La comptabilité macabre après les affrontements entre les koglweogo, sulfureux groupes d’autodéfense et les populations du département de Ténado dans la province du Sanguié, a enflé d’un mort. Désormais, les chiffres ont évolué d’un cran passant de 5 à 6 morts et des blessés. N’en déplaise à la sensibilité de tout être humain et aux protestations des mouvements de défense des droits de l’homme, les koglweogo ont encore frappé, le jeudi 18 mai. Si besoin en était encore, ils font ainsi la preuve de leur surdité aux arrêtés de suspension ou d’interdiction de leurs activités par des autorités dont les injonctions ressemblent de plus en plus à des lamentations d’impuissance. Mais nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, c’est très indécent de la part des dirigeants de pousser des cris d’orfraie, après avoir encouragé, à un moment où tous les gens sensés les dénonçaient, l’implantation et le déploiement de ces justiciers d’un genre particulier.
Le danger que représentent les koglweogo a été très vite perçu par tous, notamment les hommes de presse dans les débats et autres articles qui sonnaient comme une prémonition. Les actes très urticants de ces hors-la-loi qui traquaient, attrapaient, jugeaient, emprisonnaient et torturaient sans état d’âme des êtres humains, accusés souvent par eux-mêmes, de vol. Au mépris de tout bon sens et surtout des normes de droit qui privilégient le sacro-saint principe de la présomption d’innocence dans ces cas, les koglweogo appliquent les sentences selon leurs propres entendements. Pire, ils infligent, au faciès et sans appel, des amendes exorbitantes à leurs suppliciés qui n’en mènent pas large, surtout face au silence complaisant de l’autorité qui a visiblement opté de combler le vide sécuritaire par les cruautés des koglweogo.
Il urge de renvoyer ces groupes d’autodéfense qui se sont mués en groupes «d’auto-attaque» à leur rôle originel de «gardiens de l’environnement» que leur confère la communauté en milieu rural. A moins de les faire prospérer dans un dessein inavoué il faut purement et simplement faire disparaître ces milices qui ne disent pas leur nom et dont l’existence sous la forme actuelle constitue un véritable danger pour l’Etat de droit qu’est le Burkina Faso. Ils ont fait la preuve qu’ils ne peuvent et ne pourront pas s’accommoder des règles de la République. S’ils ne peuvent pas se contenter de signaler des individus et cas suspects aux Forces de défense et de sécurité (FDS) ou aux auxiliaires de justice à qui ils se substituent, les koglweogo n’ont plus leur place dans cette société burkinabè éprise de paix et de justice.
Certes, dans certaines régions, des populations attribuent un retour de sécurité ou tout au moins l’infléchissement de la courbe de l’insécurité, à l’action des koglweogo. Ce qui reste à vérifier, les FDS ayant également profondément changé certaines mauvaises pratiques que les populations leur reprochaient et multiplié les patrouilles dans les rues des villes et sur les routes nationales. A l’Etat de donner aux FDS, davantage de moyens, de formation et surtout de confiance pour renforcer leur autorité et surtout leur efficacité.
Rien ne sert de s’entêter dans une voie suicidaire qui ne pourra qu’engager, à court ou long terme, le Burkina sur la voie de la déstabilisation et du chaos, car chaque localité, chaque individu ou groupe de personnes, chaque nationalité, sera tenté d’enfanter ses koglweogo qui dégaineront à la moindre occasion. En tout cas, les mille et un recadrages préconisés par l’autorité, ont montré leurs limites et il importe de changer le fusil d’épaule. Au propre comme au figuré.
Par Wakat Séra