Les résultats provisoires des élections tombent inexorablement au Sénégal après un scrutin présidentiel que les observateurs tant nationaux qu’étrangers reconnaissent s’être globalement bien déroulé. C’est une satisfaction et surtout un honneur pour ce pays qui peut s’enorgueillir de faire partie des locomotives qui tirent le train de la démocratie en Afrique. Le bon passage du cap de la tenue de l’élection présidentielle du 24 février 2019 est d’autant plus à saluer que l’ancien président sénégalais, le truculent Abdoulaye Wade avait demandé à ses partisans de brûler le matériel de vote pour empêcher la tenue du vote. «Gorgui» qui avait, en effet, chaussé les crampons à la place de son fils Karim Wade, évincé de la course au fauteuil présidentiel par une décision de justice, était descendu sur la pelouse pour perturber un match pour lequel il ne devait être qu’un simple spectateur à la limite. Malgré donc l’ire et la rancune tenace du vieil opposant devenu président et redevenu opposant, la présidentielle a connu un engouement à la taille de l’effervescence d’une campagne électorale qui a tenu en haleine électeurs et candidats. Certes, cette campagne porte la tâche malheureuse du sang de deux citoyens sénégalais qui ont fait les frais des violences qui ont presque toujours marqué les élections en Afrique, mais elle a débouché sur un vote plus ou moins correct.
Mais des inquiétudes légitimes et des doutes certains commencent à naître autour des résultats de ce vote, compte tenu des déclarations hâtives des compétiteurs et de leurs lieutenants. Certes, après un tel combat, les gladiateurs, dans l’attente du verdict de l’arbitre ont toujours tendance à se déclarer vainqueurs pour maintenir la fièvre électorale, mais dans le cas du Sénégal, cela donne l’impression que le pouvoir qui a envoyé la première salve de l’annonce d’une victoire de son champion par 57% dès le premier round, redoute le second tour. Macky Sall et les siens ont-ils peur d’un second tour qui pourrait leur être fatal du fait d’une possible coalition des chevaux de l’opposition? En tout cas, sans attendre la proclamation de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), seule structure habilitée à donner les chiffres provisoires vomis par les urnes, le pouvoir sortant a déjà crié victoire, comme s’il connaissait, avec la révélation de ce chiffre trop exact, les résultats de l’élection. Cette attitude est d’autant plus déplorable qu’elle vient de ceux qui doivent préserver un climat de sérénité autour du processus électoral. C’est donc dire combien les déclarations du Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, juste quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, sont révélateurs d’une crainte certaine d’un potentiel second tour qui, mal négocié, pourrait être fatal aux ambitions de la coalition Benno Bokk Yaakaar et son poulain, Macky Sall. Toutefois, l’opposition qui n’est pas non plus née de la dernière élection et ayant bien compris le jeu du pouvoir sortant n’a pas manqué de s’attribuer, elle aussi cette victoire tant convoitée.
Le second tour constitue donc une véritable hantise pour Macky Sall mais aussi pour le pyromane raté, Abdoulaye Wade. Ce dernier se serait bien accommodé de la victoire du président sortant qui en serait ainsi à son second et donc dernier mandat, ce qui pourrait placer son fils sur orbite pour la prochaine présidentielle, alors que le succès d’un opposant, qu’il s’appelle Idrissa Seck ou Ousmane Sonko, retarderait encore la marche vers le palais présidentiel d’un Karim Wade qui est loin d’avoir la sympathie de populations qui le trouve trop loin de leurs réalités. En attendant le verdict des urnes, Macky Sall rêve et tient toujours à son coup KO du premier tour. Ce serait juste récompense de son acharnement par justice interposée contre le fils Wade et l’ancien maire de Dakar, le très populaire Khalifa Sall qu’il a réussi à tenir éloignés des starting-blocks de la présidentielle du dimanche 24 février 2019. Vivement que la démocratie triomphe de tous ces calculs égoïstes et très personnels et reprennent tous ses droits dans un Sénégal qui a constamment tenu la chandelle en la matière en Afrique.
Par Wakat Séra