Le général est de retour. C’est avec les honneurs que l’ancien président du Mali en exil au Sénégal depuis plus de cinq ans est rentré au bercail. Avec les honneurs! Non seulement le désormais ex exilé a eu le privilège de goûter de nouveau aux délices de l’avion présidentiel affrété par le chef de l’Etat malien pour aller le chercher à Dakar, mais Amadou Toumani Touré a reçu un véritable accueil populaire de la part de milliers de Maliens amassés à l’aéroport et dans les rues de Bamako. Certes, le Mali est un pays à grande dominance musulmane, mais ce retour de ATT, plusieurs fois annoncé, avant ce jour du Seigneur du 24 décembre, veille de la Nativité chez les chrétiens, sonne comme un vrai cadeau de Noël. Mais c’est un retour aux odeurs très politiques.
L’actuel locataire du palais de Koulouba qui a essuyé un échec cuisant dans sa tentative de modification de la constitution et empêtré dans les attaques incessantes et tout autant meurtrières des djihadistes contre l’armée malienne et les troupes des Casques bleus a vu son image considérablement altérée. De même, à la veille de l’élection présidentielle de 2018 à laquelle sa probable candidature se dessine, Ibrahim Boubacar Keïta lance ainsi l’opération séduction en essayant la potion magique de la réconciliation, afin de ratisser large.
Il ne faut donc pas être un puissant analyste politique pour assimiler le retour de ATT à un savant calcul politique de IBK qui veut tirer large profit de son nouveau statut de sauveur de l’unité largement entamée de la nation malienne. Car, malgré le pénible exil sénégalais qu’il a entamé suite au coup d’état qui l’a chassé du pouvoir dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, ATT garde une popularité certaine, que ce soit au sein de l’armée ou de la population en général. D’ailleurs, l’initiative du gouvernement malien, en septembre 2013, de juger, pour haute trahison, le tombeur de Ali Moussa Traoré, n’a guère prospérer.
ATT étant celui-là même qui a été porté comme le héros libérateur du Mali du règne sans partage, musclé et muselant, de Moussa Traoré en novembre 1991. Le général est également l’homme qui a remis le Mali sur les rails de la démocratie en organisant une conférence nationale et des élections suite auxquelles il a remis le pouvoir à un civil, Alpha Oumar Konaré en l’occurrence. A coup sûr donc, même si elle a pris une bonne couche de boue lors de son retour au pouvoir marqué par une gouvernance souvent décriée, l’aura du «soldat de la démocratie» demeure, en témoigne la chaleur populaire qui a marqué son retour.
Mais s’il a été discret durant son séjour sénégalais forcé, Amadou Toumani Touré le restera-t-il à son retour au bercail, surtout si les démons de la politique qui doivent toujours sommeiller en lui se réveillent? Rien n’est moins sûr, même si dans la ferveur de retour à la maison, l’homme adonné comme gage de s’éloigner d’activité politique. Que représenteront, en ce moment, les garanties qu’auraient offertes IBK pour un retour au pays dans de bonnes conditions de l’ancien hôte de Macky Sall?
A moins que ces fameuses conditions de retour se résument simplement pour ATT à s’emmurer dans un silence de mort et ne pas jouer à l’empêcheur de gouverner en rond. L’un dans l’autre, ce retour constitue un bon point pour le Mali qui continue de tituber sur la difficile route de la réconciliation.
Par Wakat Séra
