La secrétaire d’Etat chargée de l’Alphabétisation et de l’Education non formelle au Burkina Faso dans les années 2000, Jeanne Somé née Dombwa, 82 ans, a présenté, le dimanche 5 janvier 2025, à Ouagadougou, son tout premier ouvrage titré «Bohan ou la fille des Rochers».
«C’est un jeu d’équilibre (l’écriture). Il y a des choses qui t’ont tellement marqué, qui ont failli te détruire et tu as envie de le dire, de le crier aux gens. Mais avec l’encadrement des uns et des autres, les enfants en l’occurrence, on dit (de dire) les choses simplement». C’est par ces mots que la toute nouvelle autrice burkinabè, Mme Jeanne Somé née Dombwa a introduit, le dimanche 5 janvier 2025, dans sa prise de parole au Centre national Cardinal Paul Zoungrana de Ouagadougou qui a accueilli la cérémonie officielle de présentation de son écrit littéraire intitulé «Bohan ou la fille des Rochers». Un ouvrage autobiographique paru aux Editions Céprodif.
L’autrice qui, sur les lieux a soufflé sa 82ᵉ bougie, est revenue sur un parcours de vie préalablement défini au plan spirituel, car ses parents étaient, dans les années 1940 déjà, des cadres de l’Eglise catholique dans l’Afrique occidentale française (AOF). Mais aussi un chemin d’existence qui semblait être très délicat tant au plan sociétal qu’individuel, car étant la fille unique, qu’«on n’a pas demandée» selon sa mère, entourée de six garçons.
«Je suis née en pleine brousse, dans un petit village. Sixième enfant d’une famille qui n’avait que des garçons jusque-là. Il me semble que ma naissance a donné plus de joie à mon papa qui attendait une fille», a témoigné celle qui fût, dans es années 2000, secrétaire d’Etat chargée de l’Alphabétisation et de l’Education non formelle au Burkina Faso.
Cependant, avant d’en arriver là, dame Somé avait déjà bien affûté ses armes dans un milieu qu’elle a su, contre vents et marées, dompter. Bien avant, «en décembre 1988, on m’a appelé à la direction de l’enseignement du premier degré, c’est-à-dire la direction qui coiffait toutes les écoles primaires du Burkina Faso à l’époque. J’étais donc la première femme à occuper ce poste. Voir une femme à la tête, pour diriger tout le monde, ça n’a pas été facile», a rappelé l’auteure, à l’honneur en ce jour de grâces dominicales, Mme Jeanne Somé née Dombwa.
La cérémonie de présentation officielle du premier, et unique bébé, unique comme la seule fille des Dombwa, de la «jeune-vieille-narratrice» se révèle, selon le présentateur de «Bohan ou la fille des Rochers», un véritable symbole. En effet, elle marque l’entrée officielle de Mme Somé dans la communauté des auteurs et des gens de lettres burkinabè. C’était donc «un rite d’accueil, un rite de réception, un rite d’investiture», a souligné le Pr Yves Dakouo.
«Ecrire sur soi est un exercice périlleux. Un exercice fortement risqué, au moins pour deux raisons. La première est que c’est une sorte d’astrictif. L’astrictif ordinaire, c’est lorsqu’une personne passe du vêtu au dévêtu. (…) La deuxième difficulté, c’est que parler de soi, c’est parler des autres. Comment donc parler des autres sans les trahir, sans leur donner une mauvaise image», s’est demandé, dans sa présentation de «Bohan ou la fille des Rochers», le Pr Yves Dakouo.
Une épreuve que l’autrice de l’ouvrage de près 300 pages semble avoir passé sans coup férir, selon l’enseignant chercheur, même s’il a attesté que le public-lecteur sera le mieux placé pour en juger.
