Muhammadu Buhari s’offre un deuxième bail de quatre ans à la tête du Nigéria. C’est l’INEC, la commission électorale nigériane qui l’a annoncé tard dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 février 2019. La structure présidée par Mahmood Yakubu a crédité le président sortant et entrant encore de 56% des suffrages de l’élection présidentielle du samedi 23 février dernier. Atiku Abubakar, champion du Parti démocratique populaire (PDP) et grand challenger du cheval gagnant du All Progressives Congress (APC) n’obtient, lui, que 41% des voix de ces concitoyens. Comme il fallait s’y attendre, le richissime opérateur économique issu du Nord comme son rival, a rejeté les résultats, estimant que les dés étaient pipés avant même le scrutin. En face la réplique ne s’est pas fait attendre, et considérant l’adversaire comme un mauvais perdant, Muhammadu Buhari a clamé haut et fort que le vote qui a débouché sur sa réélection a été «libre et juste». La tension qui était très vive lors de la campagne électorale va-t-elle se raviver avec ces déclarations d’accusation? En tout cas, le président de l’INEC, tout en reconnaissant des incidents mineurs, ne pouvant donc porter atteinte à la crédibilité du scrutin, rassure sur leur transparence. C’est dans cette atmosphère qui pourrait devenir explosive à tout moment que les observateurs internationaux, usant de prudence, ont demandé aux contestataires d’utiliser les voies juridiques à cet effet.
Les deux septuagénaires qui occupent les devants de la scène politique depuis des décennies au grand dam d’une jeunesse nigériane lassée par les promesses électorales jamais tenues et dépoussiérées à l’occasion, doivent donc mettre de l’eau dans leur vin afin d’éviter d’embraser le Nigéria qui croule déjà sous le poids d’une corruption endémique et de la menace de Boko Haram. Du reste, endiguer le fléau de la corruption qui bloque le développement inclusif de ce vaste et riche Etat en pétrole, et lutter contre la secte islamiste, constitueront de nouveau les défis prioritaires de Muhammadu Buhari qui n’a pas réussi à soulager ses concitoyens de ces maux qui sont comme un cancer qui se métastase inexorablement. Le taux de participation qui n’est que de 40%, donc en baisse par rapport au scrutin de 2015 doit d’ailleurs servir de signal fort à l’ancien-nouveau président pour prendre le taureau par les cornes afin de redonner une nouvelle chance économique au Nigéria.
Pendant que Muhammadu Buhari, malgré les cris d’orfraie du candidat malheureux, peut boire son petit lait, Macky Sall lui mange difficilement son tchieboudienne, le riz national du Sénégal. Il attend toujours dans la salle d’attente, espérant que le verdict des urnes lui rouvre les portes du palais présidentiel dès le premier tour. Si les résultats pourraient tomber ce jeudi 28 février, la guerre des chiffres continue de faire rage, depuis que le Premier ministre du président-candidat a annoncé, les votes à peine terminés, que Macky Sall a remporté l’élection dès le premier tour avec 56%. L’homme de main du président sénégalais aurait voulu jeter des doutes sur les résultats de cette élection, et surtout de l’huile sur le feu qui couvait sous ce processus électoral, qu’il n’aurait pas agi autrement. Pourvu que les chiffres qui sortiront des urnes soient conformes au choix du peuple et surtout, que les candidats trouvent les mots pour ramener leurs lieutenants et partisans à les accepter dans le calme. Ou tout au moins à les contester selon des voies constitutionnelles. Question: à quand la fin de la hantise des élections en Afrique? Le continent doit sortir de ce schéma où les élections riment avec tricherie et violences.
Par Wakat Séra