Un réaménagement technique a été opéré au sein de l’exécutif nigérien. Le scoop ou ce que certains ont qualifié de coup de tonnerre dans le ciel politique nigérien, et qui n’a pas manqué d’alimenter l’actualité nationale, c’est que Mohamed Bazoum cède son maroquin de ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, de la sécurité publique, de la décentralisation et des affaires coutumières et religieuses Celui qui récupère ce lourd portefeuille n’est autre que l’ancien ministre délégué et numéro 2 de l’Intérieur, Alkache Alhada. On retrouvera désormais au ministère de l’Emploi, Mohamed Boucha, à celui de l’Energie, Mme Amadou Aïssata, à celui de la Population, Mme Amina Moumouni, tandis que le département de l’Entrepreuneuriat des jeunes a maintenant pour patron, Boureima Souleymane et que le ministre délégué auprès du ministre de l’Agriculture, chargé de l’Elevage n’est autre que Ali Banki.
A six mois de l’élection présidentielle, la latitude est donc donnée à Mohamed Bazoum, le candidat investi par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, pouvoir), de revêtir pleinement son boubou de dauphin, avec en point de mire la présidentielle nigérienne dont le premier tour est prévu pour le 28 décembre 2020, élection qui sera couplée aux législatives. La mise à l’écart de celui qui est considéré comme l’un des caciques du régime en place, pourrait répondre dans un deuxième temps, à un souci d’équité à l’endroit des autres candidats. Car, en le laissant au cœur du gouvernement, ce serait faire de lui, joueur et arbitre dans un match qui s’annonce serré.
Certes, il est dit qu’en Afrique, «on n’organise pas les élections pour les perdre», mais, cette vérité s’est considérablement érodée avec le temps. Il ne suffira donc plus à Mohamed Bazoum d’être le choix de l’actuel homme fort du Niger, Mahamadou Issoufou, pour cueillir en toute sérénité, le pouvoir comme un fruit mûr. La tâche lui sera d’autant plus ardue qu’il doit défendre le bilan du président sortant, ce qui n’est jamais aisé. Surtout dans un pays comme le Niger où tout demeure priorité, de l’éducation à la santé, en passant par les secteurs de l’emploi, de l’énergie, des infrastructures routières, etc. Mais l’un, sinon le premier des douze travaux d’Hercule, pardon de Bazoum, sera la lutte contre le terrorisme, cette patate bien chaude et sanglante que lui refilera, impuissant, son mentor
De toute façon, l’ancien ministre des Affaires étrangères, puis de l’Intérieur, ne sera pas en terra incognita, connaissant bien cette réalité qui endeuille constamment l’armée et les populations civiles nigériennes. Mieux, le président du PNDS, qui cède son fauteuil à un autre PNDS «pur et dur», pour utiliser la formule d’un confrère, a été de toutes les grandes batailles menées par le président Issoufou, dont il est le compagnon politique de longue date. Et peut-être bientôt le successeur, le chef de l’Etat nigérien ayant pu résister au bien tentant, mais dangereux «troisième mandat».
Si Mahamadou Issoufou sortira sans doute auréolé de ce combat contre le piège de la présidence à vie, la clé du palais présidentiel est loin d’être dans les mains du champion du PNDS pour la présidentielle en vue. Mohamed Bazoum qui, malgré ces péchés de malgouvernance et autres auxquels succombent souvent les dirigeants, que ce soit en Afrique ou en Occident, est considéré comme un véritable homme d’Etat. Cependant, il devra retrousser les manches de son boubou et plier les pantalons, car la chevauchée pour faire garder le fauteuil présidentiel à son parti sera loin de la sinécure. Surtout avec le retour en piste d’un autre gros saurien du marigot politique nigérien, l’ex chef de la junte militaire qui a dirigé une transition à l’issue d’un coup d’état, en 2010, Salou Djibo. Et la liste des prétendants est loin d’être close.
Par Wakat Séra