«Illégitime, inefficace, irresponsable et carrément dangereuse». Les mots ne sont pas destinés à une de ces organisations terroristes ou à un de ces pays auxquels les Etats-Unis s’en prennent régulièrement et finissent par les inscrire sur une «liste noire». Cette fois-ci, c’est sur la «prestigieuse» et tout autant «contestée» Cour pénale internationale que plane le couperet de l’Oncle Sam. L’option de «blacklister» la CPI est clairement énoncée par le conseiller John Bolton, non pas de son propre chef, mais au nom de son imprévisible et parfois lunatique président, Donald Trump. C’est dire combien la menace est prise au sérieux par les juges de la CPI qui aimeraient bien diriger leur viseur sur les Etats Unis, dans une éventuelle enquête sur les crimes de guerre commis par des soldats américains en Afghanistan. Mais pas que, car la procureure Fatou Bensouda et ses ouailles de la CPI, voudraient bien fouiller dans l’arrière-cour d’Israël pour y chercher de quoi monter un procès et trouver, si affinité, des compagnons à l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et tous les autres Africains qui séjournent dans la prison «5 étoiles» de Scheveningen. Il sera important pour sa crédibilité et surtout sa survie, que la CPI aille jusqu’au bout de son initiative, bien entendu en toute impartialité.
Mais de toute évidence, les Etats Unis qui ont toujours méprisé la CPI en refusant d’y adhérer et en usitant d’autres stratagèmes pour l’affaiblir, ont très vite montré les dents. Les «gendarmes du monde» sont même déterminés, si la cour issue du Traité de Rome ose s’en prendre à eux ou «à Israël ou à d’autres alliés des Américains», pour rester dans la logique du langage guerrier de John Bolton, à «laisser la CPI mourir de sa belle mort». Du reste, pour le conseiller à la Sécurité nationale, «la CPI est déjà morte». Mais les menaces de mort contre la CPI ne viennent pas que des Etats Unis. Même si le ton n’est pas aussi incendiaire que celui de l’ancien ambassadeur américain à l’ONU, les griefs des Africains, dans leur majorité contre la CPI n’en sont pas moins virulents. Car, après 20 ans d’existence la CPI demeure très contestée sous les tropiques. Les intentions sont de plus en plus manifestes de la part de pays africains de quitter le bateau, parce que déçus par ce qu’ils dénoncent comme un acharnement de la Cour contre les Etats du continent noir. En effet, comme par hasard, depuis son premier client, le Congolais Thomas Lubanga, condamné pour crimes de guerre le 14 mars 2012, la CPI n’a pris dans sa nasse que des poissons africains.
Pourtant, que de crimes à ciel ouvert sont commis par la France de Nicolas Sarkozy et ses alliés en Libye, les Etats Unis de George Walker Bush en Irak, pour ne citer que ces exemples ajoutés à la guerre en Afghanistan. Mais, la justice internationale étant à géométrie variable et ne s’appliquant qu’aux vaincus et aux faibles, la CPI ne s’était intéressée jusque- là qu’à l’Afrique. Maintenant qu’elle semble avoir opté de jouer pleinement sur le terrain de l’universalité dans sa chasse, la CPI «a rencontré garçon», comme le disent les Ivoiriens. Pourra-t-elle tenir la dragée haute aux Américains et leurs alliés? «Red lex, sed lex» affirment les Latins pour signifier que «dure est la loi, mais c’est la loi». Mieux, en son article 7, la Déclaration universelle des droits de l’homme, ne dispose-t-elle pas que «tous sont égaux devant la loi (…)»? En tout cas, «voilà affaire pour Fatou», dira Moussa dans son petit français.
Par Wakat Séra