50 ans! Voici donc un demi-siècle que le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) rassemble dans la capitale burkinabè comédiens, réalisateurs, scénaristes, mécènes, partenaires techniques et financiers, en somme tous les acteurs du cinéma du continent. De la semaine du film africain, cette rencontre est passée progressivement à un festival aux moyens modestes mais aux ambitions grandes et nobles pour un 7è art qui était loin de faire rêver ceux qui le portaient, et faisaient des films, juste pour passer le temps et amuser un public qui pourtant en redemandait. Les salles obscures étaient prises d’assaut, certes pas pour que les production africaines dont la qualité laissaient à désirer, mais surtout pour les westerns américains, les films hindous et ceux chinois. Les acteurs de ces œuvres étaient connus de tous les Africains de l’époque et surtout des jeunes qui ne juraient que par les Gary Cooper, John Wayne, Alain Delon, Wang Yu, Shaolin. A leur suite, Terminator, Commando, et autres Eddy Murphy, pour ne citer que ceux-là, sont devenus les héros de cinéma les mieux prisés par la jeunesse africaine. C’est presque comme un cendrillon que le cinéma africain a commencé à se faire une toute petite place dans les productions de Hollywood et Bollywood. Les documentaires d’anciens colonisateurs surtout ont fait leur apparition, faisant ensuite la place à ce qui a été qualifié de «cinéma de case». Mais aujourd’hui, le public africain a son cinéma et ses acteurs avec des films qui embrassent tous les genres, allant des films westerns aux films romantiques, en passant par les polars policiers.
Aujourd’hui, et ce malgré toutes les difficultés financières et souvent de productions qu’elles ont connues, les éditions du Fespaco se sont suivies sans discontinuer, l’événement étant passé entretemps au tempo de la biennale. Même lorsque le robinet de financement du cinéma africain ne coulait, et, du reste, ne coule du reste pratiquement plus, les films et les acteurs de la chaîne de production du cinéma africains, ne manquaient jamais le rendez-vous de Ouagadougou. Et la capitale du cinéma africain leur rendait bien cette reconnaissance, leur réservant un accueil digne de leurs rangs. Et même lorsue les salles de cinéma ont presque toutes disparues, le Fespaco était là et peut être fier d’accueillir pour cette édition cinquantenaire, 160 films de tout le continent africain, dont une vingtaine en course pour l’Etalon d’or de Yennenga. A en croire les organisateurs du festival cinquantenaire, qui se basent sur la qualité des œuvres en compétition, le successeur du Sénégalais, Alain Gomis, Etalon d’or de Yennenga 2017 avec «Félicité», aura fort à faire. Toutefois, il est surtout à espérer qu’une véritable industrie du cinéma africain se développe enfin, grâce à une volonté politique affirmée et surtout une implication active des privés. Même s’il sort du cadre traditionnel et classique de distribution, quittant par exemple les salles obscures, le cinéma africain a son public, en témoignent aujourd’hui le succès éclatant de Nollywood, ces films du Nigéria qui font tabac sur le petit écran au point de devenir des productions très prisées par les bouquets de renom qui se les arrachent. De même, il suffit de constater l’engouement suscité par les films de réalisateurs et d’acteurs burkinabè, dans les quelques salles encore bien fréquentées, surtout les week-ends, jours de fête et pendant le Fespaco.
Il est donc grand temps que ceux qui nous dirigent fassent de la culture, et en particulier du cinéma, une priorité dans leurs politiques afin que le cinéma africain soit, grâce à sa dimension économique, une puissante machine industrielle au service du développement. Et que vive le Fespaco 2019, malgré la tension sécuritaire extrême que connait le Burkina Faso!
Par Wakat Séra