Peut-on encore sauver le soldat Jacob Zuma qui a réalisé la piètre prouesse de dilapider en moins de dix ans le grand capital de sympathie amassé par le Congrès national africain et ses leaders historiques ? Rien n’est moins sûr et la preuve vient encore d’en être donnée, à l’occasion des hommages rendus à Ahmed Kathrada au cimetière de West Park à Johannesburg, ce mercredi 29 mars 2017. Alors que la nation arc-en-ciel pleure la disparition de Ahmed Kathrada, décédé le 28 mars dernier, Zuma a brillé par son absence. Pourtant, le regretté était l’une des figures emblématiques de la lutte anti-apartheid et fidèle compagnon encore en vie, de l’immense Nelson Mandela. La famille de l’illustre disparu a simplement demandé à Jacob Zuma de se tenir éloigné de l’événement douloureux. Plus qu’un affront pour le président sud-africain rejeté de tous, notamment sa famille politique qui lui reproche, en plus de ses frasques qui s’accumulent au quotidien, d’être le cancer à l’origine des déchirements au sein de l’ANC, le mythique African National Congress, dont l’influence politique se réduit comme peau de chagrin. S’il n’est pas encore au bord de l’implosion, le parti cher à Madiba n’en mène pas large sur l’échiquier politique d’une Afrique du sud qui perd, de façon irréversible ces couleurs qui l’ont ressuscitée et faisaient d’elle une terre d’espoir pour ses habitant et particulièrement pour les noirs qui ont ployé pendant des décennies sous le faix de ce système inique et dégradant fondé sur la discrimination raciale.
Une fois de plus, Jacob Zuma a fait la preuve de son impopularité qui n’a d’égale que l’ampleur des impairs accumulés par le champion du Congrès national africain. Lors de son discours annuel sur l’état de la nation, prononcé le jeudi 9 février 2017, sous haute sécurité, mais a tout de même transformé le parlement en un vaste champ de bataille entre députés de l’opposition et du parti au pouvoir des manifestants sont allés jusqu’à traiter l’illustre orateur du jour de « président voyou ». A n’en point douter, l’étau se resserre de plus en plus autour du chef de l’Etat sud-africain, très contesté, surtout par les siens. C’est le moins qu’on puisse dire, les Combattants pour la liberté économique (EFF) du bouillant Julius Malema, faisant corps avec le reste de l’opposition pour exiger sa démission. N’est-ce pas encore sous Zuma que les Sud-africains acculés par la misère, le chômage et la hausse constante de la criminalité s’en prennent à leurs frères noirs des autres pays qu’ils disent être à l’origine de tous leurs malheurs ? Pourtant, c’est cette grande solidarité internationale, portée surtout par leurs frères noirs qui les a sortis des serres de l’apartheid.
Nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, Jacob Zuma, collectionneur de frasques devant l’Eternel est à l’origine de ses déboires. Empêtré dans plusieurs scandales dont celui retentissant de la rénovation de sa résidence et cette affaire de trafic d’influence citée par un rapport, le successeur de Thabo Mbéki semble pourtant ne pas voir le monde s’écrouler autour de lui. Corruption, clientélisme, et bien d’autres légèretés dans la gestion du pouvoir d’Etat ont fini par dénuder le roi qui est acculé de toutes parts par les étudiants, les opposants politiques classiques et ceux sortis des propres rangs de l’ANC. La pression est d’autant plus forte sur Zuma, que celui-ci vendange la grande aura du mythique ANC de Nelson Mandela, symbole de la résistance noire en Afrique du sud et père de la nation arc-en-ciel. L’héritage semble trop lourd à porter par Jacob Zuma dont l’emprise politique se réduit considérablement pendant que les radicaux de l’EFF et les libéraux de Democratic Alliance (DA), parti du centre droit, confortent leur influence sur la vie socio-politique sud-africaine. Même les syndicats qui constituaient des alliés sûrs de Zuma l’abandonnent. Pire, certains d’entre eux, n’hésitent plus à réclamer sa tête.
Jacob Zuma est-il celui par qui viendra la fin du mythe de l’ANC, déjà bien étiolée ? Tout porte à le croire, car c’est bien sous la présidence de l’ancien guérillero zulu, que l’ANC post-apartheid perdra des plumes, jusqu’au duvet, dans des élections municipales d’août 2016. Le parti a été contraint de céder de grands centres économiques comme Johannesburg, Pretoria et Nelson Mandela Bay. Grand manipulateur et adepte jusqu’aux ongles du « diviser pour régner », Zuma a pu continuer à maintenir autour de lui, la grande unité de l’ANC. Mais jusqu’à quand, vu que la forteresse d’antan est en train de se fissurer profondément par la base ? En tout cas, le successeur de Jacob Zuma aura fort à faire pour recoller les morceaux et redonner à l’ANC son lustre d’antan. Et éviter ainsi la deuxième mort de Nelson Mandela et de Ahmed Kathrada.
Par Wakat Séra