Le général Pingrenoma Zagré, ex-chef d’état-major général des armées qui a passé quatre jours devant la Chambre de jugement du tribunal militaire burkinabè comme témoin, dans le cadre du dossier du putsch manqué du 16 septembre 2015, a indiqué ce mardi 26 février 2019 qu’il a «témoigné sans aucune hostilité» à l’égard du général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup de force.
«Je tiens à te rassurer que j’ai témoigné sans aucune hostilité à ton égard pour la manifestation de la vérité», a dit le général Pingrenoma Zagré, ex-chef d’état-major général des armées (CEMGA) au moment des faits au général Gilbert Diendéré.
L’ex-CEMGA, au «vu des objectifs atteints», a laissé entendre que la stratégie que la hiérarchie militaire a adoptée durant les événements du 16 septembre 2015 et jours suivants, était «le meilleur plan». «Ce que nous avons fait, si c’était à refaire, je vais le faire car ça nous a permis de gérer (la crise) et éviter un bain de sang», a poursuivi le général Zagré.
Pourquoi, la hiérarchie n’a-t-elle pas mis aux arrêts le général Diendéré? Réponse de l’ex-CEMGA: «Il était illogique, impensable d’envisager son arrestation au moment où les autorités étaient prises en otage. A ce stade il fallait chercher à faire libérer les otages».
Au terme de sa déposition, l’ex-chef d’état-major général des armées, Pingrenoma Zagré, s’est excusé auprès des parties prenantes au procès, si toutefois il y a eu des écarts dans ses propos tout au long de son témoignage et a souhaité que l’issue du procès corresponde aux attentes des familles des victimes conformément à la loi.
La défense du général Gilbert Diendéré a relevé le fait que la déposition du général Pingrenoma Zagré lui pose problème car le témoin a eu à prendre connaissance des déclarations des uns et des autres avant de venir à la barre. Pour Me Latif Dabo, il se pourrait qu’il ait pu préparer sa déposition en fonction de ça.
Au cours de l’audition du général Zagré, ce mardi 26 février 2019, le tribunal a constaté des variations dans la déposition du témoin en ce qui concerne la mission héliportée, et a fait consigner cela par le greffier. Le témoin avait déclaré qu’il n’était pas au courant et par la suite il a laissé entendre qu’il a été informé de la demande de l’hélicoptère mais n’a pas ordonné la mission du transport du matériel de maintien d’ordre.
A la suite de l’ex-chef d’état-major général des armées, ce fut le colonel major Alassane Moné, ex-secrétaire général du ministère en charge de la Défense qui a été invité à la barre pour son témoignage.
Le témoin a déclaré que le 16 septembre 2015, il a reçu un appel du général Gilbert Diendéré qui l’a informé de ce qui se passait en ces termes: «Nous venons de faire mouvement sur Kosyam, le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida ont été arrêtés. Je souhaite une réunion de la CRAD (Commission de réflexion et d’aide à la décision) ce soir même au ministère de la Défense».
Au cours de la réunion, «tous les participants (les membres de la CRAD, l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Ouédraogo) ont désapprouvé ce coup de force», a affirmé le colonel major Moné, notant qu’il a été dit au général Diendéré qu’il ne revenait pas à l’armée de régler des questions politiques, après qu’il a donné les raisons de cette action. Les raisons qui ont été avancées par le général Gilbert Diendéré étaient, le statut des forces armées nationales, l’exclusion de certaines personnes des élections qui se profilaient et le projet de dissolution de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), a précisé le témoin.
Après plusieurs heures de pourparlers avec le général Diendéré en vue d’obtenir la libération des otages et considérer ce qui est arrivé comme un mouvement d’humeur, une délégation composée du secrétaire général du ministère de la Défense, l’ex-CEMGA, l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Ouédraogo, s’est rendue au camp de l’ex-RSP pour «dissuader les éléments de l’ex-RSP afin qu’ils reviennent sur leur position», a dit le témoin, indiquant qu’ils se sont heurtés à un refus de libérer les autorités arrêtés.
De retour au ministère, les membres de la délégation qui a rencontré les hommes de l’ex-RSP auraient proposé qu’une déclaration soit faite pour rassurer la population et c’est là que le général Diendéré aurait affirmé qu’il en a une, a témoigné l’ex-secrétaire général du ministère de la Défense. Quand le général Diendéré a fait lire ladite déclaration, l’assistance s’est rendue compte qu’il s’agissait d’une proclamation et la réunion qui a débuté vers 17h a pris fin vers 3h30 du matin. Concernant la réunion du 17 septembre 2015, le colonel major Moné a indiqué qu’elle a été présidée par l’ex-CEMGA Pingrenoma Zagré.
L’audience de ce mardi a été suspendue vers 16h50 et reprendra demain mercredi 27 février 2019 avec la poursuite de l’audition du colonel major Alassane Moné.
Par Daouda ZONGO