Les interrogatoires des présumés auteurs du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 au Burkina Faso, débutés le 29 juin 2018 dans le cadre du procès ouvert le 27 février dernier, se sont poursuivis ce mardi 3 juillet avec l’adjudant Jean Florent Akoé Nion et le caporal Sami Da. L’adjudant Nion, troisième accusé invité à la barre a reconnu avoir participé à l’arrestation des autorités de la transition. Affirmant qu’il «n’avait pas le choix», concernant ce qu’il a posé comme actes durant les événements, il a «déploré les morts qui ont été enregistrés».
Après l’accusé Ollo Poda qui a nié les faits à lui reprochés et remis en cause les procès-verbaux (PV) du juge d’instruction, affirmant qu’il avait été menacé de les signer, ce fut le tour de l’adjudant Nion de passer devant le tribunal. Si les deux premiers inculpés ont nié les faits, l’adjudant Jean Florent Akoé Nion, quant à lui, a dit reconnaître «partiellement les faits» qui lui sont reprochés.
Marié et père de trois enfants, l’élément de l’ex Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), né le 4 juillet 1974, poursuivi dans le dossier du putsch manqué de septembre 2015, est accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires aux attributions et à la discipline militaire.
« Le général a fait faire un coup d’Etat »
Selon son récit, le 16 septembre dans la matinée, après avoir escorté le président de la Transition Michel Kafando, il se reposait dans un local au Palais quand le sergent-chef Roger Koussoubé et le major Eloi Badiel l’ont réveillé. «Ils m’ont dit que le général (Diendéré) a instruit de faire un coup d’Etat. J’étais étonné et immédiatement j’ai envoyé un message au général en lui disant que je voulais le voir. Il m’a dit qu’il est à la maison et j’ai démarré pour aller chez lui», a relaté l’adjudant Jean Florent Akoé Nion.
Il a affirmé qu’après avoir exposé la raison de sa visite, il n’a eu du général que les mêmes informations qui lui avaient été communiquées. A la suite de ces informations, «j’avais peur de ce qui pouvait m’arriver si je refusais», a laissé entendre l’adjudant Nion. Selon lui, il ne serait peut-être pas là vivant, aujourd’hui, devant le tribunal s’il s’opposait à ce coup d’Etat.
«A mon retour à la présidence j’ai vu un attroupement sous le hall du garage où étaient, entre autres, l’adjudant Moussa Nébié, le sergent-chef Roger Koussoubé et le major Eloi Badiel. Je me suis approché du major pour lui souffler que l’information est fiable», a souligné l’adjudant Nion à la barre. Selon l’accusé, c’est quand il repartait à son poste au palais qu’à un moment donné, un véhicule qui avait à son bord, notamment, l’adjudant Moussa Nébié, a freiné à côté de lui, lui demandant de monter. «Je suis monté et on est parti à la présidence. Arrivés, nous sommes rentrés dans la salle du Conseil des ministres et l’adjudant Nébié a dit au président que «nous étions attaqués et qu’il fallait qu’on l’amène en lieu sûr». «Nous sommes sortis avec le président Kafando et le Premier ministre Isaac Zida», a déclaré l’adjudant Jean Florent Akoé Nion. Poursuivant son récit, il a affirmé que quand ils sont arrivés au niveau de la sortie de la salle, une voix lui a ordonné d’amener le professeur Augustin Loada et Réné Bagoro, tous deux ministres, ordre qu’il dit avoir exécuté.
«Ces actes que j’ai posés, je les qualifie comme des actes posés involontairement (car) je n’avais pas le choix», a-t-il précisé.
Adjudant Nion, « un bon commando »
L’adjudant Jean Florent Akoé Nion qui a été félicité par le parquet et la partie civile du fait de sa franchise, a confié que sa mission lors des événements se limitait à la présidence et qu’il n’a pas tué quelqu’un ni porté des coups à qui que ce soit. «J’ai décidé de dire la vérité car on ne m’a pas éduqué dans le mensonge», a dit l’adjudant Nion.
Son avocat Me Adrien Nion qui affirme avoir conseillé son client de dire la vérité, dit «espérer qu’au moment venu les uns et les autres sauront se souvenir de l’attitude» de l’adjudant Nion.
Pour Me Prosper Farama, avocat de la partie civile, l’attitude de cet accusé montre qu’il est un bon militaire, un bon commando car il a posé des actes et l’assume en acceptant de dire la vérité. Quant à son confrère Me Hervé Kam, il a noté que «pour les victimes du coup d’Etat c’est un début de soulagement», mais s’inquiète notamment de la vie de l’adjudant Nion. Il a souhaité que le parquet prenne des dispositions pour la protection de cet inculpé qui a décidé de dire la vérité.
L’adjudant Jean Florent Akoé Nion aurait même, au cours des échauffourées à l’hôtel Laïco où se déroulaient les pourparlers, aidé à mettre en lieu sûr, l’actuel président Roch Kaboré, de même que Sarah Sérémé, maintenant Médiateur du Faso, qui se trouvait également en difficulté.
Pour ce qui concerne l’incitation à commettre des actes contraires aux attributions et à la discipline militaire, il dit ne pas reconnaitre ces faits.
Après l’adjudant Jean Florent Akoé Nion, le prochain accusé appelé à la barre était le caporal Sami Da qui dit ne pas reconnaître les faits d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures et destruction de biens. Il affirme n’avoir eu de mission, lors du putsch, que la protection du général jusqu’à son arrestation le 21 septembre 2015. «Je n’ai fait qu’exécuter un ordre», a-t-il confié.
L’audience a été suspendue vers 17h pour reprendre ce mercredi 4 juillet, avec la poursuite de l’interrogatoire du caporal Da.
Par Daouda ZONGO