Ceci est une déclaration préliminaire de la Mission électorale de la Francophonie à l’occasion du premier tour des élections des députés de l’Assemblée de l’Union des Comores, le 12 janvier 2025.
A l’invitation du Gouvernement de l’Union des Comores, la Secrétaire générale de la Francophonie a dépêché dans cet Etat membre une Mission électorale de la Francophonie (MEF), à l’occasion du premier tour des élections des députés de l’Assemblée de l’Union des Comores, tenu le 12 janvier 2025. Conduite par Monsieur Laurent KAVAKURE, ancien ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale de la République du Burundi, cette mission est composée d’une représentante de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et d’experts de haut niveau, provenant de pays francophones.
Présente à Moroni depuis le 8 janvier 2025, la Mission électorale de la Francophonie s’est entretenue avec les parties prenantes au processus électoral, notamment le ministre de l’Intérieur, la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (CNPA), des candidats des partis politiques ainsi que des représentants des organisations de la société civile. Elle a également échangé avec les Chefs de missions électorales de l’Union africaine (UA), de la Force en attente de l’Afrique de l’Est (EASF) et des partenaires internationaux, bilatéraux comme multilatéraux.
Conformément à son mandat, la Mission électorale de la Francophonie s’est attachée à évaluer les conditions de préparation et de tenue de l’élection des députés de l’Union des Comores, en application des dispositions de la Déclaration de Bamako et notamment son Chapitre IV-B consacré à la tenue d’élections libres, fiables et transparentes.
En ce qui concerne le scrutin du 12 janvier 2025, la Mission a visité une quarantaine de bureaux de vote et suivi le déroulement du vote et du dépouillement dans quelques bureaux de vote à Moroni. Les membres de la délégation se sont répartis en deux (2) équipes et ont couvert une demi-douzaine de circonscriptions électorales à Ngazidja (Grande Comore).
Sur la base des observations, analyses et entretiens conduits avec les parties prenantes du processus électoral, la Mission électorale de la Francophonie a établi les constats préliminaires suivants :
– La campagne électorale s’est déroulée sur les trois îles, dans un climat globalement serein, sans heurts ni incidents significatifs. Cependant, elle s’est caractérisée par une dynamique modérée et un désintérêt relatif d’une partie de citoyens et électeurs comoriens2
– Quelques dispositions du cadre juridique régissant le processus électoral demeurent contestées par certains acteurs politiques, qui déplorent notamment un manque d’inclusivité dans ses dispositifs et un déficit de transparence dans sa mise en œuvre ;
– Le Conseil national de la presse et de l’audiovisuel (CNPA) a informé la mission de l’insuffisance de ressources financières mises à sa disposition pour exercer efficacement les responsabilités que la loi lui confère ;
– Le fichier électoral utilisé pour les élections des députés à l’Assemblée de l’Union des Comores, le 12 janvier 2025, est identique à celui employé pour les élections du Président de l’Union des Comores et des Gouverneurs des Îles autonomes le 14 janvier 2024, sans avoir été mis à jour. La révision annuelle dudit fichier est facultative selon la CENI ;
– Le nombre de candidatures féminines aux élections législatives reste extrêmement faible (7 sur 107) ;
– Le jour du scrutin, la livraison tardive du matériel électoral dans certains bureaux de vote visités a entraîné un léger retard dans leur ouverture ;
– Les listes électorales étaient systématiquement affichées devant tous les bureaux de vote ;
– L’emplacement des centres et bureaux de vote n’a pas été systématiquement indiqué ;
– L’éclairage de certains bureaux de vote était insuffisant, même en plein jour, ce qui contraint souvent à réaliser les opérations de vote dans une semi-obscurité ;
– Le vote s’est déroulé globalement dans le calme, malgré quelques incidents mineurs relevés par la Mission électorale de la Francophonie, notamment concernant des électeurs dont les noms figuraient sur les listes électorales d’un bureau différent de celui où ils avaient voté lors des élections du Président de l’Union des Comores et des Gouverneurs des Îles autonomes le 14 janvier 2024 ;
– Les femmes et les jeunes étaient bien représentés dans les bureaux de vote comme membres de bureaux de vote, mandataires de candidats et électeurs ;
– La mobilisation des électeurs variait selon les localités, avec une participation élevée dans certaines et faible dans d’autres ;
– De manière générale, les membres des bureaux de vote ne maîtrisaient pas entièrement les procédures de vote et de dépouillement des suffrages, cette maîtrise étant parfois inégale au sein d’un même bureau ;
– Dans certains bureaux de vote, les mandataires et délégués mobiles des candidats ne semblaient ni formés ni sensibilisés à l’exercice de leur rôle ;
– Les forces de l’ordre étaient présentes aux abords des centres et bureaux de vote ;
– Les opérations de dépouillement se sont déroulées3 légalement autorisées. Dans certains bureaux de vote, ces opérations ont également été rendues difficiles par l’absence d’électricité.
