pu supporter. Vraiment ce n’était pas facile », rapporte Sandrine Naré/Balima. Après avoir encaissé la mauvaise nouvelle, elle est chargée d’annoncer cela à leur mère. « A la vue de ma sœur chez elle, maman a toute suite su qu’il y avait quelque chose. Elle savait que j’avais fait l’intervention, mais c’est quelle maladie dont je souffrais, elle ne le savait pas », déclare Mme Naré. Selon elle, sa génitrice, informée de son mal, mais qui n’ayant pas assez d’information sur le cancer, a juste dit : « c’est un palu, ça va passer. Ma fille va guérir. Elle est forte, elle va guérir ». Ces mots donnent la force à la mère de deux enfants, de se relever et lutter contre son cancer. « Je suis forte. C’est ce que maman a dit », répète-elle en lâchant un petit sourire sur les coins des lèvres. Elle remercie ses proches, surtout son époux resté nuits et jours à ses côtés. « Je lui dit grand merci et je rends grâce à Dieu pour ces personnes autour de moi », se montre-t-elle reconnaissante.

Aujourd’hui, Mme Naré n’a plus de trace de cancer. Elle affirme avec force que cette maladie se soigne et témoigne qu’on en guéri. VIDEO !

 

Tout comme Sandrine Balima, Prisca Kafando, que nous rencontrons dans la cour familiale, le 18 novembre 2024 à Ouagadougou, a, elle aussi, consulté plusieurs fois avant d’avoir le bon diagnostic et commencé le traitement. Elle qui constate, en 2019, une petite boule au niveau du sein, c’est finalement en septembre 2022, qu’elle sera située. « Quand j’ai vu que j’avais une boule, je suis allée voir mon gynécologue qui m’a fait des échographies et il m’a dit que c’était un kyste, que je n’avais pas à m’inquiéter, et que je pouvais continuer à mener ma vie tranquillement », déclare Mme Kafando laissant entrevoir un sourire ironique. Elle accouchera trois ans plus tard. C’est en donnant, un jour, à téter à son bébé, qu’elle remarque « que la boule a un peu grossie ». Pour mieux se situer sur la présence de cette masse dans son sein, elle repart voir le gynécologue. Une fois encore, il lui prescrit des échographies à faire. « Cette fois-ci j’ai changé de lieu pour le faire. Là-bas, on m’a dit que ça n’a pas l’aspect d’un kyste et on m’a proposé de faire une biopsie pour voir ce qui en est réellement », se souvient-elle, l’esprit plongé dans ce passé de sa vie. La biopsie faite, c’est plusieurs jours après qu’elle entre en possession des résultats. Après les avoir consultés, en présence de son mari, et ne sachant pas ce que renferment les termes médicaux qui y sont notés, elle lance des recherches sans hésiter. Son attention se focalise sur les mots « carcinome » et « infiltrant ». « Quand j’ai regardé, j’ai compris que c’était le cancer », nous souffle presqu’en murmurant, Prisca Kafando, les mains sur le visage.

« On a envoyé les résultats à une tante qui était dans le domaine médical et très rapidement, le lendemain, il fallait que je trouve un oncologue pour s’occuper de moi », dit-elle, affirmant qu’elle a pris la nouvelle comme tout autre.

Contrairement à Sandrine Naré, les signes d’alerte avaient déjà préparé Prisca Kafando à encaisser le choc de l’annonce du cancer. « Je n’ai pas paniqué. Je me disais qu’il fallait que je sois forte pour mes enfants parce que je ne peux pas baisser les bras », soutient Mme Kafando, assise dans son salon, en indexant ses enfants qui revient de l’école. Pour elle, « si Dieu a mis cette maladie sur [son] chemin, il sait pourquoi ». « Je vais me battre pour que la maladie passe », s’encourage-t-elle pour mieux affronter le cancer du sein.

Prisca Kafando dans son domicile au cours de son entretien avec Wakat Séra.

L’oncologue que Prisca Kafando rencontre pour la première fois pour le traitement de son mal, lui explique que comme la boule est petite, il est possible d’enlever juste la partie. « Et on allait faire des examens après pour voir s’il faut enlever une deuxième partie encore ou pas. Mais moi j’ai demandé à ce qu’on enlève carrément tout le sein. C’est ce qui a été fait », nous confie Mme Kafando touchant la partie qui est aujourd’hui remplacée par une prothèse mammaire.

Elle a subi huit séances de chimiothérapie. « Ce n’était pas facile. C’était très éprouvante avec des vomissements quelques fois, des vertiges, la perte de cheveux », affirme Prisca Kafando. Ce fut une « période très difficile » pour elle. Mais grâce au soutien de ses proches, raconte-t-elle, Mme Kafando a pu traverser cette situation douloureuse. « J’étais vraiment très bien entourée », termine-t-elle sur ce sujet de chimiothérapie. « Mes proches ont vraiment été formidables. Ils étaient à mes petits soins. Une belle sœur qui est là quand j’ai besoin de quelque chose. La belle-famille vraiment, je n’ai pas de mot. Elle était vraiment présente », s’exprime Prisca Kafando, toute reconnaissante envers ces personnes.

