Après les affrontements à l’université de Ouagadougou mercredi 6 décembre 2017 entre des étudiants pro et anti Association nationale des Etudiants Burkinabè (ANEB), la plus grande corporation syndicale du Burkina qui ont fait environ une dizaine de blessés, le professeur Mahamadou Sawadogo, vice-président chargé des Enseignements et des Innovations pédagogiques de l’université professeur Joseph Ki-Zerbo, répond ici aux questions de Wakat Séra sur cette affaire. Il précise que le bilan officiel fait état de six étudiants non-grévistes blessés.
Wakat Séra: Quelle est la situation de l’université ce jeudi 7 novembre après l’altercation qui a eu lieu hier entre pro et anti ANEB (Association nationale des étudiants burkinabè) ?
professeur Mahamadou Sawadogo: Peut-être qu’il faut un peu rectifier car ce ne sont pas des altercations. Suite au mot d’ordre de grève lancé par l’ANEB pour trois jours, la majorité des étudiants ne voulant pas adhérer à cet appel est allée en classe. C’est suite à cela que des éléments de l’ANEB sont venus pour perturber les cours, et à la fin ils sont allés chercher des gourdins et des machettes pour venir agresser des non-grévistes qui étaient là les mains nues.
Il y a avait trois cours qui se déroulaient dans trois amphis en réalité et il y avait un autre groupe qui n’avait pas cours mais ils étaient de ceux-là qui disaient de ne pas suspendre les cours car ils étaient très en retard. Majoritairement c’était des étudiants de l’Unité de Formation et de Recherche en Lettres, Arts et Communication (UFR/LAC) et l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences Humaines (UFR/SH) et aussi de Ouaga II parce que la même situation s’est passée au niveau du SIAO (Salon international de l’artisanat de Ouagadougou où les premières et deuxièmes promotions des étudiants de Science juridique et politique (SJP) et Science économique et de gestion (SEG) prennent cours, NDLR).
Quel est le point sur les blessés suite à cette affaire ?
Concernant les blessés, disons qu’il y a eu plusieurs blessés parce que moi-même j’ai été témoin de la scène. J’étais sur le terrain. Il y a eu plusieurs blessés mais les blessés qui ont reçu des soins au niveau de l’infirmerie, il y en a eu six. Deux étaient à l’université et les quatre autres étaient au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (le plus grand centre de santé du Burkina, NDLR). Certains blessés ont reçu des coups au niveau des pieds et au dos mais la grande majorité a reçu les coups sur la tête.
Le ministre des Enseignements supérieurs, le professeur Alkassoum Maïga, a affirmé hier que les cours allaient se poursuivre aujourd’hui mais les salles de cours, bien qu’elles soient ouvertes, sont vides. Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est juste. Le ministre a lancé un appel fort pour la continuité des activités académiques. Il faut dire sur ce point que c’est d’abord la volonté des étudiants. Donc le ministre n’a pris que des dispositions pour accompagner cette volonté. Vu la violence des événements d’hier, vous comprendrez avec moi que malgré l’appel du ministre, les étudiants ne viendront pas tout de suite dans les salles de cours. Mais vous allez voir progressivement qu’ils viendront. Ce matin si vous avez observé, il y a des cours et même des soutenances concernant les petits effectifs qui sont en cours. Mais ce sont les grands amphis qui accueillent les gros effectifs qui sont en attente de redémarrer les cours. D’ici ce soir il se peut même que ça change. Lorsque les étudiants vont sentir qu’il y a un minimum de sécurité pour qu’ils puissent venir apprendre, ils viendront le faire. La preuve est qu’ils sont dans la salle en train d’étudier. Donc le message est déjà passé.
Y a-t-il des dispositions particulières de sécurité qui ont été prises pour permettre la continuité des cours dans un climat serein ?
Bien sûr ! Comme le ministre (Alkassoum Maïga) l’a dit dans son message, il y a des mesures adéquates qui ont été prises par l’administration car vous l’avez constaté tout se passe normalement sur le campus.
Y a-t-il eu des mesures disciplinaires qui ont été prises à l’encontre des agresseurs puisqu’on a ouï dire que l’administration a convoqué un conseil de discipline ce matin ?
Ce n’est pas un conseil de discipline mais un conseil scientifique. L’université a ses instances auxquelles doivent se référer le président et son administration. Donc les responsables de l’université consultent ce conseil pour prendre des décisions. Le conseil scientifique a fait le point sur les événements tragiques d’hier et le conseil ce qui a été déjà pris comme décision pour permettre aux étudiants qui veulent venir suivre les cours de pouvoir le faire dans la tranquillité et de manière sécurisée.
Que répondez-vous à l’ANEB qui accuse les autorités administratives de l’université d’inciter ou de rester silencieuses quant aux violences ?
Vous savez chacun est libre d’avoir son opinion par rapport à n’importe quel événement. Moi je suis le vice-président chargé des Enseignements et des Innovations pédagogiques, j’ai présidé le conseil de discipline qui a sanctionné Bahan Yélino. Je reste convaincu que nous l’avons fait en fonction des textes qui régissent l’université, il n’y a aucune animosité envers un étudiant. Pour tous ceux qui me connaissent puisque certains sont mes étudiants, ils pourront vous témoigner que je ne suis pas ce genre d’individu qui abuse de ses pouvoirs pour faire du mal à un étudiant. Je suis vraiment désolé. Si M. Zabré (président de l’ANEB, NDLR) a des preuves que j’ai envenimé la situation, qu’il les apporte. En tout cas en ma connaissance, je ne l’ai pas fait. Hier je suis passé dans les salles pour demander aux responsables de l’ANEB d’observer le respect des autres qui veulent suivre les cours.
Le ministre Maïga à la suite du débordement au campus a dit qu’il allait porter plainte contre les étudiants auteurs de violence à l’université. Est-ce que vous maintenez cette décision ?
Je ne veux pas remettre en cause ce que le ministre a dit, parce que c’est une autorité et donc je suis convaincu que c’est maintenu. Il a aussi dit que le conseil interne de l’université, le conseil de discipline allait aussi se pencher sur ce cas. Ce qui veut dire que si les agressés portent plainte ça suivra le même processus comme celui du cas Bahan Yélino (sanctionné à la suite d’une altercation avec son délégué de promotion, NDLR). Ca veut dire en ce moment que la commission interne va regarder et ça va arriver au conseil de discipline et nous allons trancher par rapport à leur comportement.
Le véhicule de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui sillonnait les UFR LAC et SH ce matin a été appelé à cause de cette affaire ?
Je ne sais pas si la présence des éléments de la CRS entre dans le cadre du dispositif de sécurité lié à l’affaire d’hier parce que comme je vous l’ai dit moi je me préoccupe plus des aspects académiques. Ce que je sais, c’est que le ministre a dit qu’il allait prendre les dispositions sécuritaires qui s’imposent pour que les étudiants viennent au campus en toute tranquillité suivre les cours et être évalués.
Par Mathias BAZIE