Le Mouvement patriotique pour le salut (MPS, opposition), parti de l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac Zida, a tenu sa première conférence de presse à son siège sis à Dassasgho (Est Ouagadougou), ce mardi 12 novembre 2019, sur la situation du Burkina, notamment celle sécuritaire. Le principal conférencier , Pr Augustin Loada, président du MPS, après une analyse de la situation nationale, disant ne comprendre pas le mode de gestion des autorités politiques actuelles, s’est posé beaucoup de questions qu’il a renvoyées au régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et son « Parlement taiseux ». Enfin de compte, a pesté le professeur de droit et constitutionnaliste, Augustin Loada, « notre mal se trouve dans le leadership ».
La constitution le 9 mai 2019 du MPS, qui a pour président d’honneur, le général Yacouba Isaac Zida, exilé au Canada depuis début janvier 2016 à la fin d’une transition qu’il avait dirigée en tant chef de l’exécutif, trouve son fondement dans la trajectoire « inquiétante » prise par notre Patrie ces dernières années ; une trajectoire devenue un « sujet de préoccupation non seulement pour les Burkinabè mais aussi pour les amis du Burkina Faso », a situé M. Loada. Reconnu officiellement le 2 juillet 2019, le MPS, depuis son lancement le 27 juillet 2019 à Tenkodogo, ambitionne de renouveler l’offre politique au Burkina Faso et d’offrir au peuple burkinabè une « alternative face à un cartel de partis et d’hommes politiques qui, depuis presqu’une génération, ont fait la démonstration de ce qu’ils ne peuvent plus rien apporter d’innovant à notre peuple », a dit le professeur.
« La situation nationale, en particulier sécuritaire que traverse notre pays est grave et même très grave depuis la fin de la Transition en novembre 2015. Notre patrie est en danger. Aujourd’hui au moment où nous sommes réunis, une partie, sans cesse croissante, de notre territoire échappe désormais au contrôle de nos forces de défense et de sécurité », selon les conférenciers qui se sont inquiétés car « malgré le déni de nos gouvernants, l’autorité de l’Etat est en train de s’effondrer, et on assiste à l’extension de l’implantation physique des groupes armés, lesquels se superposent aux groupes criminels préexistants ». C’est pourquoi le MPS a présenté ses condoléances aux proches des victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.
Comment en est-on arrivé à la situation difficile que vit le Burkina Faso ? La situation que nous vit les Burkinabè peut s’expliquer en plus des facteurs exogènes, par des facteurs endogènes. Les conférenciers pointent du doigt « l’irresponsabilité de certains de nos gouvernants ». L’insécurité actuelle du Burkina « n’est qu’une partie d’une crise plus vaste et essentiellement politique qui touche aux fondements de l’Etat-nation et à son rôle dans la société burkinabè », selon Augustin Loada qui estime que des facteurs structurels comme le développement de la corruption dans les institutions étatiques et non-étatiques et dans la société burkinabè, le chômage et le manque d’opportunités économiques pour les jeunes, la pauvreté, la distribution inéquitable des ressources de l’Etat sur le plan spatial et social, les « insuffisances » de la couverture du territoire national en services publics, les « insuffisances » de la gouvernance du secteur de la défense et de la sécurité ne peuvent que faciliter l’expansion du terrorisme.
Cependant, s’est demandé l’ex-ministre de la Fonction publique sous la Transition de 2015, professeur, « qu’est-ce qui a été fait pour résoudre ces questions structurelles depuis 30 ans » ?
Il s’agit de « l’accumulation de griefs et de frustrations, subis et exprimés par les populations agro-pastorales des régions burkinabè du Sahel et de l’Est » vis-à-vis de l’Etat qui constitue le point d’ancrage au Burkina Faso pour les groupes armés transnationaux, à en croire l’ancien ministre qui cite des travaux menés par des chercheurs. « L’instrumentalisation des conflits locaux préexistants, qu’ils soient issus de la restriction sur l’accès aux ressources naturelles ou des luttes locales sur la distribution du pouvoir, a permis alors aux groupes armés d’implanter de petites cellules de combattants, et d’exporter le conflit armé du Mali au territoire burkinabè », a-t-il ajouté.
Si le MPS est d’avis que pour vaincre l’hydre terroriste, l’armée seule ne pourra pas y faire face, le parti proche du général Yacouba Isaac Zida se demande pourquoi on entend parler « d’incompréhensions entre forces de défense et de sécurité intérieure ». Pourquoi les agents qui vivent au sein des populations, qui ont des renseignements, qui connaissent la géographie et les populations locales ne sont toujours pas associés aux opérations initiées contre les groupes terroristes ?
« Pourquoi les populations locales semblent ne pas collaborer ? Où en est l’élaboration de la Politique nationale de Sécurité (PNS), de la stratégie nationale de la sécurité et des stratégies sectorielles ? Pourquoi les priorités de réformes prévues ne sont pas encore appliquées ? Où en sont les plans de mise en œuvre ? Quelles sont les mesures prises pour que l’accroissement des dépenses militaires de notre pays aille de pair avec la bonne gestion des moyens financiers mis à disposition ? Quid de l’élaboration de la stratégie de lutte anti-corruption dans le secteur ? Quelles sont les initiatives prises pour consolider la gouvernance du secteur de la sécurité ? Où en est-on avec l’élaboration de la stratégie de lutte contre l’extrémisme et la radicalisation ? Quelles sont les initiatives prises pour démobiliser les jeunes burkinabè recrutés par les groupes terroristes et assécher leur bassin de recrutement ? Quelles sont les initiatives prises pour améliorer le niveau opérationnel des FDS, et pour consolider la confiance entre les FDS et la population ? De quel mal souffrent nos FDS ? », ce sont, entre autres, des questions que se sont posés les conférenciers.
S’agissant de l’initiative récente prise par le Président du Faso de procéder à un recrutement de volontaires, nos FDS ont-elles un problème de sous-effectif, a questionné Augustin Loada qui dit attendre de voir le contenu de cette mesure avant de se prononcer objectivement. « Quelle est la vision du pouvoir actuel en ce qui concerne le recrutement de ces volontaires ? », a-t-il soutenu, ajoutant : « Quel sera le statut juridique de ces volontaires et quelles seront leurs missions ? Quelles sont les garanties prises pour qu’ils ne fassent pas l’objet d’instrumentalisation partisane ? Quelle articulation avec les initiatives locales en matière de sécurité, avec les groupes d’auto-défense comme les Koglweogo » ?
Malgré les difficultés que traverse le pays, pour le MPS, avec des « leaders transformateurs, un autre Burkina est possible » !
« Disons-le tout net, notre mal se trouve dans le leadership », s’est convaincu Augustin Loada, soulignant que comme le dit si bien cet adage : « un troupeau de moutons conduit par un lion est plus vaillant qu’un troupeau de lions conduit par un mouton ». Pour lui, il n’y a aucun doute, « la troupe est à l’image du chef ».
Par Bernard BOUGOUM