Mme Kafando a fait, également, 15 séances de radiothérapie et est actuellement « sous hormonothérapie ». « Il me reste encore trois ans de traitement », nous fait-elle savoir.

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Elle se réjoui du fait que « le gouvernement est en train de tout faire pour qu’il y ait des centres de traitement du cancer ». « Si on arrive à faire ça, ça va beaucoup soulager les malades du cancer », dit-elle, plaidant pour que les produits soient subventionnés en vue d’aider les patients.

Le Burkina Faso dispose actuellement d’un centre de traitement du cancer à Ouagadougou. Il a été inauguré le 9 avril 2021. Il prend, notamment, en charge les cancers du rectum, de la prostate, du col de l’utérus, de l’estomac, du poumon, et de l’œsophage. Un deuxième centre est en construction à Bobo-Dioulasso (Ouest), selon le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, lors d’un grand oral sur la radio nationale, en octobre 2024.

Le ministre burkinabè en charge de la Santé, Robert Kargougou (Ph. Présidence du Faso)

Dans ce pays, le cancer est la deuxième cause de mortalité par Maladie non transmissibles enregistrées dans les hôpitaux, après les maladies cardio-vasculaires. Le cancer du sein, lui, représente 12,3% des cas de cancers constatés. Il est le plus fréquent, après celui du col de l’utérus (21,6%). Selon les données de l’annuaire statistique 2023, on y dénombre 2 571 cas de cancer de sein dans les formations sanitaires avec 111 décès. Pour faire face à ce mal, le Burkina Faso s’est doté d’une Stratégie nationale de lutte contre le cancer 2021-2025. Il ressort de cet outil référentiel que plus de 60% du budget du ministère de la Santé destiné aux évacuations sanitaires à l’extérieur est absorbé par le cancer. Ce document souligne que « 9 700 vies peuvent être sauvées d’ici 2025 en mettant en œuvre les 16 interventions identifiées et recommandées par l’OMS [Organisation mondiale de la santé] qui sont rentables, abordables, réalisables et évolutives dans tous les contextes ».

« En sus des actions déjà réalisées, le gouvernement, à travers le ministère de la Santé, est résolument engagé dans une croisade contre le cancer », confie l’actuel ministre en charge de la Santé, Robert Kargougou. Les autorités sanitaires ont également travaillé pour mieux sensibiliser les populations qui parfois, considèrent cette maladie comme celle de personnes nanties. A 35 km au Nord-Est de Ouagadougou, comme un peu partout au Burkina, le cancer du sein fait parler de lui. Chacun y va de son commentaire. Des habitants de Ziniaré, Région du Plateau-central, rencontrés dans les rues, nous parlent de ce qu’ils savent de cette maladie non transmissible. VIDEO !

 

Dans le cadre de cette lutte, le Burkina Faso a aussi adopté des mesures rendant gratuit le dépistage des cancers gynécologiques et mammaires dans les formations sanitaires publiques, et de la radiothérapie pour les femmes atteintes de cancer du col de l’utérus et du sein, instauré le 19 avril 2023 pour trois catégories de patients. Il y a également l’acquisition des cliniques mobiles avec en sus la mesure de gratuité des écho-mammographies, du dépistage et du traitement des lésions précancéreuses sur toute l’étendue du territoire. Le traitement des cancers des enfants y est aussi gratuit.

L’OMS, par ses initiatives contre le cancer, œuvre activement avec plus de 75 gouvernements parmi lesquels figure celui du Burkina Faso. Elle contribue à « élaborer, financer et mettre en application des politiques visant à promouvoir les soins anticancéreux pour tous », selon la Dre. Bente Mikkelsen, Directrice du Département Maladies non transmissibles à l’Organisation mondiale de la santé.

Pour l’OMS, le cancer du sein est une maladie caractérisée par la croissance incontrôlée de cellules mammaires anormales qui forment des tumeurs, pouvant se propager dans l’organisme et avoir une issue fatale. « Les cellules mammaires cancéreuses ont leur origine dans les canaux galactophores et/ou les lobules qui produisent le lait », poursuit l’OMS dans un écrit sur son site le 13 mars 2024, soulignant que « la forme la plus précoce n’engage pas le pronostic vital et peut être détectée à un stade précoce ». Mais quand les cellules cancéreuses se propagent au tissu mammaire voisin, cela provoque des tumeurs. Elles peuvent atteindre les « ganglions lymphatiques ou à d’autres organes, en formant des métastases », ce qui est potentiellement mortelles, déclare l’OMS.

