Dans cette correspondance adressée à Alassane Ouattara, Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole principal du Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), appelle pour un troisième mandat du président sortant.
Excellence Monsieur le Président du RHDP,
Je voudrais, avant tout propos, vous prier de bien vouloir excuser et accepter que je vous adresse cette correspondance afin de soumettre à votre très haute attention, quelques préoccupations d’une brûlante urgence, au lendemain des obsèques de notre très regretté Premier Ministre et candidat Amadou Gon Coulibaly.
Excellence Monsieur le Président, je suis conscient de l’immense douleur qui vous étreint en ces circonstances si particulières et de l’impérieuse nécessité de vous ménager, en vous accordant un petit moment de calme et de récupération. Seulement voilà : le temps n’est plus notre meilleur allié depuis la disparition brutale de notre frère bien aimé, Amadou Gon Coulibaly.
Excellence Monsieur le Président, à la Côte d’Ivoire, vous avez tout donné, ou presque. Vous avez donné le meilleur de vous-même : en énergie, en savoir-faire, en moyens et en investissement personnel. Avec amour et dévouement, vous avez déplacé des montagnes et des rivières pour redonner à notre pays sa place qu’il n’aurait jamais dû perdre. Tant sur le plan économique, social, diplomatique, sécuritaire, culturel que politique, en neuf années de gouvernance, vous avez réussi à effacer tous les stigmates de la crise post-électorale et à hisser la Côte d’Ivoire au firmament des grandes nations du continent.
Après de telles performances qui ont fait converger tous les suffrages de par le monde sur vos immenses qualités managériales et votre leadership, vous avez décidé le 5 mars dernier, devant les deux chambres du parlement réunies en congrès à Yamoussoukro, de ne pas vous représenter à l’élection présidentielle de 2020 et de passer ainsi la main à une nouvelle génération. Une semaine plus tard, en homme de parole, vous concrétisiez cette promesse par la désignation de Amadou Gon Coulibaly qui vous avait été proposé à l’unanimité par le Conseil Politique du RHDP.
Avec votre soutien et bénédiction, toute la grande famille du RHDP allait investir le terrain pour présenter cette candidature aux populations ivoiriennes. Celle-ci fut très bien accueillie par nos bases, tant et si bien que nous ambitionnions de gagner les élections dès le premier tour.
Mais, notre volonté, votre volonté de faire d’Amadou Gon Coulibaly, le futur président de la République a été contrariée par le destin.
Après avoir pleuré, prié et rendu des hommages dignes de l’illustre disparu, il nous faut remettre sur le métier, l’ouvrage. Il nous faut choisir un nouveau candidat.
En tant que Porte-Parole de notre grand parti, j’ai pris soin d’écouter, de consulter, d’observer, et je puis vous dire avec assurance que le regard des militants se tourne inexorablement vers vous et vous seul. Il n’y a que vous et vous seul qui puissiez, à leurs yeux, leur redonner l’espoir que la disparition de Amadou Gon leur a arraché. Il n’y a que vous qui puissiez combler ce grand vide. Il n’y a que votre candidature qui puisse à nouveau rassembler toute la grande famille du RHDP. Il n’y a que vous et vous seul pour garantir la sécurité, la stabilité et la paix si chères à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens.
Excellence Monsieur le Président, à pratiquement trois mois du scrutin, notre parti ne peut se payer le luxe d’aller à des nouvelles consultations pour se choisir un nouveau candidat. Avec vous, gagner au premier tour n’est plus un rêve mais une réalité. Les Ivoiriens savent que vous êtes un homme de parole. Vous avez fait devant tous une promesse. Cette promesse, vous l’avez tenue. Mais les impondérables de la vie humaine vous obligent à reconsidérer votre décision. Vous devez le faire dans l’intérêt de votre pays, vous devez le faire dans l’intérêt de votre parti, le RHDP, vous devez le faire dans l’intérêt d’Amadou Gon. Et vous savez et nous le savons que depuis là-haut où il se trouve aujourd’hui, lui aussi plaide pour que vous repreniez les choses en main.
La Constitution de la troisième République vous donne pleinement la possibilité de solliciter un autre mandat.
Excellence Monsieur le Président, le 5 mars dernier, lorsque vous avez annoncé votre volonté de vous retirer de la course à la magistrature suprême, vous avez noté le déchirement et les pleurs que cela a provoqués chez vos militants que nous sommes. Cela démontre à quel point nous sommes et demeurons attachés à votre personne, à votre action et à votre leadership.
Mais, votre désir de partir sans partir réellement, a été ressenti comme un lot de consolation, un réconfort.
Il y a de cela deux jours, quand vous quittiez Korhogo après les obsèques du Premier Ministre Amadou Gon pour regagner Abidjan, la jeunesse de la cité du Poro, en dépit de la grande douleur qui l’afflige a trouvé la force de se mobiliser à l’aéroport pour vous dire aurevoir au cri de « ADO Président », « ADO Président ». Comme pour dire, Excellence Monsieur le Président : « la disparition de Amadou Gon nous fait mal mais nous voulons rester debout si vous acceptez de revenir dans le jeu en octobre ».
Au demeurant, Excellence Monsieur le Président, vous me permettrez de rappeler que lors de votre visite d’Etat à Katiola, tout en prenant la ferme décision de passer la main à une nouvelle génération, vous avez en même temps ouvert une brèche en déclarant que « si les candidats de votre génération persistaient à faire acte de candidature, alors vous serez candidat ». Aujourd’hui, contre vents et marrées et malgré la situation judiciaire compromise de M. Laurent Gbagbo, une partie significative du FPI continue de réclamer à corps et à cris sa candidature à l’élection d’octobre.
En outre, au PDCI-RDA, contre la volonté des jeunes cadres de se hisser à la pointe de la bataille électorale d’octobre 2020, le président de ce parti qui est d’un âge jugé très avancé par ses propres militants, a usé de tous les moyens et manœuvres antidémocratiques pour s’imposer comme le candidat du parti à la présidentielle.
Au regard de tout ceci, l’on pourrait se demander pourquoi le RHDP devrait se priver de réclamer que le Président Alassane Ouattara, « Père » du second miracle Ivoirien, se repositionne sur le starting block de la prochaine élection présidentielle ? Pourquoi les autres pourraient-ils se le permettre et pas nous ?
Excellence Monsieur le Président du RHDP, Je puis vous assurer qu’une telle décision ne surprendrait point les Ivoiriens. C’est plutôt le contraire qui les embarquerait dans l’aventure et l’inquiétude. L’opposition toute entière est convaincue que toute candidature du Président Alassane Ouattara ruinerait toutes ses chances.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres que je n’ai pu exposer ici, je sollicite qu’il vous plaise d’accepter le sacrifice d’être candidat, au titre du RHDP pour l’élection présidentielle du 31 octobre.
Telle est Excellence Monsieur le Président, l’économie des préoccupations que j’ai humblement et par devoir souhaité soumettre à votre bienveillante appréciation.