Le 16 septembre 2015 vers 14h (GMT), des militaires de la garde présidentielle burkinabè faisaient irruption dans la salle du Conseil des ministres, prenant en otage le président de la transition Michel Kafando, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et deux autres ministres. Cette action interrompit ainsi, durant plus d’une semaine, la marche de la période transitoire débutée fin 2014, après la démission de Blaise Compaoré, à la suite de violentes manifestations contre la modification de l’article 37 de la Constitution, devant permettre à l’ex président du Faso, de se représenter pour un cinquième mandat. Pour situer les responsabilités de cette action juridiquement condamnable, un procès a été entamé le 27 février 2018.
Après les débats sur les règles procédurales, l’examen des exceptions, le procès s’est poursuivi avec l’audition des 75 accusés sur 84. Neuf des accusés sont actuellement en fuite, dont l’épouse du présumé cerveau du putsch, Fatou Diendéré née Diallo. A ce jour 75 inculpés sont passés à la barre pour les actes qu’ils auraient posés le 16 septembre 2015 et jours suivants. Deux ont été libérés par le tribunal, aucune charge n’ayant été retenue contre eux par l’arrêt de renvoi. Il s’agit du caporal Léonce Sow et le journaliste Lassina Ouédraogo. Un des accusés, Médanimpo Lompo, poursuivi pour «attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires», qui était en liberté provisoire a été victime d’un accident mortel de la circulation de retour d’une visite à sa famille qui vit à Koudougou (Centre-Ouest du Burkina).
Le film du coup de force du 16 septembre 2015, est plus ou moins connu à ce jour, après l’interrogatoire de 74 accusés, dont le général Gilbert Diendéré et le général Djibrill Bassolé (75è) qui poursuivra son audition ce lundi 7 janvier 2019. Malgré les questions à l’allure de harcèlement des différentes parties au procès, le commanditaire de la prise d’otage reste toujours inconnu. Aucun des accusés n’endosse la paternité du putsch, même pas celui présumé être le cerveau. Seul les exécutants, ceux qui ont arrêté les otages, sont connus avec à leur tête l’adjudant-chef major Eloi Badiel. Chacun de ces inculpés dit avoir exécuté des ordres. Qui est le tireur de ficelle qui a actionné les éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP)? Qui a été le donneur d’ordres? La question reste toujours posée.
Au cours des auditions, des accusés affirment avoir reçu et exécuté des ordres. D’autres n’hésitent pas à dire qu’il faut regarder plus haut, histoire de faire savoir que le donneur d’ordre est plus gradé. Et les regards étaient tournés vers le présumé cerveau, le général Gilbert Diendéré, l’ex-chef d’état-major particulier de la présidence du Faso sous le président Blaise Compaoré. Auditionné durant des semaines, le général Diendéré a réfuté les faits, en soutenant qu’il n’a ni organisé, ni commandité, ni exécuté la prise d’otage. Il a affirmé avoir été mis devant les faits déjà accomplis, alors que certain de ses coaccusés ont déclaré qu’il était au courant et que l’ordre est venu de lui. «Faux», selon le général de brigade. Qui a donc commandité le putsch? Est-ce un coup d’Etat sans géniteur? Evidemment que non. Mais pour l’instant, l’auteur du coup de force «c’est personne».
L’audience entrant dans le cadre de ce procès qui a été suspendue le 21 décembre 2018, reprend ce lundi 7 janvier 2019 avec la poursuite de l’audition du général Djibrill Bassolé, qui, lui également a rejeté les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures et trahison. Cet accusé, dont la principale pièce qui l’accable est celle des écoutes téléphoniques, appels qu’il aurait reçus du président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro. Il a promis de montrer en quoi ces écoutes ne proviennent pas «d’une interception classique». Pour lui cela a été «fabriqué et manipulé» contre sa personne.
Après les interrogatoires des accusés, le procès se poursuivra avec l’audition des témoins, des experts, l’examen des pièces à conviction, l’audition des parties civiles, les plaidoiries et des confrontations si le tribunal le juge nécessaire pour la manifestation de la vérité. Le chemin est encore long et c’est au soir de cette longue procédure que le peuple burkinabè pourrait être probablement situé sur ce qui est passé.
Par Daouda ZONGO