La situation en République démocratique du Congo (RDC) a été analysée par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France.
A moins de deux mois, soit le 23 décembre, des élections générales devraient avoir lieu, en République démocratique du Congo. Pendant ce temps, l’horizon demeure sombre. Le Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York s’en inquiète, les qualifiant «des élections de tous les dangers». Les sondages se contredisent, à l’envi, alors que le cardinal Monsengwo, adversaire assumé du régime, a démissionné de son poste d’archevêque de Kinshasa, le 1er novembre. Il a été remplacé par Mgr Fridolin Ambongo. Depuis le mois de février, celui-ci était déjà nommé coadjuteur (adjoint à un prélat). Le gouvernement minimise le départ du cardinal, tout en parlant de non-événement. Mais, en réalité, cette décision du Vatican doit avoir un sens. Quoi qu’il en soit, le nouveau venu, par rapport au régime en place, n’est pas tendre.
Ainsi, à écouter ceux qui le connaissent, il ne jouera pas le rôle d’un simple comparse sur la scène de la politique congolaise. Comme son prédécesseur, c’est un disciple de l’idée qui voudrait que l’Eglise soit au milieu du village. A la fois spirituelle et sociale. Il y a là un lien direct avec le message biblique de saint Paul: «Théophile, j’ai parlé, dans mon premier livre de tout ce que Jésus a commencé de faire et d’enseigner dès le commencement» (Actes des apôtres, chapitre 1, verste 1). C’est le social joint au spirituel.
Pendant ce temps, une légende urbaine couvre la ville de Kinshasa, la capitale, selon laquelle, Félix Tshisekedi, un des principaux leaders de l’opposition, aurait retourné sa veste. De fait, celui-ci aurait accepté l’usage de la «machine à voter», pomme de discorde entre le pouvoir et l’opposition. Le premier assure que c’est pour la «modernité», tandis que l’autre partie y subodore un parfum de «tricherie».
Ce n’est pas tout. L’atmosphère est également empoisonnée par la guerre des sondages. Les chiffres qu’ils donnent sont plutôt une simple «vue de l’esprit», loin de toute interprétation qu’exige la rigueur scientifique dans ce domaine. Ainsi, occasionnent-ils souvent de violentes discussions, aboutissant à de vraies bagarres rangées entre partisans des deux camps adverses.
Mais comme un arbitre, deux institutions internationales, orfèvres en la matière, viennent de siffler la fin de la partie. Il s’agit du Bureau d’études et de recherche (BERCI) et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’Université de New York. Ils ont publié, mardi 30 octobre, un sondage qui donne Tshisekedi largement vainqueur. Il est crédité de 36 % d’intentions de vote, contre 17 % des suffrages attribués à son challenger, Emmanuel Ramazani Shadary (dauphin désigné par le président Kabila).
Est-ce la «fin de l’histoire»? Que nenni!
Si les élections ont lieu, malgré tout, sans compromis entre les parties adverses sur l’usage de la «machine à voter», tout indique que la victoire du pouvoir sera violemment contestée. Avec des conséquences dévastatrices que l’on sait. Si, en revanche, la victoire revenait à l’opposition, Kabila et son camp l’accepteraient-ils, démocratiquement?
Devant conduire au maintien au pouvoir du président sortant, la non-tenue d’élections sera tout autant dramatique. A vue de nez, le pays se trouve donc placé devant un bon dilemme. Entre l’enclume et le marteau. D’où le climat d’incertitude qui ne cesse de faire tache d’huile. De peur d’assister à un tsunami aux dimensions insoupçonnables.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France