Sur les valeurs qui ont cimenté la vie de Mme Somé, selon son ouvrage, on peut en retenir quatre globalement. Il y a la foi religieuse, l’autrice est chrétienne catholique, l’amour, celui conjugal notamment, le dévouement pour l’intérêt public, soit l’engagement pour les autres, et l’attachement à un terroir, celui du pays Bwa. «Globalement, il se dégage donc de l’ouvrage, la personnalité d’une femme au caractère bien trempé. C’est-à-dire une femme qui ne mâche pas ses mots, une femme qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, une femme qui a, chevillé au corps, les valeurs morales, ce qui fait d’elle une étoile polaire pour les siens. Ce qui lui a, surtout, valu évidemment le surnom de dame de fer…», a ajouté l’universitaire.
Et Mme Somé de témoigner: «Un trait de mon caractère que beaucoup ont souligné et dont beaucoup se plaignent, il parait que je suis une dame de fer. Vrai ou faux, je n’en sais rien. (…) Mais c’est que, quand les choses ne sont pas comme j’estime qu’elles devaient être, je deviens quelque peu intransigeante».
D’ailleurs, Bohan, mot Bwamu, langue de l’auteure et parlée dans la région de l’Ouest du Burkina Faso, signifie, en français, «roche». Synonyme, selon dame Somé, de dur, qui ne se laisse pas perforer. Une personne qui a un caractère intransigeant.
«C’est une femme de rigueur. Rigueur morale, rigueur intellectuelle, rigueur comportementale. Et cette valeur a été reconnue par la nation, car elle est titulaire de deux médailles de commandeur de l’Ordre académique et commandeur de l’Ordre national», a affirmé le Professeur Dakouo.
«Malgré cette rigueur, Mme Somé est empathique, c’est-à-dire qu’elle a cette prédisposition qui fait qu’on entre en sympathie avec les autres même si on ne les connaît pas», a poursuivi l’enseignant-chercheur qui a conclu qu’«au-delà de l’histoire personnelle, au-delà de l’histoire familiale, «La fille des Rochers» a une valeur anthropologique qui en augmente l’intérêt pour le public. Je crois que Mme Somé a accompli sa mission d’écrivaine. Il reste au lecteur à accomplir la leur, en la lisant donc», a affirmé M. Dakouo.
Dans l’amphithéâtre du Centre national Cardinal Paul Zoungrana, de nombreuses personnalités culturelles, politiques et institutionnelles, ont tenu à être des témoins oculaires de cet événement. Parmi elles, l’archevêque émérite de Koupéla, Mgr Séraphin Rouamba, les anciens ministres Damo Justin Barro, Emile Dialla, Jean Baptiste Compaoré, Gilbert Ouédraogo, des proches de l’auteure, dont Frédéric Korsaga ainsi que le premier président du Conseil constitutionnel du Faso, Idrissa Traoré. Instance judiciaire dont a été membre, Mme Jeanne Somé a été membre.
Née, le 5 janvier 1943, à la frontière ouest du Burkina Faso avec le Mali, Mme Jeanne Somé née Dombwa, par ailleurs, mère de l’ex-ministre burkinabè de l’Economie, des Finances et de la Prospective, Dr Abel Seglaro Somé, a été inscrite, en octobre 1952, à l’école primaire de la mission catholique de Mandiakuy (Mali). Après le Certificat d’Etudes primaires élémentaires (CEPE), elle s’est retrouvée au collège de jeunes filles de Tounouma, à Bobo-Dioulasso, dans la Haute-Volta, actuel Burkina Faso, où elle a décroché, en 1962, le Brevet d’Etudes du Premier cycle (BEPC). Elle réussit, en juin 1965, au baccalauréat après avoir fréquenté le collège de jeunes filles de Kologh-Naaba (Ouagadougou).
Puis, en 1966, l’autrice a fait son entrée à l’Université d’Abidjan. Une année plus tard, juin 1967 pour être précis, elle arrêta les études supérieures et embrassa l’enseignement, à son tour, au collège de jeunes filles de Tounouma puis au lycée Ouézzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso. Après un concours, elle rejoint l’Institut pédagogique du Burkina (IPB), une école de cadres. Elle en sort, en 1982, munie de son diplôme d’inspecteur de l’enseignement du premier degré.
Pour ceux qui l’ont déjà lui, «Bohan ou la fille des Rochers», c’est un vrai délice de lecture.
Par Lassané SAWADOGO (Stagiaire)