Tout est mélangé! Ce sont les deux mots qui permettent de qualifier le mieux, les dernières évolutions du processus électoral en République démocratique du Congo. Après plusieurs reports dans sa tenue, les élections du 30 décembre 2018 sont aujourd’hui frappées de retard dans la proclamation de ses résultats provisoires prévus pour ce dimanche 6 janvier 2019. Ce report sine die du verdict provisoire de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), aura naturellement des répercussions sur l’ensemble du calendrier de ces élections générales. Plus que toutes les autres élections, la présidentielle focalise tous les regards. Même que l’église catholique, à travers la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), est entrée dans la danse pour le respect des dates de proclamation des résultats, et surtout pour le respect du choix véritable du peuple. Car affirment les hommes de Dieu, réunis sous la coupe de la Cenco qui a déployé plus de 40 mille observateurs sur le terrain, ils connaissent déjà le nom du vainqueur au vu des chiffres de la compilation des bulletins. C’est dire combien cette pression supplémentaire sur la Céni, a dû irriter l’institution présidée par Corneille Naanga qui, au nom de cette même compilation qu’elle affirme très difficile compte tenu des réalités de ce pays à taille de continent, refuse d’avancer une quelconque nouvelle date. Pourtant, la loi fondamentale de la RDC lui impose la date butoir du 6 janvier.
Que va-t-il se passer maintenant? Les Congolais, privés d’internet, et d’informations de chapelles autres que celle du pouvoir ne savent plus à quelle source se fier. La fermeture de média, notamment une télévision proche de l’opposition, sans oublier la coupure des signaux et la suspension de l’accréditation de la correspondante de RFI en RDC, sont autant d’éléments qui jettent le discrédit sur ces élections qui ne cessent de justifier le caractère historique, en bien comme en mal, dont elles sont taxées. Dès le début, Joseph Kabila qui a décidé de se passer de l’appui de la communauté de ces scrutins, arguant la souveraineté de la RDC, continue de mener son plan de jouer la compétition électorale à huis-clos. Juge et partie, car jouant le tout pour le tout pour que le pouvoir n’échappe pas au camp présidentiel, le maître de la RDC n’accorde l’accès de l’arène de jeu qu’au public acquis à la cause de Emmanuel Ramazani Shadary. Si tous les moyens, allant de l’interdiction de faire campagne, au silence radio, en passant par la répression de partisans de l’opposition et même l’utilisation de la fameuse «machine à voter», n’ont visiblement pas eu l’effet escompté par Joseph Kabila, ce dernier ne capitule pas. Il détient sans doute encore plusieurs cartes pour parvenir à sa fin, l’une d’elles étant d’avoir ses adversaires à l’usure, en jouant sur le temps. Du reste, ces différents reports d’élections et de résultats d’élections apportent de l’eau au moulin des contempteurs du pouvoir qui l’accusent de fraude.
En attendant que la Céni se retrouve dans son calendrier, et nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, Kinshasa ayant rejeté tout appui extérieur qui aurait pu accélérer le processus électoral et le fiabiliser, la RDC s’expose encore à une énième crise politique dont elle n’a vraiment pas besoin. Question: pour combien de temps encore les élections en Afrique seront-elles source d’inquiétudes et d’incertitudes?
Par Wakat Séra