Accueil Editorial RDC: Musengwo en courroux, le pape François inquiet, Kabila inébranlable

RDC: Musengwo en courroux, le pape François inquiet, Kabila inébranlable

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Le Pape François inquiet de la tournure des événements en RDC (Ph. liberation.fr)

Des grenades lacrymogènes balancées dans une maternité par des policiers aussi armés comme s’ils allaient sur un champ de bataille, comme l’a dénoncé l’Archevêque de Kinshasa, Laurent Musengwo. Des mamans la peur au ventre serrant leur bébé contre elles, s’abritant sous des lits ou dans les couloirs de ce lieu de naissance qui a failli devenir une morgue, le temps d’une marche de laïcs déterminés à faire partir Joseph Kabila, le chef de l’Etat congolais qui se taille un costume de président à vie. La scène surréaliste qui n’est du reste que la réplique conforme de la répression disproportionnée face à une marche de civils, a même suscité, l’inquiétude du Pape François qui, depuis Lima, au Pérou où il était en visite, n’a pas manqué non plus de monter au créneau devant la tournure sanglante que prend la crise politique en République démocratique du Congo (RDC). En affichant ouvertement son inquiétude suite à la deuxième répression meurtrière de la nouvelle manifestation des laïcs congolais contre le refus de leur président de respecter la loi fondamentale du pays et de quitter les affaires, le Pape François vient sans doute de mettre le pied dans le plat congolais. La comptabilité macabre de 6 morts de la marche des catholiques ce dimanche 21 janvier, est peut-être le véritable début de la fin pour Joseph Kabila. En tout cas, il a le dos au mur. S’il a longtemps rusé avec son peuple et réussit anéantir son opposition dans des tours de passe-passe à faire pâlir de jalousie un magicien, le président congolais a visiblement trouvé chaussure à son pied. Le Comité laïc de coordination, réputé pour sa témérité, ne veut plus rien lâcher dans ce corps-à-corps engagé avec le chef de l’Etat congolais pour l’amener à respecter l’accord de la Saint-Sylvestre signé sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Désormais, piqué dans sa chair par ces deux répressions des manifestations des dimanches 31 décembre 2017 et 21 janvier 2018, le Comité des laïcs, très proche de l’Eglise catholique affiche une détermination face à laquelle Kabila ne pourra que capituler, sauf miracle. C’est dans cette logique que Laurent Musengwo a exhorté le peuple congolais à rester inébranlable sans verser dans la violence. Réaffirmant déjà, dès la première manifestation de décembre dernier son unité contre l’injustice, l’épiscopat congolais n’a pas eu un vocabulaire assez dur pour dénoncer et condamner la force abusive des sbires de Kabila contre des chrétiens qu’ils ont pourchassés jusque dans la maison de Dieu, les arrosant de gaz lacrymogènes et les rouant de coups. Bilan, une douzaine de morts, de nombreux blessés et disparus. Laurent Musengwo Pasinya, l’archevêque métropolitain de Kinshasa, ci-devant président du bureau de la Conférence nationale souveraine congolaise de 1991, et surtout très proche du successeur de Pierre, est sans équivoque sur cette répression violente qu’il qualifie sans détour de barbarie.

Que va-t-il se passer maintenant que Joseph Kabila a réussi faire l’unanimité contre lui, sortant de sa torpeur calculée l’Eglise catholique qui n’a pris position que face à l’extrême gravité de la question? Car, le cas de la RDC, sans être désespéré n’en n’est pas moins préoccupant. Le pronostic vital du processus démocratique est même engagé, depuis le refus urticant de Kabila de se soumettre à la constitution de son pays et de partir du palais présidentiel par la grande porte, après des élections libres et ouvertes. Maintenant, arrivera-t-il à trouver une lucarne de sortie face à un peuple qui en a marre d’être le souffre-douleur de forces de défense à la solde d’un président assoiffé de pouvoir? La grande équation dans ce climat socio-politique chaotique, demeure en effet l’armée qui continue de soutenir un régime qui n’a plus aucun respect pour la vie humaine. Sans doute que les gros avantages et largesses octroyés de façon très calculée par Joseph Kabila sont déterminants dans ce soutien aveugle. Sans oublier que c’est un chaos qui profite à certains hommes de tenue, sans foi ni loi, de piller des populations terrorisées. Il est temps que les militaires prennent leur responsabilité pour protéger les brebis contre le loup imposteur. Il est aussi temps que les opposants et autres leaders de la société civile oppose une résistance unitaire à Kabila, au lieu de céder aux propositions indécentes du régime pour briser le combat noble pour l’alternance démocratique.

La peur a changé de camp, et ce ne sont pas les déclarations mensongères des séides de Kabila sur les ondes, réactions qui dénotent une fébrilité certaine d’un pouvoir agonisant, qui diront le contraire. Ne serait-ce que pour rendre hommage aux innocents tombés sous les balles assassines des hommes de Kabila, la démocratie doit triompher. Avec ou sans Joseph Kabila? Question à laquelle l’opposition qui a déjà mis à la touche le mal nommé Joseph, n’a plus aucun mal à répondre. «Joseph Kabila n’a plus qualité d’engager la RDC», tant à l’intérieur qu’à l’international, avait affirmé le président du Rassemblement de l’opposition, Félix Tshisékédi. Fin de course pour un fils de président qui voulait devenir président à vie. Ainsi pourrait être titré le nouvel épisode du feuilleton de fin de règne qui se tourne actuellement en RDC, avec Joseph Kabila dans le rôle déshonorant de l’anti-héros. Pourvu que Kabila utilise le peu de sagesse qui lui reste pour que la violence gratuite contre le peuple soit bannie de ce qui ressemble aux derniers soubresauts d’un noyé.

Par Wakat Séra