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Selon les experts, le plus souvent, les ganglions lymphatiques situés sous le bras sont le premier site de propagation détectable. Toutefois, il arrive qu’on ne sente pas des ganglions lymphatiques porteurs de cancer. Les cellules cancéreuses peuvent atteindre des organes comme les poumons, le foie, le cerveau et les os. Une fois ces parties du corps touchées, de nouveaux symptômes liés au cancer peuvent apparaître, comme des douleurs osseuses ou des maux de tête.

Le cancer du sein, présent dans tous les pays du monde, ne concerne pas uniquement les femmes. Des hommes également en tombent malade. Ils représentent à peu près entre 0,5 % et 1 % des personnes touchées, selon les données de l’OMS.

Pour le Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien et ex-ministre burkinabè en charge de la Santé, les femmes sont les plus touchées par le cancer du sein par rapport aux hommes, « parce que le volume de la glande mammaire chez la femme est plus important et cette glande est fonctionnelle ». « Cependant, le cancer du sein chez l’homme se manifeste de la même manière que chez la femme, mais moins bruyant », nous affirme le Pr Ouédraogo contacté au téléphone.

Pr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue obstétricien et ex-ministre burkinabè en charge de la Santé

Selon ce gynécologue, le cancer du sein peut être héréditaire chez la femme porteuse des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Il précise, en plus, que ce mal a « des conséquences sur la libido et la fertilité tant chez l’homme que chez la femme, en raison du stress secondaire et des traitements reçus, notamment, la chimiothérapie ».

Il appelle les uns et les autres à se faire dépister régulièrement. « Grâce au dépistage, on peut faire le diagnostic précoce et éviter les formes graves », soutient-il, soulignant que « dans un premier temps, le cancer du sein est asymptomatique chez la plupart des malades et la détection précoce est donc fondamentale ».

Bien qu’asymptomatique, dans un premier temps, le cancer du sein peut provoquer une association de différents symptômes, notamment aux stades plus avancés. Ses symptômes sont, entre autres, « une masse ou un épaississement dans le sein, souvent indolore ; un changement de la taille, de la forme ou de l’apparence du sein ; des fossettes, des rougeurs, une peau d’orange ou d’autres changements cutané ; une modification de l’apparence du mamelon ou de la peau qui l’entoure et un écoulement mamelonnaire anormal ou sanglant », cite l’OMS.

Le cancer du sein touche les femmes de tous âges à partir de la puberté, mais son incidence croît à mesure que l’âge avance. Parmi les facteurs qui accroissent le risque de cancer du sein, il y a, entre autres, l’obésité, l’abus d’alcool, les antécédents familiaux de cancer du sein, l’exposition aux radiations, les antécédents gynécologiques (par exemple, l’âge au moment des premières règles et à la première grossesse), le tabagisme et le traitement hormonal postménopause. Mais selon l’OMS, « près de la moitié des cancers du sein touchent des femmes qui ne présentent aucun facteur de risque particulier autre que le sexe féminin et l’âge [plus de 40 ans] ».

Sandrine Balima épouse Naré confie avoir gardé ses cheveux qui sont tombés à la suite de la chimiotérapie

Comme le gynécologue Charlemagne Ouédraogo, Sandrine Balima Naré et Prisca Kafando, appellent les populations à toujours se faire dépister. Aux proches des malades du cancer, ils les invitent à être de vrais soutiens et de ne pas laisser le patient à lui-même. « Au niveau psychologique ce n’est pas facile », soutient Mme Naré. « Le soutien compte beaucoup, parce que au moment où vous faites la maladie, quand vous faites le traitement … il y a une sorte de dépression. Vous pensez à tout et à rien en même temps. Donc si vous êtes entourés de bonnes vibrations, des personnes autour de vous qui vous encouragent, qui ne mettent pas au-devant votre maladie, qui n’ont pas pitié de vous mais qui vous prennent comme une personne en tant que telle, normale, vous arrivez à faire face à la maladie », conclut-elle.

Au Burkina Faso, plusieurs organisations non gouvernementales œuvrent dans la lutte contre le cancer. Parmi elles, il y a l’Association Zéro cancer féminin créée en octobre 2019. Elle mène des activités de sensibilisation et de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. Son but est la réduction du taux de ces maladies. Cette organisation, dans le cadre de ses actions, dispose d’un groupe WhatsApp, « Les victorieuses », regroupant une quarantaine de femmes malades du cancer. Là, un soutien psychologique leur est apporté. « Cette année pour Octobre rose, nous avons eu à participer aux activités d’une association sœur et vis-versa. Ce que nous voulons c’est de travailler avec plusieurs organisations pour la lutte contre le cancer féminin. Plus nous travaillons ensemble plus les messages de sensibilisation portent », soutient Marceline Sidyane, chargée de communication de l’Association Zéro cancer féminin.

Par Daouda ZONGO