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Procès putsch manqué: témoignage émouvant de Rasmané Ouédraogo dit Raso

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L’audition des témoins, dans le cadre du procès du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015, s’est poursuivie ce mercredi 30 janvier 2019, avec le témoignage du comédien Rasmané Ouédraogo dit Raso. Il s’est agi là du tout premier témoignage émouvant qui a été entendu devant le tribunal, depuis le début des interrogatoires des témoins, le lundi 28 janvier 2019.

Le comédien Rasmané Ouédraogo, oncle maternel de la fille aînée du général Djibrill Bassolé, qui a eu à filmer des scènes de bastonnades à la cité An III, un quartier de Ouagadougou, a été appelé à la barre pour sa déposition. Les liens de parenté qu’il a avec la fille d’un des accusés n’a pas empêché le tribunal d’entendre le témoin sous serment. «Sa mère (de la fille de Bassolé) est de mon village. Nous sommes parentés mais nous ne sommes ni de même père ni de la même mère», a précisé M. Ouédraogo, avant qu’il lui ait été permis de prêter serment.

Dans son témoignage, le comédien, qui a suivi certaines scènes, a déclaré que à la cité An III, il y a eu des courses poursuites entre des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle et des civils pratiquement durant toute la période du putsch. «Ils les frappaient avec la main droite, puis la main gauche. Par moment c’est comme s’ils étaient fatigués de les frapper. Entre temps, d’autres éléments sont venus s’ajouter et ils ont continué à les frapper avec des cordelettes et des ceinturons», a témoigné Rasmané Ouédraogo qui a précisé que ces militaires avaient des véhicules de type «bariolé». Selon le témoin, il y a eu même un enfant qui a été battu par ces militaires. «Qu’est-ce que l’enfant a fait», s’est demandé M. Ouédraogo, s’offusquant qu’on «utilise le matériel du peuple pour le matraquer».

Pour Raso, «désormais tout se sait» surtout avec «les nouvelles technologies (qui) sont là pour ça». «Quand on pose un acte, on sera rattrapé», a affirmé Rasmané Ouédraogo.

Le témoin n’a pas manqué d’accuser sa génération, qui pour lui a failli ». «Nous devons travailler à nous racheter», a-t-il soutenu, indiquant qu’il est «mal à l’aise» car il a des connaissances parmi les victimes et aussi du côté des accusés.

Pour le parquet le témoignage de cet accusé est d’une extrême «importance». Quant à Me Olivier Yelkouni, avocat du général Gilbert Diendéré, il a déclaré que les images tournées par Rasmané Ouédraogo «ne sont pas représentatives» car on ne peut pas prendre ce qui s’est passé dans un quartier et le généraliser.

Me Zaliatou Aouoba a cherché à connaître la date et l’heure auxquelles la vidéo a été faite, mais le témoin a laissé entendre qu’il ne se souvenait pas. Il a indiqué que si on visionnait ladite vidéo, on pourrait voir la date car ça y figure.

A la suite de Rasmané Ouédraogo, le sergent-chef Arouna Mandé, fut appelé à la barre, mais il s’est trouvé qu’il était absent. Il a été alors dit au parquet de prendre des diligences afin qu’il puisse comparaître. Il est à noter qu’en cas d’absence d’un témoin le tribunal peut émettre un mandat d’amener. C’est-à-dire qu’il peut être amené de force devant le tribunal.

Il a été appelé par la suite, le premier vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) au moment des faits, Achille Tapsoba, enseignant à la retraite. Le sixième témoin à la barre.

L’intervention de M. Tapsoba a tourné autour de la tenue de la réunion du secrétariat permanent du CDP au niveau de son siège, dans la matinée du 16 septembre 2015, de l’argent (15 millions FCFA) qui a été partagé aux structures « pour la campagne électorale ». Selon M. Tapsoba, ce jour-là, il n’y a eu qu’une seule réunion statutaire et qu’il n’y a pas eu de rencontre dans la soirée.

A la réunion du matin qui aurait «pris fin 13h-14h», l’ordre du jour était «la révision de la liste électorale», a dit le témoin. Il a également indiqué que, entre-temps, le président du parti, Eddie Komboïgo se serait retiré avant de revenir avec «un petit carton contenant 15 millions F CFA». Sur cet argent, 10 millions auraient été remis à l’ex-député Salifou Sawadogo, pour la section Kadiogo, en vue du lancement de la campagne. Le partage a été fait au cours de la réunion du matin et non le soir, selon M. Tapsoba, notant que c’est vrai qu’après la réunion ceux qui sont restés échangeaient sur la situation de prise d’otage des autorités de la transition, mais «ce n’était pas une réunion, c’était de simples échanges».

Ce témoignage de Achille Tapsoba a été battu en brèche par l’accusé Salifou Sawadogo. Pour lui, il y a bel et bien eu lieu une réunion dans la soirée du 16 septembre 2015 qui a été présidée par le président du parti. Et c’est à cette rencontre qu’il a été question de sécurisation des domiciles des membres du parti. Salifou Sawadogo a ajouté que c’est ce qui a justifié le partage des 15 millions dans la soirée et non dans la matinée comme le soutient le témoin.

En ce qui concerne la manifestation du 17 septembre 2015 au Rond-point des martyrs, le témoin a affirmé qu’il n’a pas d’information précise là-dessus, laissant entendre que pour lui, il s’agirait d’un rassemblement spontané des militants du parti.

Achille Tapsoba a également dit avoir participé, durant la période du putsch manqué, à une rencontre avec le général Diendéré. Il a affirmé que le général leur aurait dit que les autorités de la transition ont été prises en otage et qu’il était en tractation avec la hiérarchie militaire pour voir la conduite à tenir et aurait ajouté qu’il souhaite travailler à remettre le pouvoir aux civils.

L’audience a été suspendue vers 17h et reprendra le vendredi 1er février 2019.

Par Daouda ZONGO

Deuxième liste des témoins à passer à la barre

Moïse Nignan Traoré, ex- 3ème vice-président du CDP

Eddie Komboïgo, président du CDP

Capitaine Cuthbert Somda

Médecin-colonel Saïdou Yonaba

Colonel Salifou Tinguéri

Lieutenant-colonel Paul Henri Damiba

Commandant Kanou Coulibaly

Capitaine Stéphane Sessouma  

Contrôleur général de police Lazare Tarpaga, ex-directeur général de la police nationale

Mathurin Bako, ex-président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)