– Des observateurs de la Commission nationale des droits de l’Homme et des libertés et des organisations de la société civile ont été déployés sur les trois îles.
La Mission électorale de la Francophonie, se fondant sur ses constats et les échanges avec les observateurs de la société civile, estime que le scrutin du 12 janvier 2025 s’est globalement déroulé de manière libre et transparente.
Au regard de ce qui précède, la Mission électorale de la Francophonie formule les recommandations préliminaires suivantes :
– Renforcer le cadre juridique des processus électoraux afin de le rendre plus inclusif et transparent, et de garantir ainsi l’intégrité des élections démocratiques ;
– Mettre en œuvre les dispositions légales relatives au financement et au plafonnement des campagnes électorales en adoptant les textes réglementaires requis, afin d’assurer un contrôle rigoureux des dépenses des candidats et de garantir l’équité entre eux ;
– Doter les organes de l’administration électorale de ressources humaines et financières nécessaires à l’accomplissement de leurs responsabilités et missions ;
– Actualiser le fichier électoral pour inclure tous les électeurs en âge de voter et veiller à la délivrance des cartes d’électeur dans des délais raisonnables ;
– Encourager les candidatures féminines et celles des jeunes aux élections en adoptant des mesures spécifiques, telles que l’instauration de quotas de genre et de jeunesse, d’incitations financières pour les partis respectant ces quotas, ainsi que des campagnes de sensibilisation pour promouvoir leur place dans les processus décisionnels ;
– Renforcer l’engagement citoyen et la participation électorale par des initiatives de sensibilisation et d’éducation civique, en ciblant particulièrement les jeunes et les groupes marginalisés ;
– Assurer le déploiement du matériel électoral dans les délais requis afin d’éviter l’ouverture tardive des bureaux de vote ;
– Améliorer la visibilité et l’accessibilité des bureaux de vote pour garantir un accès équitable à tous les électeurs ;
– Prendre les mesures appropriées pour la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives au vote de la diaspora aux élections ;
– Créer les conditions de participation de tous les partis aux élections, y compris, en renforçant le dialogue entre les différentes parties prenantes nationales ;
– Garantir un éclairage adéquat dans tous les bureaux de vote, en prévoyant des sources d’éclairage d’appoint suffisantes pour compenser les insuffisances d’éclairage naturel ou les coupures d’électricité, afin d’assurer des conditions optimales pour les opérations de vote et de dépouillement des suffrages4
La MEF encourage toutes les parties prenantes à utiliser les voies légales en cas de contestation des résultats électoraux ou des opérations de vote, afin de garantir le respect des procédures et la stabilité du processus démocratique.
Un rapport final sera élaboré à l’issue des élections législatives. Il formulera des recommandations plus détaillées qui viseront à renforcer le cadre juridique et le dispositif organisationnel des élections aux Comores et à contribuer à consolider la démocratie dans cet État membre de la Francophonie.
La Mission rappelle la disponibilité de l’Organisation internationale de la Francophonie à accompagner les institutions et les acteurs politiques comoriens dans la mise en œuvre des recommandations qui sont formulées.
La Mission électorale de la Francophonie saisit cette occasion pour remercier les autorités de l’Union des Comores, les différents acteurs du processus électoral et, d’une manière générale, la population comorienne pour l’accueil chaleureux qui lui a été réservé, ainsi que les facilités accordées à ses membres durant leur séjour à Moroni.
Fait à Moroni, le 14 janvier 2025