Ils sont morts pour avoir manifesté. Ils ont été sacrifiés sur l’autel du dur apprentissage de la véritable démocratie au Zimbabwe, car ils pensaient que le départ de Robert Mugabe était synonyme de liberté d’expression totale. Mal leur en a pris, car les gardiens du temple qui étaient là sous le Vieux Bob n’ont pas bougé d’une once et ne sont pas prêts à se voir dessaisir des avantages dont ils bénéficient simplement parce qu’ils sont des officiers supérieurs de l’armée zimbabwéenne ou des caciques de la ZANU/PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique). L’histoire politique du Zimbabwe va-t-il continuer à s’écrire dans le sang parce qu’un parti est décidé à prendre en otage tout un pays, opérant au passage un changement de façade? Ces manifestants civils, qui ont trouvé la mort, le seul péché ayant été de revendiquer une victoire qui pourrait effectivement être celle de leur parti? Les militaires à la gâchette facile et dangereux prédateurs des droits de l’homme, l’Afrique n’en n’a plus besoin, vu que ses priorités premières doivent concourir plutôt au mieux-être des populations et surtout de leur sécurité et celle de leurs biens.
Si à Harare, les aiguilles ne tournent pas vraiment dans le bon sens au Mali, la situation n’est pas meilleure. Les opposants au président sortant Ibrahim Boubacar Keïta, candidat à sa propre succession ayant déjà, dans une déclaration commune, signifié sans ambiguïté aucune qu’ils n’accepteront pas les résultats affectés par les irrégularités. Pourtant, les opposants à IBK ont dénoncé une foultitude de problèmes pouvant affecter ce vote frappé par une grande abstention due à l’emprise des djihadistes sur certaines régions où le scrutin n’a pu avoir lieu. Le pouvoir en place qui veut faire l’économie d’un second tour pourtant inévitable, surtout dans l’intérêt de la paix et de la stabilité socio-politique, se pliera-t-il aux injonctions des opposants? Rien n’est moins sûr, car en Afrique, il est dit qu’«on n’organise pas des élections pour les perdre». Le Mali retient donc son souffle en attendant la proclamation des résultats, ce vendredi 2 août. Les points de similitude ne sont pas les choses qui manquent le moins entre l’élection présidentielle malienne et celles générales zimbabwéennes. Dans les deux pays, c’est plus de vingt candidats qui sont allés à l’assaut du fauteuil présidentiel. Dans les deux pays, ce sont deux protagonistes, Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition et le chef de l’Etat en exercice, Ibrahim Boubacar Keïta, pour le Mali et Emmerson Mnangagwa, le président au pouvoir et champion de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF) et son opposant principal, Nelson Chamisa, du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) qui revendiquent chacun de son côté, la victoire. Dans un pays encore fragilisé par le départ brusque du Vieux Bob, le cocktail est bien explosif.
Pourquoi les élections doivent-elles toujours rimer avec chaos ou menaces de violences sur le continent? Interrogation qui subsistera tant que les politiciens, du pouvoir comme de l’opposition, ne prendront pas la courageuse décision de jouer franc jeu dans leurs ambitions de gérer les affaires d’Etat. Demain ne semble pas être la veille de cette sage option, comme au Mali où, malgré une campagne électorale plus ou moins civilisée contrastant malheureusement avec un scrutin présidentiel marqué lui par des attaques de bureaux de vote et autres faits de violence, les Maliens attendent les résultats de la présidentielle, la peur au ventre. En tout cas, les opposants du président candidat, Ibrahim Boubacar Keïta, n’entendent pas se laisser voler une victoire qu’ils jugent être leur. Malheureusement, les contestations de ce genre ont toujours constitué un terreau fertile pour des manifestations et contre-manifestations, elles-mêmes prémices de paralysie et bien de dérives les unes aussi dangereuses que les autres. Le Mali qui est pris entre les tenailles des djihadistes et autres bandits du même acabit n’a plus besoin de se rajouter d’autres soucis qui ne font que retarder son développement et renforcer la précarité existentielle des populations.
Par Wakat Séra