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Tchad: Déby est mort, vive Déby!

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La dernière bataille aura été fatale à Idriss Déby Itno. A en croire son armée, le guerrier d’Amdjarass, est tombé au front, ce week-end, dans des affrontements entre les forces loyales et les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact). Ce film de guerre aurait connu un «happy end» que le maréchal tchadien, se serait, une fois de plus, présenté en chef militaire qui aime son pays et est prêt à le défendre en toutes circonstances. Mais la baraka qui a souvent accompagné, sur les sentiers de guerre, l’ancien de l’école de guerre interarmées française, a fini par le lâcher. Le fils de berger zaghawa, terreur des terroristes de Iyad Ag Ghali, maître de la zone dite des trois frontières que partagent le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et des disciples de Abubakar Shéikau, le guru de la nébuleuse secte islamiste Boko Haram, est parti, par les armes, comme il est venu au pouvoir en 1990, lorsqu’il en chassait Hissène Habré.

Le dénouement de la tragédie du maréchal tchadien, servi par l’armée de son pays, est bien plausible, mais n’en suscite pas moins des doutes auprès des nombreux «Saint Thomas» qui ne croient pas, sans avoir vu. Sans remettre en cause la version des frères d’armes du maréchal, on ne saurait non plus, balayer de go, celles qui ont fait leur apparition sur les réseaux sociaux et autres. Mais, il faut le dire déjà, toute mort est triste et la disparition tragique du président en exercice du G5 Sahel, constitue une grosse perte dans la logique de la lutte contre le terrorisme qui endeuille au quotidien, les pays de cette partie de l’Afrique. Avant d’être porté en terre le vendredi prochain, dans son village natal, après des obsèques nationales à Ndjamena, le président tchadien exhume bien des soucis comme celui de la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Tchad, pris entre les feux de rebellions. Or, si la digue tchadienne cède, après celle libyenne qui a explosé sous les feux nourris de la France de Nicolas Sarkory et de ses alliés en 2011, c’est, assurément, le tapis rouge déroulé aux terroristes et bandits de grand chemin qui ont profité de la poudrière à ciel ouvert qu’est devenue la Libye, pour s’armer lourdement dans leurs assauts contre les paisibles populations du Sahel.

Il importe donc d’éviter le chaos sur le continent. Et c’est en cela qu’on aurait pu saluer l’action des généraux qui ont pris les choses en main au Tchad, instaurant couvre-feu et fermeture des frontières aériennes et terrestres. Sauf que cette irruption du Conseil militaire de transition (CMT) qui a pris le pouvoir pour 18 mois, n’est rien d’autre qu’un coup d’Etat. Le décès d’un président de la république ne devrait, en aucun cas, conduire à la suspension de la constitution et la dissolution des institutions. Pire, le nouvel homme fort de Ndjamena, n’est autre qu’un certain Mahamat Idriss Déby! Comme dans une monarchie, le fils succède au père, sans aucune considération pour les dispositions constitutionnelles. Même si, pour les défenseurs de cette énième entorse à la démocratie en «république très très démocratique» du Tchad, le pouvoir devait revenir au vice-président, selon les termes de la nouvelle constitution, poste qui n’a pas de propriétaire pour l’instant. En l’absence du dauphin constitutionnel, le fils est donc devenu propriétaire du fauteuil présidentiel, qui devient, ainsi, un héritage familial. Et comme le père, le fils aussi arrive aux affaires, âgé de 38 ans! L’histoire est-elle en train de se répéter au Tchad?

En tout cas, le ministre français en charge des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a appelé à une transition militaire d’une «durée limitée» qui puisse conduire à l’instauration d’un «gouvernement civil et inclusif». Quant aux Etats-Unis, c’est, sans ambages qu’«aux côtés du peuple tchadien en cette période difficile», ils soutiennent «une transition pacifique du pouvoir, conformément à la constitution tchadienne». A s’y méprendre, cette position de l’oncle Sam s’érige contre le pouvoir des généraux et renvoie les nouveaux maîtres de Ndjamena à la constitution qu’ils se sont empressés de suspendre.

Les prochains jours s’annoncent bien mouvementés pour un Tchad pris entre le marteau des rebelles et l’enclume des démocrates purs et durs. Un baptême du feu bien difficile pour le «petit Déby»!

Par Wakat Séra