Paul Biya est officiellement réélu. Le presque nonagénaire, il a 85 ans, a conservé son trône du palais d’Etoudi qu’il occupe depuis maintenant 36 ans. Sans être stalinien, son score de 71,28%, qui est d’ailleurs plus faible de 6 points que celui du dernier scrutin présidentiel, n’en n’est pas moins un autre uppercut assené à l’opposition dont le nouveau leader, Maurice Kamto, ne s’en tire qu’avec 14,23%, suivi du benjamin des candidats Cabral Libii, crédité de 6,28%. Les urnes ont donc livré leur verdict et les résultats qu’ils ont vomis pour cette présidentielle du 7 octobre 2018 sont sans surprise. Et ils sont passés comme lettre à la poste, en témoigne le calme presque plat qui a suivi cette proclamation du Conseil constitutionnel. Les Camerounais vaquaient dans la plus grande tranquillité à leurs occupations, et même les plus téméraires qui auraient voulu manifester un quelconque mécontentement aurait été très vite découragé par le déploiement dissuasif des forces anti-émeutes. Mieux, même dans le camp du parti présidentiel, l’incontournable Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), les effusions étaient invisibles, chacun et l’ensemble des militants étant persuadés que l’événement, si on peut encore le qualifier ainsi, était plus qu’anecdotique. Seul le ministre camerounais en charge de la Communication, l’incorrigible Issa Tchiroma Bakary a salué ce maronnier de la vie politique de son pays comme un fait majeur, intarissable sur des qualités «d’assurance tous risques», dont celui qui en est couvert se serait bien passé.
C’est donc parti pour 7 ans encore, et plus si affinité, pour le deuxième des doyens des présidents africains en exercice, après l’Equato-Guinéen, Tedoro Obiang Nguema Mbasogo. Le pouvoir demeure donc la propriété exclusive de Paul Biya qui, sauf accident, devrait fêter ses 92 ans d’âge, au palais d’Etoudi. Il serait capé, en ce moment, de 43 ans de présidence du Cameroun. Certes, le fait n’est pas surprenant mais les Camerounais vont-ils se contenter de boire le calice jusqu’à la lie? L’avenir nous le dira. Mais déjà, l’opposition, par la voie de certains de ces nouveaux champions, notamment Maurice Kamto et Cabral Libii, contestent cette «victoire incontestable», car ayant reçu le blanc-seing de Conseil constitutionnel, ce qui la préserve contre tout recours d’où qu’il vienne. Qui plus est, et ce malgré le mur de défense érigé par Issa Tchiroma qui bat en brèche les arguments contre l’âge de son mentor et sa durée de vie au pouvoir, on est en droit de se demander ce que Paul Biya peut encore apporter à un Cameroun qui malgré ses richesses naturelles colossales et ses ressources humaines importantes, n’arrive pas à prendre la tête de cette Afrique centrale, sur le plan économique. Pire, la précarité du quotidien du plus grand nombre au Cameroun ne milite point en faveur de la capacité du nouveau-ancien-éternel président à relever le niveau de vie de ses concitoyens qui végètent au bas de l’échelle, sans aucune perspective de sortir de la gadoue. De même, les velléités des séparatistes de la zone anglophone et les attaques récurrentes de la secte islamiste Boko Haram sont de gros cailloux dans la chaussure du président réélu pour la septième fois mais qui, assurément peut encore peu pour le développement du Cameroun.
En tout cas, la réélection de Paul Biya à la présidence du Cameroun vient confirmer la lenteur avec laquelle les Africains se hâtent pour aller à l’alternance démocratique. Cela fait bien l’affaire de dirigeants pour qui la démocratie et sa fille aînée, la bonne gouvernance sont le dernier des soucis, jusqu’à ce que leurs peuples se chargent de les pousser à la sortie, souvent malheureusement, très souvent dans la violence. Du reste, l’Afrique conserve jalousement ainsi, sa réputation de continent sur lequel on connaît toujours le vainqueur de la présidentielle avant les élections. Et jamais sur la base du bilan du président sortant! Biya forever!
Par Wakat Séra