Faites vos jeux, plus rien ne va! Depuis la tenue, le 4 février dernier, des élections législatives attendues depuis treize longues années et dont les résultats ont fait la part belle au parti au pouvoir, la crise socio-politique s’est exacerbée dans une Guinée Conakry où l’opposition et une bonne partie de l’opinion prête l’intention avérée ou fausse à Alpha Condé de lorgner vers un troisième mandat présidentiel. Si les enseignants qui exigent des conditions de vie et de travail meilleures ont déposé la craie depuis plus d’un mois, les élèves et leurs parents obnubilés par le spectre de l’année blanche plaident pour une reprise des cours conditionnée par la satisfaction des revendications des premiers. Dans le même temps, les politiciens s’activent, qui pour sauvegarder le pouvoir d’Alpha Condé, qui pour l’ébranler en mettant, à juste titre en avant, des résultats d’élections dans lesquelles la transparence est remise en cause. L’opposition qui avait menacé de ne pas les reconnaître s’ils ne sont pas véridiques, ne s’embarrasse pas de fioritures pour rejeter ces chiffres qui, selon elle, ne reflète pas la réalité des urnes.
Le premier défi de l’organisation tenu, celui des résultats, comme il fallait s’y attendre est le challenge le plus difficile à tenir. Le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du professeur Alpha Condé et les figures de proue de l’opposition l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et l’Union des forces républicaines (UFR), n’entendent se faire aucun cadeau, même si, pour ces compétitions certes locales, mais d’une importance capitale dans la gestion du pouvoir, les électeurs n’ont pas marqué un enthousiasme particulier, lassés par ce temps trop long et surtout la crise de confiance aiguë avec les politiques. C’est dans cette logique, que les contestations ont fusé de toutes parts, notamment des rangs de l’opposition dont les principaux chefs, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG et Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR) sont en permanence sur le sentier de guerre. Les deux opposants dénoncent en effet des fraudes massives et des irrégularités liées au défaut de matériels. Sidya Touré est même allé plus loin, signifiant clairement que lui et ses militants, étant certains de gagner dans les circonscriptions où l’UFR a présenté des candidats, n’accepterons pas des résultats biaisés.
Les manifestations font donc rage au quotidien. Et une fois de plus, la Guinée est confrontée à une sorte de guérilla urbaine où la chasse à l’homme masquée par des volutes épaisses de fumée de pneus brûlés, renforcées par l’odeur âcre des grenades lacrymogènes et les bastonnades d’opposants et de jeunes par des forces de l’ordre zélés, sont les choses les mieux partagées. Comme s’il tenait à prendre une revanche sur l’histoire qui lui avait fait subir la même répression du temps où lui-même prenait la rue en otage, l’ancien opposant historique, maintenant aux affaires, ne fait pas dans la dentelle pour mâter ses contempteurs. Les opposants qui ne veulent rien lâcher non plus font monter le mercure. Et le peuple, pris dans ce piège infernal, incrusté entre le marteau du pouvoir et l’enclume de l’opposition se démène comme un beau diable dans un bénitier, à la recherche d’une paix impossible. Pourtant, la Guinée, dotée de richesses naturelles inestimables a bien besoin de ce sursaut patriotique pour franchir l’obstacle des intérêts égoïstes et très particuliers des politiciens pour entamer véritablement sa marche vers le développement.
Par Wakat Séra