Et bis repetita! Plus de cent jeunes filles ont fondu dans la nature suite à l’attaque de leur école à Dapchi, dans l’Etat de Yobe, nord-est du Nigeria. Et plus de 48 heures après cette disparition de masse, le flou est presqu’en entier et le mystère lourd à couper au couteau, autour de cette nouvelle affaire qui vient confirmer la quasi-impuissance des gouvernants nigérians à sécuriser leur vaste territoire. Combien de jeunes filles ont disparu du pensionnat? Qui sont les auteurs de cet acte odieux? Pourquoi s’en sont-ils pris à des élèves de sexe féminin, rappelant aux Nigérians pris entre colère et inquiétude, l’enlèvement en 2014, des 276 filles d’une école de Chibok? Autant d’interrogations qui restent sans réponse et ne font qu’entremêler davantage les fils de l’écheveau. Si le mode opératoire ressemble à s’y méprendre à celui de Boko Haram qui détenait toujours en otage un nombre important des filles de Chibok, il faut relever, fait curieux, que l’hydre islamiste n’a pas encore revendiqué l’attaque de Dapchi. Certes, les actes de banditisme sont le lot quotidien des populations qui ne savent plus à quel saint confier leur protection, l’inanition parfois complice des forces de sécurité et de défense, accusées, à tort ou à raison, d’être souvent de mèche avec les criminels, ne sont plus des refuges sures.
Comment dans un Etat gouverné ces enlèvements récurrents peuvent-ils s’opérer au nez à la barbe des autorités et sous les yeux de populations terrorisées? Une douzaine de véhicules transportant des hommes lourdement armés, tirant en l’air, pillant au passage des vivres, et prenant en chasse des enseignants et élèves de la Girls Science Secondary School, un internat de jeunes filles, taraudés par la crainte de subir le sort des malheureuses filles de Chibok. Le scénario était digne des films d’action nollywoodiens qui inondent désormais les écrans africains, à partir du Nigeria d’ailleurs. Pire le dénouement incertain de cette œuvre qui est loin de relever de la fiction vient rappeler aux uns et aux autres que Abubakar Shekau, plusieurs fois annoncé mort, mais plus que jamais aussi actif est animé de la farouche et diabolique détermination de donner la preuve qu’il est vivant et encore plus dangereux. Du reste, le Tchad et le Cameroun, voisins du Nigeria, où Boko Haram fait des incursions régulières, viennent de subir des attaques meurtrières de la secte. L’attaque du pensionnat de Yobe reste énigmatique dans son ensemble. Toutefois, elle reste dans la logique de la mission de Boko Haram de lutter, comme son nom l’indique, contre «l’éducation occidentale» qui selon la secte «est un péché».
Elles seraient 111 selon la police, une cinquantaine à en croire le gouverneur de l’Etat victime, et nombre d’entre elles échaudées par l’enlèvement de Chibok reviennent progressivement de leurs cachettes. Même si Dapchi n’atteindra peut-être pas l’envergure de Chibok qui avait suscité une indignation internationale avec pour point d’orgue, le mouvement «Bring back our girls», il n’en demeure pas moins que par cette attaque spectaculaire dont elle a le secret, la secte islamiste Boko Haram vient d’étoffer son palmarès sordide d’actes terroristes. Toute chose qui lui procure cette notoriété tragique. Il est temps que Muhammadu Buhari prenne la mesure des choses pour freiner, à défaut de l’éradiquer, les ardeurs meurtriers de Boko Haram. Il l’avait d’ailleurs promis, lorsqu’il se lançait à la reconquête du fauteuil présidentiel. Simple promesse électoraliste qui n’engage que ceux qui y ont cru? Peut-être. A moins que le héros, toujours éloigné des affaires par la maladie n’aie jeté l’éponge avant même le combat, le vrai.
Par Wakat Séra