Muhammadu Buhari entend briguer un second mandat. Sa candidature sur laquelle lui-même fait désormais peu de secret, devrait être présentée, d’ici à la fin de l’année, par le All Progressive Congress (APC), son parti politique d’appartenance. La prochaine élection présidentielle étant fixée pour février 2019, il était urgent pour l’homme fort d’Abuja de déclarer ses intentions. Non seulement ce qui n’est jusqu’à présent qu’une simple volonté peut se muer rapidement en objectif prioritaire pour le APC et son champion actuel, mais il peut également servir juste de ballon de sonde lancée à la cantonade pour passer à l’action. Ou changer le fusil d’épaule, sait-on jamais! Une chose est certaine, c’est une opportunité saisie par Muhammadu Buhari pour prendre une longueur d’avance sur les potentiels candidats, voire décourager d’autres que l’aventure tenterait. Car, le fauteuil présidentiel est très convoité au Nigeria. Et Buhari le sait, lui qui l’a déjà goûté aux délices du pouvoir de 1983 à 1985, suite au coup d’Etat de décembre 1983. Qui a bu boira, le dit si bien l’adage. Alors, malgré ses tentatives vaines de 2003, 2007 et 2011, le probable prochain candidat à sa propre succession reviendra à l’assaut et remportera l’élection présidentielle du 28 mars 2015, face au mal nommé Goodluck Jonathan. L’appétit venant en mangeant, et le pouvoir étant intrinsèquement enivrant, Buhari se met sur orbite pour 2019.
Pourtant, durant la campagne électorale et au début de son mandat, le président avait écarté toute idée de briguer ce second mandat qui pourrait bien être celui de trop, bien qu’étant constitutionnellement permis. Le Général devrait tenir parole, même si les discours euphorisants de campagne et de début d’exercice, changent presque toujours en cours de route, surtout en fin de parcours. Du reste, seul est surpris, le peuple qui, comme le corbeau de Jean de La Fontaine, apprend toujours assez naïvement que «tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute». Le renard d’Abuja ne fera donc qu’aider ses électeurs à justifier leur statut légendaire de dupes. L’autre argument qui milite fortement en défaveur de Muhammadu Buhari et devrait le contraindre à quitter les affaires est son état de santé qui a été défaillant sur une bonne partie de son mandat. Il a dû gouverner le Nigeria depuis Londres où il passait des séjours fréquents pour des soins ou de sa résidence nigériane où il était contraint de se cloîtrer pour ses longues convalescences. C’est dire combien l’homme a été absent de la scène politique, cédant pratiquement le gouvernail de la barque à son vice-président, Yemi Osinbajo qui a assuré un intérim, par ailleurs bien apprécié par les Nigérians. A son retour aux affaires, le résident déconnecté a même commis des bourdes, allant jusqu’à nommer des personnalités décédées dans son gouvernement.
Et si Muhammadu Buhari s’érigeait en grand patriote en passant le témoin, d’autre Nigérians étant sans doute plus aptes à assumer la tâche? Même au sein de l’APC, son parti, l’unanimité est loin de se faire autour de la volonté de Buhari de briguer ce second mandat. Du reste, le Nigeria, ce géant aux pieds d’argile dont l’économie s’effiloche et s’effrite, alors que la sécurité de ses populations est constamment mise à rude épreuve par les assauts récurrents et meurtriers de Boko Haram, a surtout besoin de sang neuf pour retrouver sa véritable place de puissance africaine.
Par Wakat Séra