Alors que l’élection présidentielle prévue pour le 29 juillet 2018 au Mali, se précise de plus en plus. Les annonces de candidatures, bruyantes ou sourdes, se sont succédé ces derniers temps, portant la liste des prétendants au fauteuil de Ibrahim Boubacar Keïta à une trentaine de noms. Alors que cette pléthore de candidats à la course au palais de Koulouba faisait jaser, c’est la répression par les forces de l’ordre d’un début de manifestation de l’opposition, le samedi 2 juin dernier qui tient désormais la corde de l’actualité politique. Si les manifestants ont bravé l’autorité de l’Etat en tenant à leur activité interdite en raison de l’état d’urgence brandi par le gouvernement, il n’en demeure pas moins que l’opposition dénonce une violence inouïe. Elle réclame d’ailleurs la tête du premier ministre Soumeilou Boubèye Maïga qui lui dément avec force les affirmations du chef de file de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, selon qui la police aurait tiré à balles réelles. En tout cas, la situation est assez tendue, pour amener le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Gutteres à exprimer ses inquiétudes, appelant les autorités maliennes à respecter la liberté de manifester de l’opposition. Surtout que, à en croire les organisateurs et d’autres leaders de l’opposition, cette marche était pacifique.
Quelle mouche a donc bien pu piquer les forces de l’ordre à réagir à coup de matraques et grenades lacrymogènes, pour faire taire des opposants qui n’avaient que leurs voix pour crier «vive la démocratie» et «non à la dictature»? Qu’est-ce-qui a poussé les hommes en tenue à ruer sur des manifestants à mains nues qui croyaient encore aux vertus de l’Etat de droit qu’est censé être le grand Mali, le «Maliba» de IBK? Quel a été le véritable tort des manifestants dont une trentaine a été blessée suite à l’assaut disproportionné des forces de l’ordre pour «tuer dans l’œuf» cette marche? Le pouvoir avait-il autant peur de la démonstration de force annoncée à travers cette marche? Autant de questionnements qui aboutissent tous à la frilosité constante de tous ces pouvoirs africains aux abois qui n’entendent laisser le moindre espace de contestation à leur opposition. C’est par son bilan dans la lutte contre le terrorisme qui a fait perdre le nord au Mali que IBK doit défendre son mandat passé et espérer un autre de la part de son peuple. Ce n’est pas en bandant les muscles, mais en brandissant des chiffres éloquents d’une économie florissante que le gouvernement malien pourrait convaincre un potentiel électorat qui jusque-là semble plutôt séduit par l’appel de l’opposition.
En tout cas, à la veille de cette élection présidentielle pour laquelle il se bat pour sa propre succession, Ibrahim Boubacar Keïta n’a nullement besoin de cette mauvaise publicité que lui ont gracieusement servie ses forces de sécurité. Ce sont des réactions d’une autre époque, à bannir du répertoire de tout Etat démocratique qui se respecte. C’est dire combien le casting de l’argument de la force privilégié à la for ce de l’argument est mauvais pour celui qui vient d’officialiser sa candidature à sa propre succession. La force brute et cette intelligence mises à contribution pour mater des opposants à mains nues, seront mieux appréciées si utilisées pour redonner au Mali, sa quiétude que lui ont volée les djihadistes et autres bandits qui écument ce pays jadis fier de son unité.
Par Wakat Séra