Accueil A la une Attaque au Tchad: en rire ou en pleurer?

Attaque au Tchad: en rire ou en pleurer?

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Le maréchal Mahamat Idriss Deby dénonce une attaque contre sa personne (Ph. d'archives)

Après avoir qualifié de «déstabilisation éradiquée» les tirs nourris qui ont tenu en haleine, dans la soirée de ce mercredi 8 janvier, les Tchadiens, notamment les riverains du palais présidentiel de Ndjamena, le ministre porte-parole du gouvernement s’est livré à un récit totalement hallucinant, différent, comme le jour et la nuit, de ses premières déclarations euphoriques.

«C’est une attaque de 24 assaillants précisément, une sorte de ramassis, qui sont venus armés (…) de coupe-coupe et de couteaux. Ils étaient à bord d’un véhicule qu’on appelle communément Dina». S’il s’est même offert une belle photo souvenir, pistolet à la ceinture, en compagnie de la Garde présidentielle qui, dixit le chef de l’Etat, a «vitrifié» les assaillants, Abderamane Koulamallah, continue de s’emmêler les pinceaux sur les chiffres: «Ils étaient 25 personnes, à bord d’un ou deux véhicules. L’enquête va le confirmer. Le véhicule a semblé être en panne devant la présidence. (…) Ils sont descendus de façon violente et ont poignardé les quatre gardes qui étaient présents. Ils ont tué un, blessé grièvement deux et un autre est blessé légèrement.»

Morceaux choisis de la suite de la «déstabilisation éradiquée», toujours selon le ministre au pistolet: «On a constaté qu’ils avaient beaucoup d’alcool, on dirait du whisky, avec un peu de drogue, du moins les survivants (…) Il y a eu 18 morts de leur côté et 6 survivants qui sont entre les mains de la justice. (…) Il semble que cela soit quelque chose d’assez incompréhensible. Probablement pas des terroristes, puisque j’étais sur les lieux. C’est vraiment une bande de pieds nickelés, ils n’avaient aucune arme de guerre. Ce ne sont pas des terroristes».

Quant au procureur de la république, lui prend l’affaire très au sérieux et est sur la même longueur d’onde que le chef de l’Etat tchadien, le maréchal Mahamat Idriss Deby qui affirme que «les assaillants de cette vaine tentative visaient à –le- vitrifier (…)». Pour l’homme de droit, «ces actes d’une extrême gravité (…) constituent, au regard de la loi pénale, des crimes d’assassinat, des coups et blessures volontaires, de tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel, d’atteintes aux institutions de l’Etat, de complot contre l’Etat, et de participation à un mouvement insurrectionnel». Le chef du parquet est, on ne peut plus clair, l’affaire est grave!

Pourtant, cette attaque d’«une bande de pieds nickelés -qui- n’avaient aucune arme de guerre», mais attaquent, l’endroit, sans doute le plus sécurisé du Tchad, avec des coupe-coupe et des couteaux, laisse perplexe. Comment ces 24 «pieds nickelés», rien qu’avec des machettes et des couteaux, comptaient-ils anéantir des militaires lourdement armés et des chars blindés, pour avoir accès au maître des lieux, et le «vitrifier»? A s’y méprendre, en attendant que les enquêtes «déjà ouvertes», selon le procureur, livrent leur verdict, les faits, prennent l’air d’un quiproquo qui ne dit pas son nom et qui a fait des morts et ouvre la chasse à «tous les instigateurs, les auteurs, les coauteurs et complices», d’une attaque de «pieds nickelés» armés de coupe-coupe comme s’ils étaient des paysans ou des ouvriers de chantier et de couteaux, comme s’ils se rendaient à un pique-nique!

Faut-il en rire ou en pleurer? En pleurer sans doute, pour ces 18 «pieds nickelés», canardés, alors qu’ils essayaient, couteaux et machettes à la main, d’aller à l’assaut d’une citadelle imprenable, même pour Rambo! Et en rire sur la grande confusion et la légèreté de certaines déclarations. En tout cas, l’opinion nationale et internationale restent suspendues aux résultats de ces enquêtes promises par le procureur de la république.

Par Wakat Séra