Temps de paix et de pardon par excellence, le mois de Ramadan au Maroc, vire au cauchemar. Dans une région du Rif où les manifestations se suivent et se ressemblent par la mobilisation et surtout la détermination des habitants de Al Hoceïma, notamment les militants et sympathisant du mouvement Al Hirak, battent tous les jours, le pavé pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail. Depuis la mort en fin 2016, d’un pêcheur broyé dans une benne à ordures, Al Hirak a mis le nord du royaume chérifien en ébullition, dans un élan de contestation où hommes, femmes et enfants crient tout leur désespoir et «désepérance» de vivre un quotidien plus ou moins heureux comme leurs semblables d’autres contrées du Maroc. Puisant dans l’énergie du désespoir et face au durcissement de ton de la part du pouvoir, les arrestations du leader de Hirak, Nasser Zefsafi et d’autres militants du mouvement ont amplifié la houle de protestation, faisant grimper l’ire des manifestants. A leurs revendications originelles est venu se greffer celle de la libération pure et simple de leurs camarades. Jusque-là très discrète, la présence des femmes dans les rangs est devenue très visible.
Cette sortie des femmes n’augure rien de bon pour le pouvoir, et devrait l’amener à trouver une solution, et la bonne, car chaque fois qu’elle s’engage dans un combat, leur camp a toujours eu gain de cause. Ce ne sont pas les exemples qui manquent en Afrique, le dernier cas récent étant le Burkina Faso, avec la marche des femmes armées de spatules exigeant l’alternance. La suite de l’histoire, a conduit, quelques jours après à une insurrection populaire qui a contraint le président Blaise Compaoré à, non seulement à l’abandon du pouvoir mais à l’exil. De plus, les dirigeants marocains ont certainement encore à l’esprit, les effets dévastateurs du printemps arabe, que ce soit en Tunisie où en Libye. Certes comparaison n’est pas raison, mais ce sont les mêmes causes qui produisent les mêmes effets. En Tunisie, le tourbillon qui a déraciné le pouvoir vieux de plus deux décennies de Ben Ali, est parti de la mort d’un jeune marchand qui s’est immolé par le feu, poussant alors les populations, surtout les jeunes à enflammer la rue et les réseaux sociaux, jusqu’à ce qui est pour eux, la victoire finale. Tout cela peut bien donner des idées à la jeunesse marocaine qui fait de l’utilisation des réseaux sociaux une arme redoutable!
Et pourtant, les populations du Rif ne sont pas aussi délaissées qu’on pourrait le croire. De grands efforts ont été réalisés par le Roi Mohamed VI dont le pouvoir a investi des sommes colossales pour le développement de cette région. L’érection d’infrastructures et plusieurs initiatives d’appui aux populations ont été menées par les autorités marocaines pour sortir Rif de la précarité. Mais visiblement, tout le monde n’a pas eu droit aux fruits du développement, car des Rifains se sentent orphelins et sont persuadés que l’horizon est bouché pour eux et leurs enfants. Il est important et surtout urgent que le pouvoir sache qu’elle ne peut pas faire baisser la fièvre en cassant le thermomètre, tout comme les manifestants ont le devoir de sortir de leur radicalisme pour sortir de la crise qui elle-même constitue un handicap pour le développement. Rien ne peut se construire dans le chaos.
Par Wakat Séra