Le Covid-19 n’en finira pas de bouleverser l’ordre des choses! Alors qu’on croyait la justice aux mains des puissants qui nous gouvernent, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) vient de jeter un pavé dans la lagune Ebrié. Ni plus, ni moins, la CADHP ordonne à l’Etat de Côte d’Ivoire de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori Soro, de surseoir à l’exécution des mandats de dépôt décernés contre les requérants, Alain Lobognon, Camara Loukimane, Kanigui Soro, Yao Soumaïla, Soumahoro Kando, Kamaraté Souleymane Koné, Karidioula Souleymane, Tehfour Koné, Simon Soro, Porlo Rigobert Soro, Félicien Sekongo, Marc Kidou Ouattara, Mamadou Djibo, Aboubacar Touré, Babou Traoré, Ladji Ouattara, Gnamiand N’Drin, Dahafolo Koné, Adama Zebret, et de les mettre en liberté provisoire. Dans le bouquet final, l’institution africaine demande à l’Etat de Côte d’Ivoire de lui faire un rapport sur la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées dans la présente décision prise le 22 avril 2020, dans un délai de 30 jours, à compter de la date de sa réception. La note est on ne peut plus claire, les sanctions infligées à l’ancien président de l’Assemblée nationale et ancien premier ministre et ses collaborateurs et proches ne peuvent continuer à avoir cours. Guillaume Soro et ses proches sont poursuivis pour détournement de deniers publics, de recel de bien public et de complot contre l’autorité du territoire national.
En réalité, cet acharnement contre le faiseur du roi Alassane Ouattara, n’avait rien de juridique. Il ne fallait pas être devin ou sorti de Sciences Po pour comprendre que le but premier et ultime de ces poursuites était de mettre hors-jeu, un candidat potentiel et de poids à la présidentielle ivoirienne prévue en principe pour le 31 octobre 2020. En effet, dès lors que l’ancien «bon petit» de Alassane Ouattara, voulait devenir calife à la place du calife alors que le calife avait déjà ses plans, il est devenu l’ennemi à abattre. La machine à broyer du Soro s’est alors mise en branle, surtout que celui-ci s’est démarqué, sans autre forme de procès de l’érection de cette sorte de parti unique appelé Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Guillaume Kigbafori Soro qui lui, se fabriquait un costume de présidentiable, n’avait aucune envie de s’engoncer dans cette camisole de force politique qui étouffait toutes ses ambitions. Ce fut le début de sa descente aux enfers qui lui a valu sa chute du «tabouret» de l’Assemblée national. L’ancien chef rebelle qui été décisif dans la conquête du fauteuil présidentiel au profit de Alassane Ouattara entame alors un si long exil forcé duquel il a essayé de se soustraire le lundi 23 décembre 2019, mais son retour au bercail fut impossible. GKS, à moins d’un miracle savait bien qu’il ne pouvait revenir ainsi au bercail et tomber dans les bras de son père. Cela ne s’est passé que dans la Bible, à Luc 15, dans la «parabole du Fils prodigue» racontée par Jésus. Cette mise en scène a juste eu l’effet réussi du coup médiatique de l’opposant empêché de rentrer chez lui, par le pouvoir en place.
Et maintenant? Après cette décision de la CADHP qui peut sonner comme une victoire d’étape pour Guillaume Soro et les siens, Alassane Ouattara se résoudra-t-il à laisser son «fils» et son dauphin et candidat du RHDP, l’actuel Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, s’affronter lors de la prochaine présidentielle? Pour l’instant, ce sont les deux candidats déclarés, l’ancien président Laurent Gbagbo et son lieutenant, Charles Blé Goudé étant toujours dans les rets de la Cour pénale internationale. Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ne s’étant toujours pas non plus lancé officiellement dans la course. La sagesse voudrait en tout cas que le peuple désigne en toute souveraineté son dirigeant, comme le prévoit la constitution. Mais la politique a ses raisons que la Raison ignore et le feuilleton de la présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire est très loin de prendre fin.
Par Wakat Séra