C’est de plus en plus clair, les militaires ne sont pas sortis de leurs casernes pour y retourner aussitôt. La preuve vient d’en être donnée par la charte de transition que vient d’accoucher le conclave de trois jours convoqué par la junte militaire. Si le coup de maître a été réussi par le colonel Assimi Goïta et ses hommes de réunir, sous le même toit de la salle de conférence internationale de Bamako, partis politiques qu’ils soient non alignés, de l’ex-majorité, de l’opposition, du centre et des mouvements de la société civile, les résultats sont loin de contenter tout ce beau monde aux intérêts épars.
Si des participants, comme l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), donnent carte blanche au Comité national pour le salut public (CNSP) pour mener la transition sur 18 mois, selon les termes de la charte, d’autres, notamment le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces politiques (M5-RFP), s’opposent, sans autre forme de procès à cette charte, dont, selon certains des dirigeants du mouvement de contestation qui contribué au départ du régime défunt, la version adoptée par l’assemblée, a été charcutée et ne répond donc pas à l’esprit démocratique des concertations.
En accusant les militaires de vouloir confisquer le pouvoir, le M5 de l’influent imam Mahmoud Dicko, somme la junte militaire de revoir sa copie. Mais le M5-RFP, qui revendique lui aussi, la libération du Mali du régime de Ibrahim Boubacar Keïta, accusé, entre autres, de corruption et de mauvaise gouvernance, présente déjà des fissures. Tout le monde n’y parle plus visiblement de la même voix. C’est ainsi que l’aile qui se démarque des déclarations fracassantes, demande de corriger les insuffisances de la charte, tout comme le suggère l’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, qui décèle des «faiblesses» dans le document, mais trouve «qu’il y’a un minimum pour commencer.
En somme, pour ceux-ci, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Sans se constituer en avocat du diable, et bien loin d’avaliser la prise de pouvoir par les armes, sauf dans le cas du Mali où le mal était devenu nécessaire, il faut reconnaître que l’accouchement de toutes les transitions, se font dans la douleur. L’ennemi commun mis hors-jeu, toutes les parties se voient désormais en mesure de se positionner dans les instances de décision, et, le cas échéant, devenir calife à la place du calife.
Alors que l’embargo et les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) se font plus que jamais précis, l’organisation sous-régionale, ayant fixé ce mardi 15 septembre, comme deadline pour la mise en place d’une transition dirigée par un civil, le Mali nage encore dans ses divergences. Mais de plus en plus, l’option des militaires de demeurer au coeur de la politique, ne fait plus de doute. Que le CNSP choisisse un président civil et un Premier ministre militaire, ou qu’il fasse le contraire, le résultat sera le même. Le centre du pouvoir restera à Kati, car ces instances de la Transition seront désignées par un comité formé par la junte, qui a su, du reste, se construire une impunité, par l’amnistie, dans cette charte, vu que selon la Constitution malienne, le coup d’Etat est un crime imprescriptible.
En tout cas, même si la junte ne prend que le Premier ministère, cette transition, en dehors du fait qu’elle ne découle pas d’une insurrection populaire, à quelques disparités près, pourrait bien ressembler au modèle burkinabè, où la réalité du pouvoir était concentrée dans les mains du Premier ministre de l’époque, le Colonel Yacouba Isaac Zida, qui laissait peu de place au président civil, Michel Kafando, presqu’abonné à l’inauguration des chrysanthèmes.
Partira, partira pas? La question ne se pose plus visiblement pour le CNSP qui reste le maître du jeu, n’en déplaise aux têtes couronnées de la CEDEAO qui pourraient ainsi, si elles le voulaient, avoir le temps de s’occuper de la Côte d’Ivoire et de la Guinée où se préparent deux coups d’Etat sous forme de troisième mandat en téléchargement.
Par Wakat Séra