Plusieurs dizaines d’étudiants, sous la houlette de l’Union générale des étudiants burkinabè (UGEB), ont tenu un meeting ce lundi 20 mai 2019, sur le terrain de football baptisé au nom de Dabo Boukary, étudiant en septième de médecine assassiné en 1990, pour réclamer « vérité et justice » pour leur camarade qui s’est battu pour de meilleures conditions de vie et d’études. Faisant l’état de la situation au sein des universités publiques du Burkina Faso, Danouma Ismaël Traoré, président de l’UGEB a déclaré que la « situation actuelle est tout simplement catastrophique ».
« Au poteau, Alfred Traoré ! Au poteau Salifou Diallo ! En prison, Gilbert Diendéré (général de brigade) ! En prison, Mamadou Bamba (colonel) ! En prison, les commanditaires ! », a lancé un des animateurs du jour, vêtu d’un habit aux couleurs (rouge et blanc de l’Ugeb) portant les images et des signes ramenant à Dabo Boukary.
Après 9H15 (Gmt), une première note musicale exécutée par la chorale de l’UGEB annonce le début du meeting qui visait à rappeler aux gouvernants actuels que ça fait 29 ans que les étudiants sont « mobilisés et déterminés » à faire en sorte que la lumière et la justice jaillissent dans cette affaire.
« L’impunité a la peau dure au Burkina Faso. C’est pourquoi 29 ans après, le dossier Dabo Boukary, à l’instar des autres dossiers emblématiques (Norbert Zongo, journaliste et l’ex-président du Faso, Thomas Sankara) peine à voir le bout de tunnel », a d’abord fait remarquer M. Traoré, ajoutant que « nous commémorons cette anniversaire dans un contexte au plan national dont la situation se caractérise par la persistance des attaques terroristes qui endeuillent beaucoup de familles ainsi que la recrudescence des conflits inter-communautaires causant des pertes en vies humaines et de nombreux déplacés ». A cela s’ajoute « le développement des luttes revendicatives des différentes couches de la société burkinabè dont les travailleurs à travers leurs syndicats qui exigent du gouvernement la mise en œuvre des engagements signés. Toutes ces luttes traduisent au fond la remise en cause du système oppresseur néocolonial », a-t-il continué.
« Etudiant en septième année de médecine, Dabo Boukary est mort sous la torture au tristement célèbre conseil de l’entente alors qu’il ne réclamait avec d’autres étudiants que de meilleures conditions de vie et de d’études et des libertés publiques sur le campus », a condamné le président de l’UGEB, rappelant que cette journée est commémorée cette année sous le thème : « 29 ans après, poursuivons la lutte pour la vérité et la justice pour Dabo Boukary et pour l’amélioration de nos conditions de vie et d’études ».
Pour l’UGEB, certaines autorités politiques, universitaires, et militaires d’alors ont commis ce drame. Il s’agit entre autres de « feu Salifou Diallo, Blaise Compaoré (ancien président), Mouhousine Nacro (ministre des Enseignements secondaires et supérieur), Alain Nidaoua Sawadogo (recteur), Alfred Traoré (directeur de l’ISN/IDR), le capitaine Gilbert Diendéré (de l’époque), mais aussi des étudiants en son temps dont Mamadou Bamba, Bansé Moussa, Diabaté Issouf, Issa Gandema, Hubert Ouédraogo, Yandekaye Tao, ont regretté les responsables de la structure estudiantine.
Mais quelle est la situation actuelle dans nos universités publiques? « La situation de l’école burkinabè en général et de l’enseignement supérieur en particulier est tout simplement catastrophique. L’éducation en général et l’enseignement supérieur en particulier n’ont guère été une priorité pour les différents pouvoirs réactionnaires qui ont défilé à la tête de l’Etat néocolonial », a analysé Danouma Ismaël Traoré qui est parvenu à la conclusion que c’est pourquoi le budget alloué au secteur de l’enseignement, de la recherche scientifique et de l’innovation est passé de « 112 628 365 000 milliards francs CFA en 2018, à 91 668 765 000 milliards FCFA en 2019, soit une baisse de 18,61% ».
Conséquence de cette politique, on assiste à une application « aveugle » du système Licence Master Doctorat (LMD) qui continue de « tirer les universités publiques vers le bas ». Dans toutes les universités publiques, c’est le même spectacle « désolant » qui s’affiche. « Retards académiques, chevauchements de semestres et d’années, résultats catastrophiques, bâclage de la formation, difficultés de restauration et de paiement des allocations, déficit infrastructurel, etc. telle sont les difficultés auxquelles l’étudiant burkinabè est confronté quotidiennement », a-t-il poursuivi sous les « A bas ! » des étudiants qui l’écoutaient religieusement. Dans nos universités publiques avec l’application du LMD, « l’échec est devenu la règle, et le succès l’exception », s’est alarmé.
Ce meeting a été suivi par une exposition sous le hall du mythique amphi A600 de la plus grande université publique du Burkina où les étudiants ont eu droit à des explications sur le parcours des nombreuses années de lutte que l’UGEB a menées. Dans cette même veine il est prévu pour ce soir à 15H dans le même amphi A600, une communication publique sur l’esprit de sacrifice des luttes syndicales estudiantines.
Par Bernard BOUGOUM